Les étapes incontournables pour l’émergence d’un Etat structuré et fort sont d’abord la référence à une vision, ensuite l’adoption de lois et de principes de gouvernance et le respect strict de ces légalités.

 

Ces règles, qui étaient de mise dans la Rome antique, restent encore, de nos jours, la base sur laquelle ont émergé des Etats forts et développés, qui dominent le monde, en lui imposant leurs façons de faire, partagées et soutenues par leurs populations.

Ces lapalissades, que l’on ne devrait plus évoquer, tant elles sont d’évidence, demeurent apparemment inaccessibles à l’analyse dans beaucoup d’Etats africains. L’actualité de l’Afrique de l’Ouest, notre région de référence, est riche d’exemples de démocratie spéculative et dévoyée. Situation essentiellement imputable à des Chefs d’Etat ayant cédé aux démons de l’accaparement du pouvoir. Alors que dans la quasitotalité des pays, de par le monde, ayant fait l’option de pratiques démocratiques, l’on s’est accommodé de la limitation des mandats présidentiels, des Chefs d’Etat d’Afrique occidentale, ne pouvant se résoudre à la perspective de vivre désormais en anciens dignitaires, franchissent, allégrement, le Rubicon du tripatouillage constitutionnel pour s’octroyer un mandat supplémentaire.

Il est significatif que, lors des manifestations anti- IBK, les plus fervents partisans du maintien au pouvoir de ce dernier au sein du cénacle des dirigeants de la CEDEAO aient été les présidents de la Côte d’Ivoire et de la Guinée, alors en quête d’un troisième mandat et craignant une contestation populaire de type malien.

Rejet populaire

Conscients des risques de révolte de leurs populations, ils n’avaient pas pour autant renoncé à leur projet et, pire, après avoir provoqué la colère d’une large frange de l’opinion nationale, ils ont fait tirer et tuer plus d’une centaine de manifestants n’exerçant que leur droit à la contestation. La leçon à tirer de telles dérives est évidente : une vision et un projet non partagés dans une approche nationale sont voués à un rejet populaire. Notre Mali, qui a, jusqu’à présent, su s’éviter le piège du troisième mandat, n’est pas un exemple de démocratie.

Avec l’instauration du système démocratique, notre pays a effectué un cheminement paradoxal, qui s’est traduit par un affaiblissement constant de l’Etat, consécutif à l’enracinement d’une gouvernance marquée par le dépérissement de la représentativité et de l’autorité des institutions, la corruption, l’enrichissement illicite, la prévarication, l’incivisme, une forte poussée de l’insécurité, entre autres. Le régime IBK, qui a porté ces dérives à leur point d’orgue, suscitant un rejet viscéral des populations, a dû recourir aux armes pour refroidir les ardeurs de ses contempteurs. Ce faisant, il a ajouté au contentieux pour lequel il devra répondre un jour.

La transition, mise en place pour réhabiliter la République par des pratiques idoines de gouvernance, suscite, deux mois à peine après la formation du gouvernement dévolu à cette mission, plus d’appréhensions qu’elle n’apporte d’apaisements. La multiplication de duperies par les putchistes pour élargir et renforcer leur pouvoir et leur sphère d’influence, provoquant la montée des défiances de l’opinion nationale et de la classe politique à leur égard, l’approfondissement de l’insécurité, la banalisation de l’incivisme, la multiplication des revendications professionnelles et des grèves, notamment, font craindre que la pétaudière annoncée ne conduise à un véritable désastre.

Montée des défiances

Les conditions de la formation du gouvernement, avec le forcing des Colonels pour occuper des postes et placer leurs poulains, suscitant ainsi des allusions à un partage de prébendes, la montée des exigences des syndicats et les dénonciations de la classe politique, de plus en plus encline à voir dans les manœuvres des militaires le balisage du terrain pour un acteur important du régime défunt (qui s’est déjà mis en campagne) rendent de plus en plus incertain, en tout cas difficile, l’accomplissement des missions dévolues à Moctar Ouane et ses collaborateurs. Ils sont aujourd’hui nombreux ceux qui pensent que le gouvernement de la Transition n’a pas vocation à gérer les doléances exorbitantes des syndicats, ni les besoins énormes des populations, ni les états d’âme du landerneau politique.

Dérives sécuritaires Dérives sécuritaires

La suggestion de ramener ses missions à la proposition et à la réalisation de réformes constitutionnelles et administratives (essentielles à la mise en œuvre d’une gouvernance susceptible de réconcilier les populations avec leurs institutions) et à l’organisation des échéances législatives et présidentielles semble gagner l’adhésion de beaucoup de Maliens. Il reste que les citoyens attendent du gouvernement la manifestation d’une certaine autorité pour la résorption de dérives sécuritaires, qui confèrent actuellement à notre capitale des allures d’une sans foi ni loi. L’image n’est pas exagérée ou peu, si l’on se réfère aux opérations de grand banditisme réalisées avec un sang-froid et une audace dignes de l’époque d’Al Capone mais surtout révélateurs de l’évanescence de l’Etat. Concrètement, il est demandé au gouvernement de se départir de ce qui apparait aux yeux de l’opinion comme une forme de pusillanimité, de soigner sa communication afin que ses administrés puissent aisément décrypter ses intentions et ses décisions. Une Transition forte et crédible est certainement à ces conditions-là.

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Source : l’indépendant