Cela fait plus de 100 jours que notre pays vit une période de transition dirigée par le colonel major à la retraite, Bah N’Daw, avec comme vice-président le colonel Assimi Goïta. Un gouvernement de transition sous la conduite de Moctar Ouane et un organe législatif appelé Conseil National de Transition (CNT) dirigé par le colonel Malick Diaw, ont été mis en place. Déjà trois mois ont été consommés sur les 18 mois que doit durer cette transition.

Les Maliens, dans leur globalité, s’attendent toujours à l’amélioration de la sécurité, une bonne gouvernance et à l’organisation d’élections libres apaisées et transparentes. S’exprimant sur une radio de la place, le sociologue et chercheur, Dr. Aly Tounkara affirme qu’il est très simpliste de réduire les attentes des Maliens à la seule question électorale. Il invite plutôt les autorités transitoires à accorder une place importante à la question du panier de la ménagère, de la sécurité et de la nature de la coopération entre nos forces de l’ordre et leurs partenaires engagés dans la lutte contre le terrorisme et d’autres formes d’insécurités.

Par rapport à la gestion de la transition, Dr. Tounkara s’est réjoui de quelques avancées qui sont, dit-il, l’existence d’organe qui doit porter cette transition qui est en place, le fait que le Mali soit revenu dans le concert des nations à travers sa présence dans la CEDEAO, l’UEMOA, la francophonie. En plus, Dr. Tounkara ajoute un autre bilan plus ou moins positif de cette transition. « Si vous regardez un peu les différentes sorties du président pour rendre visite à ses homologues de la sous-région, c’est très symbolique. Le récent passage également du vice-président de la transition au Togo dénote combien les préoccupations des Maliens sont prises au sérieux.

Mais incontestablement on est d’accord que l’heure n’est pas au bilan », a-t-il détaillé.
Malgré ces quelques prouesses notées par le sociologue, il signalera aussi que « la transition est de courte durée, mais en raison de trois mois, si de véritables actions ne sont pas posées, peut-on s’attendre à une transition un peu difficile, même si les différentes grognes provoquées par les différentes centrales syndicales ont connu un début d’accalmie. » Pour lui, les raisons qui nous ont amenés à ces changements de système sont liées à l’insatisfaction de beaucoup de Maliens suite à la demande de la sécurité et aux élections. L’épineuse question de l’insécurité est un frein au développement de notre pays.

Sur ce sujet, Dr. Tounkara affirme : « Le cas de l’offre et de la demande de la sécurité, une particularité de cette transition, est quand même porté par des officiers supérieurs ; c’est extrêmement important. Beaucoup de Maliens sont quand même étonnés qu’on ne puisse pas avoir une transition portée par des officiers militaires, mais que le défi sécuritaire, malheureusement, peine à nous montrer un nouveau visage », a-t-il déploré.
Le pays est sensé avoir un président élu démocratiquement après cette transition. « On est d’accord qu’il y a déjà une cellule qui est attachée au ministère de l’administration territoriale, ce qui est important dans le souci d’organiser des élections transparentes et crédibles. Des acteurs politiques s’accordent à dire qu’il est urgent d’amorcer des changements au niveau des élections, mais lequel changement devrait être inclusif », a-t-il dit.

Dans sa vision lointaine, Dr. Tounkara a averti de l’existence de deux difficultés majeures qui risqueraient de nous amener à nous inscrire dans un bilan pessimiste au terme de cette transition. La première difficulté, selon lui, est la non constante et la seconde est la non cohérence. « Si vous regardez un peu cette transition, les assises ont été organisées afin d’avoir une légitimité vis à vis du peuple malien, mais malheureusement, à la suite de ces assises, des recommandations ont été formulées, mais les ex- putschistes ont brandi un autre agenda différent de celui défini par les Maliens qui ont pris la parole. Le problème de cohérence : si vous regardez les différentes organes, notamment le cas du CNT, c’est vrai que les différentes corporations du pays ont été sollicitées, des quotas ont été octroyés, mais au terme de la composition, je n’ai pas entendu un seul corps qui se dit satisfait de la demande soumise et des doléances satisfaites », a martelé le sociologue.

De l’avis du chercheur Tounkara, l’une des exigences d’une gouvernance, qu’elle soit démocratique ou militaire, est la cohérence et la constance. « Ces autorités de la transition, en occurrence portées par les militaires, souffrent clairement de cette incohérence et de cette non constance à la fois », a-t-il dit.

Parlant toujours de l’organisation des élections qui est sur toutes les lèvres, Dr. Aly Tounkara dira :« Ce qui me paraît très simpliste, c’est de réduire les attentes des Maliens à la seule question électorale. J’ai la ferme conviction que les différents régimes qui se sont succédé, du président Alpha Oumar Konaré au président Ibrahim Boubacar Keita, étaient quand même des régimes issus des urnes.

Ce n’est pas un problème d’élection, c’est vraiment une erreur monumentale qui nous est parfois vendue par les acteurs extérieurs. Il faut vraiment sortir de cela », a-t-il clamé. Et de poursuivre :« A mon avis, les conditions qui doivent nous permettre d’assister à des élections apaisées, transparentes sont des conditions malheureusement, qui ne peuvent être promises et concrétisées que par des hommes qui obéissent à un certain nombre de valeurs et de principes. Dans les différents organes, aujourd’hui mis en place, on a quand même des qualités du point de vue éthique et morale ».

La position affichée des partis politiques, la nomination des militaires gouverneurs et la mise à l’écart d’une façon ou d’une autre des administrateurs civils sensés bien organiser les élections, sont des préoccupations partagées par le sociologue chercheur. « Quand vous échangez avec les grands partis, ils vous diront qu’ils ne se reconnaissent pas dans ce format. C’est déjà un premier blocage.

Les différentes nominations relatives aux administrateurs civils sont des questions qui sont importantes dans une démocratie. Beaucoup de localités ont vu l’arrivée des officiers militaires. ce qui est à saluer dans un pays en crise. Mais on a des acteurs qui ont un cursus bien adapté en termes d’organisation des élections que sont les administrateurs civils. Aujourd’hui quand on regarde l’architecture administrative électorale, elle est essentiellement portée par des hommes qui doivent plutôt se battre contre les groupes radicaux et non pour des questions électorales ».

Pour la réussite de la transition, Dr. Tounkara invite les autorités de la transition à mettre l’accent, entre autres, sur le panier de la ménagère, la question de la sécurité et de la nature de la coopération entre nos forces de l’ordre et leurs partenaires.

Sidiki Dembélé

Source :Le Républicain