A moins de deux mois de la décisive élection présidentielle qui verra IBK confirmé ou congédié à Koulouba, le climat socio-politique se tend brusquement avec la récente répression d’une manifestation pacifique des opposants à Bamako. Pourquoi en est-on arrivé là et quelles pourraient être les conséquences de cette crispation de l’atmosphère politique avec actes de violences ?

Qui a donné l’ordre aux policiers, gendarmes et autres éléments de la garde nationale d’user d’autant de violences sur des manifestants le samedi 2 juin ? La réponse à cette question permettra de comprendre ce qui se passe ou risque de se passer surtout que les opposants annoncent une nouvelle marche pour le vendredi prochain.

Certains responsables de l’opposition pointent un doigt accusateur sur le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga allant jusqu’à identifier parmi les forces de l’ordre ayant fait usage de violences les éléments du service de sécurité du chef du gouvernement. Ce que le locataire de la Cité administrative a catégoriquement démenti avant d’appeler à la retenue.

Mais il n’empêche pas que Soumeylou Boubèye Maïga est réputé homme de poigne qui use de fermeté voire d’une certaine virilité en cas de contestation du pouvoir dont il est aujourd’hui le numéro 2. Et il faut préciser que l’homme n’a rien fait pour dissuader l’interdiction de cette marche pacifique par le Gouverneur du district de Bamako. Celui-ci étant une autorité administrative déconcentrée ayant pour supérieur hiérarchique le chef de l’administration d’Etat, le Premier ministre, on comprend aisément que c’est les plus hautes autorités qui ont voulu empêcher cette manifestation. Pourquoi alors cette mesure liberticide sous le couvert de l’argument qu’il y a l’état d’urgence depuis 2016 ?

En fait, en cette veille du scrutin présidentiel du 29 juillet, les tenants du pouvoir sortant ne supportent aucune démonstration d’hostilité à leur encontre. Le duo IBK-Soumeylou Boubèye Maïga voit d’un très mauvais œil toute mobilisation pour dénoncer des actes de gouvernance en ces moments de bilan. Si la contestation du projet de révision électorale a pu s’étaler au grand jour, c’était avec la compréhension de l’ex-premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui n’avait pas voulu aller trop au charbon pour le locataire de Koulouba. Il n’avait même pas pipé mot de ce projet référendaire contesté lors de sa déclaration de politique générale. Ce qui avait fort bien intrigué.

Mais Boubèye est dans la dynamique de faire rempiler IBK au palais présidentiel. Et le sentiment ambiant est qu’il est prêt à … d’énormes sacrifices pour atteindre cet objectif. En commençant par étouffer toutes les velléités de contestations.

Or, il est établi qu’en réprimant systématiquement de telles velléités, le Premier ministre pourrait aussi susciter une réprobation générale, du moins une certaine sympathie des populations ou d’autres pôles politiques en faveur de l’alternance. Jusqu’où alors Boubèye peut-il aller dans sa ferme volonté de briser les ailes des opposants au régime de son mentor IBK ? Sans oublier qu’une répression disproportionnée ou sélective des manifestations peut provoquer un effet boomerang surtout quand des organisations de défense des droits de l’homme et des partenaires du Mali viennent à la dénoncer ou à vouloir la combattre.

Par ailleurs, cette répression, si elle s’inscrit dans la durée (marche reprogrammée pour le 8 juin) peut préparer sérieusement les esprits à la contestation des résultats électoraux, surtout si ceux-ci sont favorables au président sortant. Que sert-il de gagner une élection présidentielle si le résultat est bruyamment rejeté par une frange importante de la population. Cette lecture se comprend à partir du moment où les justifications des manifestations portent sur des suspicions sur la transparence du scrutin du 29 juillet.

En clair, ni le pouvoir sortant, ni les opposants n’ont aucun intérêt à cette crispation du climat politique à la veille de cette élection présidentielle. Surtout que le pays est encore convalescent et toute instabilité nouvelle le plongerait à coup sûr dans l’abîme. Et dans cette hantise, la responsabilité historique du chef de l’Etat (non moins candidat à sa succession) est hautement de mise. Les leaders religieux, souvent…extincteur de feu (cas de l’épisode du projet référendaire contesté), sont vivement interpellés. Avant qu’il ne soit trop tard !