Le Bureau du vérificateur général a publié son rapport 2015 qui épingle des Directions des Finances et du Matériel de divers départements ministériels, des services centraux, des projets et sociétés privées. Les manquements relevés portent sur des dizaines de milliards de Fcfa. Fort de ce constat amer, le Vérificateur général lance un cri d’alarme et demande aux autorités d’assainir davantage la gestion peu orthodoxe des deniers publics. Cela passe par des mesures qui pousseront les gestionnaires à emprunter le sentier de la transparence et d’une meilleure gestion des ressources publiques.

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En créant les services de contrôle, les différents pouvoirs n’ont qu’un seul souci : instaurer un climat dissuasif pour éviter la délinquance financière et l’enrichissement illicite. Malgré la multiplicité des structures de contrôle, la mauvaise gestion des ressources financières, les détournements de deniers publics font saigner l’Etat. Pourtant les différents rapports produits régulièrement par ces services de contrôle dénoncent et pointent du doigt les auteurs de ces crimes. Alors question : ces rapports sont-ils fiables ? Le dernier rapport fourni par le Bureau du vérificateur général (Bvg) produira-t-il les résultats escomptés ?  Le Procureur général, chargé de déclencher l’action publique, fait-il son travail ? Les autorités sont -elles laxistes pour donner une suite aux différents rapports des services de contrôle ? Autant de questions dont des réponses adéquates permettront de limiter les dégâts. A défaut, la création de ces nombreux services de contrôle n’aura aucun sens.

Pour produire ledit rapport, le Bvg a effectué seize missions, auprès de vingt-trois structures, composées des services centraux, de Dfm, des projets et des sociétés privées. Ces missions effectuées en 2015 ont permis de déceler des irrégularités financières dont le montant s’élève à 70,10 Milliards Fcfa. La décomposition donne 32,67 milliards Fcfa comme fraude et la mauvaise gestion se chiffre à 37,43 milliards. Face à un tel saignement de l’Etat, le Bvg a poussé un cri d’alarme. C’est-à-dire prendre des mesures nécessaires, pour assurer davantage la gestion des ressources financières de l’Etat.

Pour l’analyse de ce rapport du Vérificateur général, nous traitons les cas de trois Directions des Finances et du Matériel (Dfm), les autres suivront.

La Dfm du Ministère de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la  reconstruction du Nord (Msahrn) : 220 Millions Fcfa volatilisés 

De janvier 2012 à mars 2015, l’Etat a alloué au Msahrn, un budget de 23,22 milliards de Fcfa, pour faire face aux défis de la réduction de la pauvreté et de la lutte contre les inégalités, la solidarité et la protection sociale. Ce montant a été géré par la Dfm du Département, malheureusement des défaillances ont été constatées par le Vérificateur général. Les irrégularités assimilables à un détournement se chiffrent à 220 583 883 Fcfa : 47 081 978 Fcfa comme fraude et 173 501 905 Fcfa de mauvaise gestion.

Quelques détails d’irrégularités au Msahrn, mais qu’on retrouve presque dans toutes les Dfm qui ont fait l’objet de contrôle du Bvg.  Elles portent sur les opérations de passation d’exécution, de règlement des marchés et les opérations de régie.

Opérations de passation de marchés

En attribuant le marché relatif au gardiennage et à la surveillance des locaux de deux structures publiques, la Dfm du Msahrn a exposé une commande publique à des risques de non-exécution ou de mauvaise exécution, parce qu’elle a retenu une société dont les bilans fournis ne portent pas la mention “bilan conforme aux déclarations souscrites au service des Impôts”. Mieux, dans un autre marché concernant la fourniture de biens et services de même nature, la Dfm a procédé à des fractionnements de dépenses en concluant des contrats pour le même bénéficiaire, sous forme de contrats simplifiés dont le montant total dépasse 25 millions de Fcfa.

Pour dénoncer cette irrégularité, le Bvg démontre que la Dfm a effectué sur le même Code économique de l’Agence nationale d’assistance Médicale (Anam), un premier achat de 13,99 millions Fcfa le 14 décembre 2012 avec un fournisseur et un second achat de 11,80 millions Fcfa le 21 décembre. Le montant total de ces achats s’élève à 25,80 millions de Fcfa, qui atteint le seuil de passation de marché public. Selon le Bvg, ces deux achats devraient faire l’objet d’une commande unique sous la forme d’un Appel d’offres ouvert.

Pour ce qui est du transport des vivres et non vivres dans les régions du Nord, la Dfm a attribué les marchés dont les bénéficiaires n’ont respecté aucune des stipulations du cahier des charges.

Opération de règlement de marchés

Dans le règlement des marchés de transport de vivres et non vivres évoqués plus haut, le Dfm a ordonné le paiement pendant que la prestation n’est pas entièrement exécutée.  C’est-à-dire que l’attributaire du marché n’a pas transporté tous les vivres et non vivres, conformément aux dispositions contractuelles. Cela a été aussi le cas, portant sur des contrats simplifiés revêtus de faux cachets d’enregistrement du service des Impôts. Malgré tout, le Dfm a procédé au paiement dudit marché.

Opérations de dépenses effectuées sur la régie

Au cours de sa mission, le Bvg a fait le constat que le régisseur de la Dfm du Msahrn a effectué des dépenses non éligibles et sans pièces justificatives. A un autre niveau, il a justifié des dépenses d’achat de médicaments par de fausses factures. A la suite des enquêtes auprès du fournisseur censé les avoir émises, il a été constaté que ces factures dont le montant s’élève à 17 millions Fcfa sont fausses. Autre grief formulé contre le régisseur, c’est le non-respect des taux journaliers des perdiems de missions, des indemnités de transports à des participants résidents ayant assisté à un atelier. Les montants indument payés se chiffrent à 32, 69 millions Fcfa.

Dans sa conclusion, le Bvg a relevé à la Dfm du Ministère de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du Nord une fraude de 47 081 978 Fcfa et une mauvaise gestion de 48 037 905 Fcfa.

Dfm du Ministère de la santé et de l’hygiène publique : plus de  229 millions Fcfa d’irrégularités

Depuis 1990, le gouvernement malien a entrepris un certain nombre d’actions qui entre dans le cadre de la politique sectorielle de santé.  C’est à ce titre qu’il a décidé de créer, de rénover et de réhabiliter plusieurs infrastructures de santé. Ces initiatives sont soutenues par des dotations budgétaires pour le département de la Santé. De 2010 à 2014, l’Etat a régulièrement consacré au secteur de la santé des crédits budgétaires conséquents, soit la bagatelle de 105, 47 milliards de Fcfa. Le montant des dépenses relatives aux marchés passés sur la période sous revue est de 57, 82 milliards de Fcfa. Et c’est dans l’exécution de ces marchés que le Bvg a relevé des dysfonctionnements et des faiblesses dans le dispositif de contrôle interne, ainsi que des irrégularités financières. Ce qui a entaché, selon le Bvg, la sincérité et la régularité des opérations de passation, d’exécution et de règlement des marchés concernés. Il a été constaté que l’argent public a été détourné à la Dfm du Ministère de la Santé publique et de l’Hygiène publique.  Les irrégularités portent sur des travaux non effectués : 47 744 035 Fcfa, des travaux non conformes 4 525 300 Fcfa, des matériels et équipements non livrés 2 500 000 Fcfa, soit une fraude de 47 769 335 Fcfa. La mauvaise gestion fait ressortir un gap de 180 025 000 Fcfa.

Dfm du Ministère de l’Artisanat et du Tourisme : 147 millions Fcfa détournés

De 2007 à 2014, le budget d’Etat a alloué au Ministère de l’Artisanat et du Tourisme est de 21,28 milliards de Fcfa, sur lesquels le montant cumulé des marchés passés dans la construction et l’équipement des villages artisanaux pendant la même période s’élève à 5,34 milliards de Fcfa. Ces montants ont été gérés par la Dfm. Dommage selon le Bvg, cette gestion n’a pas été faite dans les règles de l’art. Les différents manquements dans les opérations de passation de marchés, d’exécution et de règlements de marchés ont fait ressortir un détournement de 147 251 304 Fcfa, dont le détail est le suivant : 58 076 500 Fcfa pour les travaux non exécutés et équipements non payés, et 89 174 804 Fcfa de mauvaise gestion.

Nous reviendrons dans notre prochaine livraison sur d’autres cas évoqués par le rapport du Bvg dont celui des douanes, des mines, du projet Papam et de deux Directions financières et du matériel (Dfm).

                               A.B. HAÏDARA

 

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