Tout en ruse et en duplicité, le pouvoir récidive. Après le vote d’une parodie de Loi d’Entente Nationale, capitalisant cette expérience, par le biais d’une douce tyrannie emmaillotée dans le lange d’un Dialogue National Inclusif (DNI) qui semble partir en vrille, il impose de projet de réforme constitutionnelle. Une instrumentalisation d’un cynisme rarement égalé pour dicter son agenda.

Après la catastrophe nationale de la déroute de l’Armée à Kidal, le Mali a signé un Accord pour la paix et la réconciliation en ayant le couteau sous la gorge. Cette malédiction est pourtant transformée en pain bénit.
Le méli-mélo de la Conférence d’Entente Nationale
Aux termes de l’article 5 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, une Conférence d’Entente Nationale devait être organisée ‘’en vue de permettre un débat approfondi entre les composantes de la Nation malienne sur les causes profondes du conflit. Ce débat aura à prendre en charge, entre autres, la problématique de l’Azawad. Il devra dégager les éléments d’une solution devant permettre au Mali de transcender sa douloureuse épreuve, de valoriser la contribution de ses différentes composantes à l’identité du pays et de promouvoir une véritable réconciliation nationale’’. Mais, un processus biaisé a mis à rude épreuve le caractère participatif à cette CEN qui a débuté sur fond de très fortes dissensions.

Le boycott des mouvements signataires
Pour la Conférence d’Entente Nationale, le boycott des Mouvement signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation (CMA et Plateforme) était acté et argumenté. Selon la CMA et la Plateforme, elles ‘’n’ont malheureusement pas été associées à la rédaction des TDR ni à la réflexion menée en amont par la partie gouvernementale…’’.
‘’La CMA et la Plateforme ont été informées il y a quelques jours de la volonté du gouvernement d’organiser la Conférence d’Entente Nationale en date du 27 mars 2017. Cette date a été fixée unilatéralement par le gouvernement, sans accord préalable des autres parties’’.
‘’Ce n’est que très récemment que des TDR nous ont été remis et que nous avons pu, faisant diligence, apporter une très modeste contribution par le biais de quelques observations’’.
‘’A cette date, les Autorités Intérimaires n’ont pas encore pu être mises en place au niveau des régions de Tombouctou et de Taoudeni, le cantonnement n’est qu’à ses prémisses et la sécurité n’est nulle part assurée. En dehors de Gao, les patrouilles mixtes du MOC n’ont pu être déployées et produire les effets attendus, le redéploiement d’une armée reconstituée, telle que prévue dans l’Accord, reste une perspective lointaine, les réfugiés attendent que ces Autorités Intérimaires soient à même de leur assurer un minimum de sécurité et qu’elles puissent faire le nécessaire pour assurer la viabilisation des sites afin de permettre d’envisager un retour qui soit définitif’’.
‘’À titre d’exemple, la région de Kidal n’a pas été concernée par cette démarche. La problématique de l’Azawad, qui aurait dû être discutée comme prévu dans l’Accord, n’a été à aucun moment abordée avec les populations concernées’’.
‘’Ces circonstances nous semblent donc être de nature à hypothéquer gravement le succès de la Conférence d’Entente Nationale. À cette date, sa tenue consacrerait davantage la désunion, qui partout menace nos efforts d’apaisement, plutôt qu’elle ne consacrerait le retour à la concorde nationale’’.
Et les groupes armés de se poser les questions suivantes : Comment, dans ces conditions, aboutir d’ici sept jours à une conférence nationale où cette diversité puisse se refléter ? Comment aboutir à la rédaction d’une Charte qui participe à transformer en profondeur la société et permettre d’impulser les réformes politiques, économiques, administratives, culturelles tant attendues ?
Les groupes armés demandent au gouvernement de consacrer la journée du 27 mars au ‘’seul lancement du processus et non à sa conclusion’’.
Mais, revirement vespéral à Bamako. Le lundi soir, à la fin du premier jour de la Conférence d’Entente Nationale, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a finalement annoncé sa participation, le mardi 28 mars à cette rencontre, qui devrait favoriser la réconciliation nationale.
C’est d’abord un communiqué du Haut représentant du Président IBK qui a annoncé la nouvelle : la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ex-rébellion, s’engage à prendre part aux travaux de la Conférence d’entente nationale à compter de ce mardi.
Pourquoi ce revirement ? Parce qu’après le discours d’ouverture de la Conférence d’Entente nationale, prononcé par le Chef de l’État, toutes les parties ont noté la prise en charge de leurs préoccupations, précise le même communiqué officiel.

La position de la CJA
La Coordination pour la justice dans l’Azawad était dans la même dynamique de boycott de cette grand-messe de la réconciliation. En effet, pour Hamata Ag Almehidy, chargé de communication du CJA, « il y a des préalables avant cette conférence qui n’ont pas été pris en compte ». « Une conférence d’entente nationale qui sera organisée dans pratiquement une semaine, pour moi, c’est déplorable. Parler d’une conférence d’entente qui est censée conclure l’accord sur l’analyse des causes profondes de ce conflit, que nous vivons depuis l’indépendance du Mali et même avant, évoquer le mot Azawad pour savoir sa connotation pour les Maliens, ne me paraît pas possible sans la mise en place effective des autorités intérimaires. Les points de désaccord sont les mêmes qui ont été annoncés et qui ont fait objet de blocage le mois d’octobre dernier ».

Les griefs de l’Opposition
Tout comme les Mouvements signataires, l’Opposition républicaine et démocratique avait annoncé son retrait de cette Conférence d’Entente Nationale qui, décidément, divise plus qu’elle ne crée une convergence. Le CEN a donc débuté sans cette composante essentielle de la population malienne.
Le 1er avril 2017, le Chef de file de l’Opposition, Soumaïla CISSE, a fait une apparition remarquée dans la grande salle Bazoumana CISSIKO Palais de la Culture Amadou Hampaté BA. Devant un auditoire tout ouïe, dont une grande partie l’avait fait passer à la trappe d’un délit de faciès, il explique la position de son regroupement politique : « soucieuse de la situation très préoccupante que connaît notre pays et consciente de la nécessité de participer à la résolution de la grave crise que traverse notre pays, l’Opposition politique a accepté de répondre le 16 Février 2017 à l’invitation du Président du comité d’organisation de la conférence d’entente nationale. Nous remercions le Médiateur pour sa disponibilité et sa très grande courtoisie.
En réaction à cette rencontre, nous lui avions adressé un mémorandum et une lettre contenant des éléments pour améliorer les termes de référence. L’opposition jusqu’au jour de l’ouverture de la conférence n’avait reçu aucune réaction à ses propositions. L’opposition a appris par la suite avec consternation par voie de presse que des conférences préparatoires ont eu lieu dans les régions et à Bamako, les forces vives ont, paraît-il, participé à ces conférences tandis que l’opposition n’a jamais été conviée.
Toutefois, nous avons dépêché un émissaire par deux fois chez le médiateur pour avoir les termes de référence définitifs, connaître la liste des invités, le format de la conférence et la place réservée à l’opposition.
Nous n’avons reçu à ce jour aucune correspondance répondant à nos demandes. Notre bonne foi ne peut pas être mise en cause.
Ceci traduit un constant mépris du gouvernement et de la majorité présidentielle à l’égard de l’opposition. (…) Attristés une nouvelle fois par cette mauvaise gouvernance, les présidents des partis politiques de l’opposition avaient convenu de ne pas participer aux assises de la conférence d’entente nationale.
Le Mercredi 29 mars, nous avons reçu une délégation du bureau de la conférence, nous invitant à participer à la conférence.
Il est important d’informer l’opinion nationale et internationale que c’est au cours de cette réunion, 3 jours après le début de la conférence que sur diligence d’un membre de la délégation nous avons reçu les cartes d’invitation à la conférence, en début de soirée. 10 participants pour toute l’opposition politique du Mali !
Pour nous, il était évident que notre présence n’était pas souhaitée.
Néanmoins, nous avons continué à discuter avec les délégués et avons abouti à un accord en 8 points » qu’il cite et de souhaiter que leurs préoccupations soient prises en compte dans les résolutions et recommandations de la Conférence.
Se confiant au confrère de Studio Tamani, le Président du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), Ahmed Boutache, s’est félicité de la tenue de la CEN : « sans exclusives. Tout a été débattu. Rien n’a été mis de côté et il ne fait aucun doute que les enfants du Mali, qu’ils soient du nord, du centre ou du sud, continueront à travailler ensemble pour trouver la solution consensuelle qui arrange tout le monde sur ce point-là. On peut retenir que cette conférence met fondamentalement en valeur l’attachement de tous les Maliens au dialogue et à la résolution, à la prise en charge de leurs problèmes entre eux et à leur résolution par le dialogue. Et, on ne peut encore une fois que se féliciter de cela. »
Mais ce jugement idyllique du diplomate algérien est-il en phase avec les intentions réelles qui ont sous-tendu la tenue de cette CEN ? En plus d’un début poussif, la suite des événements dissipera le doute quant à une mise en scène dont un tripatouillage sidérant faisait intentionnellement partie du tableau.

Une Loi d’entente nationale controversée
L’article 5 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali jette les bases du Conférence d’Entente Nationale et d’une Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation. Il stipule : ‘’la dimension socio‐politique des crises cycliques qui ont jalonné le septentrion malien nécessite un traitement politique. À cet égard, une Conférence d’Entente Nationale sera organisée durant la période intérimaire, avec le soutien du Comité de Suivi et sur la base d’une représentation équitable des parties, en vue de permettre un débat approfondi entre les composantes de la Nation malienne sur les causes profondes du conflit. Ce débat aura à prendre en charge, entre autres, la problématique de l’Azawad. Il devra dégager les éléments d’une solution devant permettre au Mali de transcender sa douloureuse épreuve, de valoriser la contribution de ses différentes composantes à l’identité du pays et de promouvoir une véritable réconciliation nationale. Une Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale sera élaborée, sur une base consensuelle, en vue de prendre en charge les dimensions mémorielle, identitaire et historique de la crise malienne et de sceller son unité nationale et son intégrité territoriale’’.
La « Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale » a été remise au Président IBK par le Médiateur de la République, Baba Akhib HAIDARA, le 20 juin 2017, au cours d’une cérémonie boycottée par les représentants de la CMA. Le Mouvement juge que ‘’malgré les sacrifices et les concessions consentis par elle, il y a un déni radical et systématique de la part de l’État de la problématique de l’Azawad telle que formulée par les populations durant tout le processus’’. Accusant le gouvernement malien de vouloir ‘’évoluer unilatéralement’’, le communiqué conclut : ‘’la CMA rejette la présente charte qui ne saurait nullement l’engager dans son format actuel.’’ Une porte est cependant laissée ouverte à de futures discussions ‘’profondes et sérieuses sur la problématique de l’Azawad en vue d’obtenir une solution consensuelle’’.
Ce document de soixante pages est présenté comme le fruit de la Conférence d’Entente Nationale qui s’est tenue à Bamako du 27 mars au 3 avril 2017.
Le projet de loi portant Loi d’Entente Nationale, inspiré de la Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale, a été adopté en conseil des ministres, le 31 mai 2018. Il a été a adopté, le jeudi 27 juin 2019, par l’Assemblée nationale du Mali.
47 associations de défense des droits humains au Mali le rejettent et réclament justice avant réconciliation. À leurs yeux, il prête à trop d’incongruités. « L’article 4 dit : «Les personnes coupables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité sont exclues du champ d’application de la loi». Or, l’article 3 dit que tout le monde est là-dedans. C’est incongru », objectent-elles.
Une version du texte prévoit en effet « l’exonération des poursuites pénales engagées ou envisagées contre les personnes ayant commis ou ayant été complices (…) de crimes ou délits (…) survenus dans le cadre des événements liés à la crise née en 2012 ». La disposition devrait s’appliquer à ceux qui ont cessé les hostilités depuis la signature de l’accord de paix, en juin 2015, mais pas seulement. L’article 15 du projet de loi élargit l’exonération des poursuites à toute personne déposant les armes dans un délai maximum de six mois à compter de l’entrée en vigueur du texte.
Mais, pour Ramata GUISSE, de Amnesty International Mali, la définition des faits dont les auteurs pourraient, selon le texte, être amnistiés est trop large : « Avec cette loi, ce sont de grands criminels qui vont être exonérés de poursuites. Ce n’est pas une loi d’entente nationale, mais de mésentente nationale. Ce texte va diviser encore davantage les Maliens. Imaginez ce que vont penser les victimes, soupire-t-elle. Elles vont perdre espoir et pourraient chercher à se venger ! »
Drissa TRAORE, Coordinateur du Programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) clarifie : « nous ne sommes pas contre une loi d’entente nationale, mais il faut que cela vienne après les enquêtes judiciaires. Or ces enquêtes piétinent. »
Il affirme qu’un des seuls dossiers ayant abouti devant la justice malienne (à l’époque des manifestations anti Loi d’entente nationale) est celui de Aliou Mahamane TOURE, condamné en août 2017 à dix ans de prison. L’ancien commissaire islamique de Gao avait été reconnu coupable d’« association de malfaiteurs », de « détention illégale d’armes de guerre et de munitions », d’« atteinte à la sûreté intérieure de l’État » et de « coups et blessures aggravés ». Mais la chambre d’accusation ne l’avait pas inculpé de « crime de guerre ». Aliou Mahamane TOURE aurait donc pu bénéficier de cette Loi d’Entente Nationale, si elle avait été en vigueur.
« Ce cas est une jurisprudence de référence, dans le mauvais sens du terme, estime le défenseur des droits humains. Cela montre tout le problème de cette loi d’entente. Tout dépend de la qualification des charges que les juges vont retenir. »
Selon son analyse, le calendrier de préparation du texte ne doit rien au hasard : « c’est une mesure d’apaisement, un signal envoyé aux groupes armés à moins de deux mois de l’élection présidentielle. Ce texte est peut-être une manière de relâcher des prisonniers dont ils revendiquent la libération et ainsi de récupérer leur électorat », analyse Drissa Traoré. « C’est une loi purement politique, tranche Ramata GUISSE. IBK veut coûte que coûte se faire réélire et compte, par ce texte, courtiser les gens du Nord afin qu’ils aillent voter pour lui. »
Pourtant, la crise a donné lieu au Nord à de graves violations des droits humains par les différents groupes armés qui ont notamment pris la forme de viols, d’exécutions sommaires, d’actes de torture, d’enrôlement d’enfants, de détentions arbitraires et de destruction de monuments historiques et religieux. Des groupes armés ont invoqué la charia pour faire amputer, flageller, battre et lapider certaines personnes. Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur certaines de ces violations qui pourraient être constitutives de crimes de guerre. Des actes de représailles auraient été perpétrés par des soldats maliens à l’endroit des populations arabes, touareg et peules. Au Sud, plusieurs exactions auraient également été commises à l’encontre de bérets rouges, de policiers et de journalistes à la suite de la tentative de contrecoup d’État.
Conclusion : Après les conclusions d’un expert qui relève de graves injustices, la Loi votée par les députés, le 27 juin 2019,a été promulguée par le Président de la République le 24 juillet 2019. Les organisations de défense des droits de l’Homme restent mobilisées contre les dispositions de ladite Loi qui consacrent l’impunité, une violation flagrante de l’article 2 de la Constitution du 25 Février 1992 qui dispose : ‘’ tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée’’. À l’évidence, il y a un traitement à deux vitesses des citoyens devant la loi qui devrait s’appliquer indistinctement à tous. N’est-ce pas ce que dénonçait Jean de la FONTAINE, au 17e siècle, dans ‘’Les animaux malades de la peste : ‘’selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir’’. Il y a également là une violation flagrante des principes de la justice transitionnelle : le droit de savoir, le droit à la justice, le droit à réparation, le droit aux garanties de non-répétition des violations graves des droits de l’homme. Ainsi, au nom de la réconciliation, l’impunité est légitimée par une Loi d’entente Nationale qui elle-même gagnerait à asseoir sa légitimité, parce qu’elle porte en elle les germes de l’arbitraire.

Le Dialogue National Inclusif
À l’instar de la Conférence d’entente Nationale ; la Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale ; la Loi d’entente Nationale, le Dialogue National Inclusif (DNI) sert d’appeau.
La preuve : le FSD qui incarne l’Opposition (URD, MPR, CNID/FYT, la Ligue démocratique pour le changement du général démissionnaire Moussa Sinko COULIBALY…) ; la Coordination des mouvements armés (CMA) ; la Plateforme ‘’Anw Ko Mali Dron’’, regroupant des Partis et associations politiques et non non politiques, dont l’ADEMA Association, les FARE Anw Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo SIDIBE… Au niveau de la participation au DNI, il y a une violation de l’article 2 de l’Accord de Gouvernance Politique : ‘’le nouveau Gouvernement élaborera un programme d’action et s’attèlera à sa mise en œuvre. Ce programme d’action sera articulé autour des axes suivants : l’organisation, dans les meilleurs délais, d’un dialogue politique inclusif avec toutes les forces politiques du Mali….’’ Pour se dédouaner et se bonne conscience, le Triumvirat, au cours de sa dernière conférence de presse, sur un ton dédaigneux, fait le distinguo selon lequel ‘’inclusivité ne veut pas dire unanimité, en rajoutant à la confusion sur ce DNI.
À l’aune des articles suivants de l’APG, l’on est fondé à croire une tromperie sur la marchandise DNI.
L’article 2 stipule : ‘’(…) l’organisation de consultations référendaires, des élections législatives, locales et régionales dans les délais convenus lors du dialogue politique inclusif’’.
L’article 7 précise : ‘’les parties signataires conviennent de la nécessité d’engager des réformes profondes de la gouvernance en vue de créer une société plus démocratique, juste et prospère. A cet effet, elles conviennent d’examiner toutes les propositions de réformes majeures lors du dialogue politique national inclusif avec notamment l’adoption d’un projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992.’’
La similitude entre les agoras précédents et celui en préparation, est relatif à la mise en œuvre des recommandations. Le Gouvernement a une aversion totale pour tout ce qui est ‘’souverain’’. Pour une frange importante de l’opinion, un dialogue national souverain s’entend par un caractère contraignant quant à la mise en œuvre en œuvre des recommandations. Le Président IBK lui-même montre au créneau et tranche, dans une interview accordée à Jeune Afrique : ‘’quant au dialogue, il ne sera ni une conférence nationale ni un troisième tour électoral, que cela soit clair’’.
L’entourloupe jaillie à l’analyse de l’article 8 de l’Accord Politique de Gouvernance (APG) conclu le 2 mai 2019 entre le Gouvernement et certaines formations politiques qui stipule : ‘’les parties signataires du présent accord décident de confier le suivi de la mise en œuvre des résolutions du dialogue politique à un Comité ad hoc dont la mission et la composition seront proposées au Président de la République par la plénière du dialogue politique. Le Comité travaillera sous la haute autorité du Président de la République et publiera des rapports mensuels’’.
Pour empêcheurs de tourner en rond, la polémique est éteinte avant de naître. Le produit de substitution à leur offre de ‘’caractère contraignant des recommandations’’ est injectée par le Premier ministre, Boubou CISSE, lors de la cérémonie de clôture de l’atelier national sur la validation des TDR du Dialogue National Inclusif : «vous aurez noté que depuis ma nomination et l’installation du Gouvernement, je n’ai pas fait une Déclaration de Politique Générale devant l’Assemblée Nationale. La raison est toute simple : J’attends les résolutions du Dialogue National Inclusif pour me soumettre à cet exercice obligatoire, car je veux prendre en compte le diagnostic auquel le Peuple va procéder et je veux m’approprier les solutions qui seront définies de façon consensuelle.» Avec un vrai talent oratoire propre à endormir les oreilles non averties, il tente de prendre le contrôle des esprits.
Mais décillons les yeux et analysons. Le Comité ad hoc qui sera mis en place pour le suivi de la mise en œuvre des résolutions travaillera sous la haute autorité du Président de la République.
Le Premier ministre, qui est nommé et révoqué par le Président de la République, travaille à mettre en œuvre son Programme sur la base duquel il a été élu.
En concédant que les résolutions du DNI servent d’ossature à la DPG de Boubou CISSE, un Comité ad hoc n’a aucun pouvoir de contrôle sur l’action d’un gouvernement. Le contrôle de l’action gouvernementale est une prérogative de l’Assemblée nationale. Or, l’Assemblée nationale est une caisse de résonnance du pouvoir.
Résultat attendu : le Gouvernement gardera le lead, le cap, mais aussi le tempo. Par le stratagème d’un Dialogue National Inclusif, il fera passer sa réforme constitutionnelle, conformément à un engagement pris par le Premier ministre, Boubou CISSE, lors de sa visite de travail en France du 9 au 11 septembre dernier. En effet, suite à cette visite, l’hebdomadaire Jeune Afrique dans sa rubrique ‘’Confidentiel, Diplomatie et réseaux’’ (parution N° 3062 du 15 au 21 septembre 2019) donne l’information suivante : ‘’Le 10, le Premier ministre malien a été reçu par Emmanuel Macron qui souhaitait lui manifester son soutien. ‘‘Il en a besoin’’ glisse une source à l’Élysée, faisant allusion à la difficulté de la mise en place du dialogue politique inclusif au Mali. Boubou Cissé a indiqué que le référendum portant sur la révision de la Constitution serait organisé d’ici la fin de l’année et que les législatives, prévues en octobre 2018, mais plusieurs fois reportées depuis, se tiendraient en 2020’’. N’est-ce pas que le pouvoir a son agenda qui n’est pas nécessairement celui des citoyens dont la souveraineté est confisquée par un ‘’dialogue alibi’’, un ‘’dialogue administré’’, un dialogue dont les résolutions ont déjà toute leur place dans les tiroirs.
En somme, tous les éléments sont réunis pour que les différents spectacles gracieusement offerts par le pouvoir se terminent en eau de boudin. Mais, jusqu’à quand va durer cette comédie ?

PAR BERTIN DAKOUO

Source: info-matin