Au Mali, le front social connait une dynamique protestataire qui touche essentiellement deux secteurs d’activité : la santé et l’éducation. Et cela malgré, la trêve sociale demandée par le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta.

Les pouvoirs publics sont confrontés à des mouvements de protestation programmés par pas moins de deux syndicats qui brisent la trêve sociale souhaitée par le président de la République. Des actions sont ainsi menées, entre autres, par les syndicats des enseignants, la coordination des syndicats du CHU du Point G.

La colère des blouses blanches

La santé publique vit, depuis plusieurs mois, des secousses sociales qui ont perturbé le bon fonctionnement de ce secteur stratégique. 72 heures de grève (du lundi 06, mardi 07 et le mercredi 08 janvier). C’est ce qu’a décidé la coordination des syndicats de l’hôpital du Point G. Avec ce mouvement de débrayage, la coordination des syndicats exige, entre autres, le respect des engagements pris par le Directeur Général du CHU du Point G sur les différents points d’accords lors de la conciliation du 09 Avril 2019, la gestion transparente du CHU du Point G, la dotation de manière conséquente du CHU du Point G d’un budget afin le rendre apte pour répondre aux attentes des populations, la résolution définitive du problème foncier du CHU du Point G. Si l’insatisfaction de leur doléance persiste, la coordination des syndicats de l’hôpital du Point G menace de commuer immédiatement cette grève en une grève de 120 heures. « Ce sont les mêmes motifs qui révoltent le personnel des autres hôpitaux», commente Djimé Kanté, le porte-parole du syndicat de l’hôpital Gabriel Touré. Le personnel de cet hôpital de référence au Mali, en proie à plusieurs maux, a levé, in extremis,  le mercredi 25 décembre dernier, son mot d’ordre de grève de 96 heures suite à des négociations qui ont abouti à un accord sur les points de revendications du syndicat. L’hôpital Gabriel Touré n’est pourtant pas encore à l’abri d’une grève. «  Le ministère de la santé, un département qui n’a aucune parole. Le personnel du CHU-GT projetait une grève de 96 heures. C’est presqu’à genoux que les conciliateurs et le ministère de la santé ont supplié le syndicat à y renoncer.  C’est très regrettable de constater que des engagements sans presqu’aucune incidence financière pris soient aussitôt jetés à la poubelle. La pulvérisation de la cour de l’hôpital prévue pour avant le 26 décembre, l’accès à l’AMO des contractuels, la mise en place de la commission pour chiffrer certaines choses avant le 31 décembre,  restent à faire. Ne soyez pas surpris de voir le personnel de cet hôpital reprendre les hostilités », met en garde Djimé Kanté.

L’éducation nationale renoue avec les grèves

L’éducation nationale n’est pas en reste de cette dynamique sociale. Hier lundi, après une grève de 5 jours en mois de décembre 2019, les enseignants signataires du 15 octobre 2016 ont entamé, une nouvelle grève de 5 jours. Les enseignants ont aussi déposé un autre préavis de grève de 336 heures soit 14 jours avec rétention des notes. Dans ce préavis de grève en date du 02 janvier 2020 adressé au ministre du Dialogue Social, du Travail et de la Fonction Publique, dont nous avons reçu copie, les Syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 (SYPESCO, SYNEB, SYNEFCT, SYNESEC, SYLDEF, FENAREC, COSES, SNEC) exigent l’application immédiate de l’article 39 de la Loi N°2018-007 du 16 janvier 2018, Portant Statut du personnel enseignant de l’Enseignement secondaire de l’Enseignement fondamental et de l’Education préscolaire et spéciale. «Les syndicats de l’éducation bien que disposés au dialogue se réservent le droit d’observer une grève de 14 jours soit 336 heures allant du mardi 21 au vendredi 24 janvier 2020, du lundi 27 au vendredi 31 janvier 2020 et du LUNDI 03 au vendredi 07 février 2020 inclus si la revendication ci-dessus citée n’est pas satisfaite. La rétention des notes est avec effet immédiat», indiquent les huit syndicats de l’enseignement.

Demande d’une trêve sociale

Ibrahim Boubacar Keita, le président de la République du Mali, lors de la traditionnelle adresse à la Nation, à l’occasion du nouvel an, le mardi 31 décembre 2019, a, une fois de plus, appelée les syndicats à une trêve sociale. «Je ne saurais, terminer cette adresse sans une fois de plus en appeler à l’esprit civique, toutes et tous, quant à l’impérieuse nécessité d’une trêve sociale», a-t-il indiqué. «Garant du bien-être individuel et collectif de nos concitoyens, je ne suis pas en train, ce faisant, de mettre en cause la légitimité ni la légalité des revendications matérielles, car aucune misère n’est acceptable, ni matérielle ni morale ni spirituelle », a déclaré IBK. Selon le Président, il trouve « noble et démocratique » le combat des syndicats. « A fortiori lorsque ce combat est celui de syndicats de l’éducation se battant pour le mieux-être du corps le plus essentiel de la nation, à savoir le corps enseignant qui mérite le meilleur de ce que peut lui offrir une nation ». Pour le président de la République, le gouvernement essaie de pourvoir à tous les secteurs, malgré ses ressources modiques, « Il est pris à la gorge par l’effort de guerre », a-t-il dit. Il ajoutera que le Mali lui-même est ébranlé dans ses fondements, parce qu’il faut tout faire pour empêcher l’effondrement de notre Etat. « Une proportion de plus en plus importante du budget est consacrée à l’équipement, au recrutement, à la formation et la montée en puissance de nos forces de sécurité et de défense, face à des adversaires qui gagnent redoutablement en efficacité. Par la force des choses, l’investissement dans la guerre est devenu notre première source de dépenses. Ce secteur absorbe 24% des ressources budgétaires de notre pays où tous les investissements sont prioritaires et urgents », a expliqué le Président IBK. « Je sais la prévalence du chômage, malgré les efforts pour promouvoir l’entreprenariat-jeunesse. Je sais la soif d’eau potable. Je sais le besoin d’électricité de nos villes et de nos campagnes. Je sais l’urgence de démocratiser l’accès à la santé, une santé digne d’un pays aux ambitions d’émergence. Je sais l’urgence de démocratiser l’accès à l’éducation, une éducation digne d’un pays aux ambitions d’émergence. Le gouvernement est à pied d’œuvre, se battant sur plusieurs fronts et remportant, dans des biens des domaines, des victoires. Je ne saurais m’en vanter, ce qui est à faire ou à parfaire restant énorme ».

Madiassa Kaba Diakité

Source: Le Républicain