Dans dix ans, le Mali sera-t-il dans ses frontières originelles de 1960? C’est la douloureuse question que s’est posée un esprit avisé qui a parcouru les allées du dialogue politique inclusif dont les travaux ont solennellement été déclarés ouverts le 14 décembre par Ibrahim Boubacar Keïta. 

 

Quarante-huit heures après, le déroulement des assises lève un coin du voile sur le niveau d’impréparation, sinon le forcing, du fameux congrès du peuple. Des badges, nouveaux ceux-là, ne finissent pas d’être distribués, attestant que tout n’a pas été bien cerné et même que des cooptations sont en cours pour suppléer à des carences multiples. À ce constat incommode s’ajoute la conviction quasi unanime des participants que tout l’évènement se résume à un grand bavardage, puisque le seul mal du pays n’est que la mauvaise gouvernance qui a hypothéqué tout l’avenir du pays, non pas à partir de 2012, mais bien à partir de 2013 quand IBK a pris les rênes de la République. Depuis, l’État est aspiré dans le rouleau compresseur de trahisons qui n’en finissent pas, dont la finalité vise, assurément, à déglinguer l’ensemble national tel un tricot dont une maille aura filé, c’est-à-dire la partition du Mali pour obéir à des convoitises nourries de l’extérieur. Ibrahim Boubacar Keïta a-t-il ainsi inscrit rapidement son action à contre-courant des aspirations du peuple malien pour dérouler son agenda caché. Il agira avec un cynisme politique calculé, par touches régulières, pour enfoncer le pays dans la licence et le chaos afin de réussir son coup. Sa première tentative ne fut rien de moins que vouloir réviser la constitution de la République pour légitimer la fracture du pays, clairement le désintégrer, malgré une disposition évidente de cet acte fondamental interdisant qu’on y touche quand une partie du territoire national se trouve sous une emprise autre que celle de l’État souverain; ce qui était le cas dès 2012. Le peuple souverain s’y opposa fort heureusement et le contraignit à battre retraite. Les esprits brillants sollicités d’ailleurs pour donner l’onction intellectuelle et politique à la tentative, tel l’avocat français Me Marcel Ceccaldi, ont fini eux-mêmes par dénoncer l’arnaque, non sans avoir eu à empocher leurs juteux honoraires. Mais les mafias, on le sait, ne sont jamais en mal d’inspiration. IBK sortira de son chapeau de magicien la formule de la conférence d’entente nationale pour juguler les méfaits de l’échec de sa révision constitutionnelle. Ce qui n’était d’ailleurs qu’une ruse pour remettre par celle-là ce que celle-ci n’a pas réussi. Résultat inutile au bout du rouleau, perte de temps, éprouvante mise à l’épreuve des intelligences avec son lot de levers de boucliers. De l’eau continuera néanmoins à couler sous les ponts enjambant le Djoliba à Bamako. Faute d’avoir réussi sa révision constitutionnelle, qui demeure sa quête essentielle et dont l’échec est resté au travers de sa gorge, c’est avec une certaine colère, perceptible, qu’il accorde aux mouvements armés indépendantistes tout ce que ceux-ci recherchaient, dans le cadre des pourparlers sur l’Accord d’Alger commencés en octobre 2014. La conséquence la plus immédiate est que les autonomistes et les indépendantistes s’en trouvent fort renforcés dans leurs velléités, installés qu’ils seront alors dans une toute-puissance au détriment des forces de défense nationale. La deuxième conséquence est que la France a trouvé en cela l’argument idéal pour installer le MNLA à Kidal en tant qu’autorité de tutelle, en attendant la proclamation prochaine de la République de l’Azawad. Au regard de tout ce qui précède, est-il cynique de se convaincre que la dilapidation de 1330 milliards de la Loi d’Orientation et de Programmation militaire rentre bien dans une stratégie d’affaiblir l’armée nationale ? Somme toute, le dialogue politique inclusif en cours se déroule sans les partis politiques de l’opposition, ce qui lui ôte son caractère inclusif. De même, en lieu et place des populations et délégations des légitimités et de la société civile de Kidal, c’est la seule C.M.A. qui représente tout le monde, après avoir reçu l’assurance que l’Accord d’Alger ne figurera point à l’ordre du jour des assises puisque ce « n’est ni l’espace idéal ni le lieu légal » pour en parler. Autant dire que les résolutions qui seront prises le dimanche 22 décembre, ne doivent contenir aucune recommandation concernant le cas de Kidal. Autant reconnaître que le Mali sous IBK renonce purement et simplement aux deux tiers de son territoire national.

Souleymane Bérété

LE COMBAT