La chute du régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta qui a vu la corruption atteindre son sommet offre une réelle occasion de soigner le Mali de ce mal qui freine son développement. Pour le nouveau Mali, les acteurs politiques et la société civile doivent convenir de la création d’un tribunal spécial pour juger toutes les affaires de détournement du denier public depuis l’avènement de la démocratie jusqu’à nos jours.

 

La corruption et le détournement de l’argent public érigés en mode de gouvernance a mis à terre le Mali. Aujourd’hui, même s’il n’existe pas de chiffres officiels, le montant de l’argent volé ou détourné s’élève à plusieurs centaines de milliards de nos francs. Une manne bien suffisante pour faire face aux problèmes de l’école, de la santé.

Selon les rapports bilan du bureau du vérificateur général de 2004 à 2018, c’est plus de 741 milliards de nos francs qui ont été dilapidés. Ce montant concerne uniquement les structures vérifiées et sans compter les autres formes de détournement.

Les nombreuses structures de lutte contre la corruption et la délinquance financière n’ont permis de dissuader encore moins de lutte contre le phénomène. La loi N°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite initié par le régime d’IBK est restée lettre morte.

Les contours des jalons du nouveau Mali doivent reposer sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière, le bannissement de l’impunité pour restituer à la loi, toute sa force et sa plénitude. C’est pourquoi, les nouvelles autorités qui seront mises en place pour la transition doivent inscrire dans leurs priorités, le combat contre la corruption en mettant en place un tribunal spécial qui prendra en charge tous les dossiers de corruption et d’atteinte aux biens publics depuis l’avènement de la démocratie jusqu’à nos jours. Cette urgence incombe aux autorités de la transition, car la lutte contre la corruption, la délinquance financière et l’impunité doivent servir de ciment pour la construction du nouveau Mali.

Une lutte implacable et sans merci contre le phénomène de la corruption aura l’avantage de soigner l’image du Mali et redonner confiance aux partenaires aux yeux desquels notre pays n’était crédible.

C’est combien le phénomène de la corruption asphyxie le développement du pays.

Sur la période 2004 à 2010, le BVG a effectué 117 vérifications financières dans 79 entités. Ces vérifications ont mis en lumière plus de 383 milliards de FCFA de manque à gagner pour le Trésor Public et les entités vérifiées. Sur la période 2011-2018, ce sont 358,43 milliards de FCFA d’irrégularités financières qui ont été décelées par le BVG soit 106,10 milliards au compte de la fraude et 252,33 milliards FCFA au compte de la mauvaise gestion.

« La lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière est de longue haleine. Elle doit être confirmée et s’inscrire quotidiennement dans les actions de tous les acteurs de la gouvernance. Les irrégularités relevées par les vérifications dans le cadre de cette mauvaise gestion des fonds publics sont un incontestable gâchis, surtout quand on sait que les structures vérifiées ne représentent qu’un faible pourcentage des services et organismes publics de l’Etat, au Mali, environ 10%. De plus, cette approche conceptuelle de mauvaise gestion que nous employons est un euphémisme qui constitue en réalité un camouflage intelligent et bien réfléchi de détournement des biens publics », écrivait le Vérificateur Général M. Amadou Ousmane Touré dans son rapport bilan de 2011-2018.

Il faut profiter des réformes à venir pour faire de la corruption et du détournement un crime imprescriptible.

Daouda T. Konaté

Source: L’Investigateur