s’ils sont supposés être des leaders, donc nos guides, le courage voire l’audace de nos dirigeants se mesure aussi à l’aune des sacrifices qu’un peuple est prêt à consentir pour réaffirmer sa souveraineté ? Quel soutien le régime d’IBK peut-il attendre aujourd’hui du peuple malien s’il décide de se braquer contre la France qui porte le manteau de la communauté internationale pour œuvrer à la partition de notre pays ?

Sommes-nous psychologiquement préparés à faire face aux conséquences socioéconomiques d’un blocus international ? Cela nous surprendrait car nous nous souvenons de la psychose créée à Bamako à l’annonce seulement d’un embargo envisagé par la CEDEAO. Et cela après que des partisans du CNDRE aient empêché des chefs d’Etat de la région d’atterrir dans notre capitale.

Beaucoup se sont comportés comme si on venait de leur annoncer l’apocalypse. Autant nous exigeons de nos dirigeants de l’audace pour refuser le diktat de la communauté internationale, autant nous devons leur apporter le soutien populaire indispensable pour tenir face à la pression extérieure. Et surtout, être mentalement prêts à faire face aux sacrifices que cela nécessite.

Pour affronter cette situation, nous devons prendre l’exemple sur les Cubains et les Vénézuéliens harcelés depuis des décennies pour avoir tourné le dos au capitalisme au profit des vraies préoccupations des populations.

L’embargo des Etats-Unis, selon le ministère des Affaires étrangères de l’île, a fait perdre 4,321 milliards de dollars à Cuba entre avril 2017 et mars 2018. La Havane et Washington avaient rétabli leurs relations en juillet 2015, après plus de cinquante ans de rupture. Mais, le Congrès américain avait maintenu l’embargo, contre la volonté du président de l’époque, Barack Obama.

Depuis sa mise en place en 1962, «le blocus a provoqué des préjudices quantifiables à plus de 134,499 milliards de dollars» pour l’économie cubaine. Une situation à laquelle les Cubains ont fait face avec dignité. Ils ont accepté de souffrir pour faire face à cette situation. Ils ont trimé pour se relever. Ceux qui se plaignent sont généralement de la diaspora cubaine aux Etats-Unis le plus souvent manipulée par des lobbies américains. Face au blocus, les Cubains sont revenus aux vraies valeurs du développement durable : la culture et l’éducation ! C’est ainsi que le pays est devenu une référence mondiale au niveau de l’accès aux services sociaux de base (éducation, santé, eau, électricité…) avec un rayonnement culturel et sportif incontestable.

Et depuis le regretté Hugo Chavez, le Venezuela est dans le viseur de l’impérialisme américain. Embourbé dans une crise politique et économique qui ne va qu’en s’aggravant, le Venezuela souffre aujourd’hui d’une série de problèmes majeurs. Mais, aucun d’entre eux n’est aussi catastrophique pour les classes populaires Vénézuéliennes que le lent coup d’état orchestré par le gouvernement Trump contre Nicolas Maduro.

Le 30 avril 2019, le «président par intérim» autoproclamé, Juan Guaidó, a en effet tenté un coup d’État contre le gouvernement chaviste du Venezuela. Le soutien de Washington a été rapide car le vice-président américain, Mike Pence, a immédiatement tweeté : «Nous sommes avec vous» !

Faire preuve d’une résilience rédemptrice pour sauver ce qui reste de notre souveraineté

Heureusement, cette tentative de coup d’Etat semble avoir été vaincue. Les forces de Guaidó ont été dispersées et Leopoldo López, co-conspirateur, se cache dans l’ambassade d’Espagne. Le calme est revenu à Caracas où des centaines de milliers de personnes se rassemblent pour manifester leur soutien à la révolution bolivarienne depuis le 1er mai dernier.

Ce coup d’Etat n’a en réalité d’autre but que de faciliter l’accès des entreprises américaines aux nombreux puits de pétrole Vénézuéliens. Et pour ce faire, il faut que Washington réussisse à imposer dans ce pays un régime qui ne lui refuse rien, donc prêt à lui obéir au doigt.

Selon un rapport du Center for Economic and Policy Research, les sanctions de Washington ont déjà causé 40 000 morts au Venezuela. Et les Américains ont maintenant commencé à bloquer les cargaisons de pétrole du Venezuela à destination de Cuba révolutionnaire frappée depuis des décennies par un blocus économique brutal.

En janvier 2019, la Banque d’Angleterre a empêché la Banque centrale du Venezuela de retirer ses réserves d’or de 1,2 milliard de dollars, soit 15 % de ses réserves en devises. En février dernier, un conseil d’administration américain a saisi Citgo, la filiale américaine de la compagnie pétrolière publique vénézuélienne Petroleos de Venezuela. Citgo a un chiffre d’affaires annuel de 23 milliards de dollars et des réserves de trésorerie de 500 millions de dollars.

Les sanctions, la saisie des réserves d’or et le contrôle de Citgo cette année visent à diriger les revenus et les avoirs du peuple vénézuélien entre les mains de Guaidó et de sa société.

Les Maliens ont aujourd’hui assez de compétences et de ressources pour faire face à une pression de la communauté internationale via la France. Celle-ci doit nous pousser à développer une nouvelle résilience rédemptrice et pouvant nous conduire vers l’émergence socioéconomique. Mais, pour un départ, il faudra renoncer à beaucoup de privilèges pour se remettre au travail afin de mettre en valeur nos immenses potentialités.

Ce qui suppose que le «Consommez malien» ne soit plus juste un slogan, mais une conviction ferme ancrée dans la mentalité de toutes les couches socioprofessionnelles. Et nous devons nous approprier la sagesse qui veut que «dans la vie, chaque difficulté rencontrée doit être l’occasion d’un nouveau départ» !

Bien naturellement que, en matière de renoncement aux privilèges et de sacrifices à consentir, les dirigeants et les élites doivent toujours montrer la voie par le bon exemple.

Les Maliens sont-ils prêts à ces «sacrifices» pour se soustraire du joug de l’impérialisme, du néocolonialisme ?

Hamady Tamba

Le Matin