Ce qui ressort nettement d’ailleurs de l’engagement pris par le ministre Lassine BOUARE, au nom de l’État malien, en apposant sa signature au bas d’un document aussi controversé et porteur de germes de violence et de révoltes comme le Pacte pour la Paix. Et pour cause, au-delà des professions de foi diplomatiques classiques, la disposition du Pacte qui assure que la ‘’communauté internationale’’ peut prendre des décisions qui seraient applicables à toutes les parties n’est rien moins que la perte de la souveraineté du peuple malien, dans la résolution de la crise du Nord.

En effet, l’engagement 7 du Pacte dispose clairement : «en cas de divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions et les arbitrages de la Médiation internationale auront un caractère exécutoire en vue d’accélérer la mise en œuvre dudit Accord, conformément à l’article 52». Ainsi, toute décision prise en ce sens et par cette ‘’communauté internationale’’ s’imposerait à l’État du Mali, comme Lassine BOUARE vient d’en prendre l’engagement. Nonobstant le lourd tribut payé, en termes d’efforts consentis (Ag ERLAF, ancien DG de l’ANICT pendant plus de dix ans et initiateur-coordinateur du PSPSDN, en sait quelque chose) et de sang par le peuple malien, la ‘’communauté internationale’’, n’a jamais tranché clairement dans ce dossier. La réalité géopolitique fait que, concernant le nord du Mali, les clarifications ne sont jamais venues atténuer l’amalgame entre terroristes et irrédentistes en mal d’arguments pour justifier la prise d’armes. Lassine BOUARE, et singulièrement Mohamed Ag ERLAF conduisent donc infailliblement l’Etat vers l’aventure. Pourtant, Ag ERLAF n’est pas un novice relativement aux questions du Nord, où il a toujours joué un rôle clé, sans qu’on en sache réellement son impact positif.
Les mécomptes du PSPSDN
On oublie toujours que c’est Ag ERLAF, avec comme adjoint un certain… Salif TRAORE, aujourd’hui ministre général à la tête de la… Sécurité (décidément il n’y a pas de hasard sous cette ère IBK) qui a initié et piloté le Programme Spécial pour la Paix, la Sécurité et le Développement au… Nord (PSPSDN). La vocation de ce projet était de contribuer au renforcement, en équipements et en logistiques les structures administratives et surtout sécuritaires de l’Etat dans les régions du Nord. Toutefois, en l’absence de toute évaluation (du moins avec la publicité requise), à la fois financière et matérielle en termes d’impacts sur la situation, les interrogations n’ont jamais manqué quant au rôle exact de cette structure dans les efforts pour contenir la rébellion ou dans la maturation de l’irrédentisme.
Et de fait, Mohamed Ag ERLAF, de mémoire, a été l’un des promoteurs du Mouvement National de l’Azawad, présenté à l’époque comme à vocation culturelle. On sait ce que cela a donné depuis, à travers la sanglante équipée de ce mouvement quand il deviendra en seulement quelques semaines le … MNLA de sinistre mémoire ! Dès lors, tout engagement au Nord doit pouvoir faire l’état des efforts de l’Etat, y compris surtout l’impact exact du PSPSDN dont le lancement a coïncidé avec le déclenchement de la rébellion et les conséquences que l’on vit aujourd’hui.
Pourtant, il est évident que le nouveau projet de rapiéçage territorial de Ag ERLAF, soutenu visiblement par le Gouvernement comme on le voit à travers le plaidoyer pro domo de Amadou KOITA, institutionnalise la loi du plus fort au détriment du fait majoritaire. En réalité, il y a comme un nivellement depuis le sommet d’une réalité sociologique autrement plus complexe, faisant apparaître le vrai visage de cette gouvernance qui, au final, ne sert qu’à assurer la prééminence de la médiocrité, de l’arrogance, donc le sacre de la violence armée, au mépris de toute morale et respect des règles éthiques.
À la fois le découpage territorial et la mise en œuvre du Pacte pour la paix auront inévitablement besoin de la caution judiciaire, du moins pour vérifier la constitutionnalité de certains actes exécutifs. Même si on assiste, de plus en plus, à une perte progressive de crédibilité des deux hautes juridictions quant à leurs neutralité et cohérence dans certaines décisions. Néanmoins, tous ces projets se heurteront à un défi de taille : la réforme constitutionnelle sans laquelle tout ce charivari politicien et fruit d’une gouvernance erratique, ne saurait se traduire dans la réalité. Si bien que de toute évidence, en ce début de mandat, la boîte de Pandore s’ouvre sur une réforme certainement pire que la précédente. Car, cette fois, porteuse des germes de partition du territoire national et sur fond de perte de souveraineté.
Par Yaya TRAORE

Coup sur coup, en l’espace de deux semaines, le Mali, cru second mandat de IBK, vient de connaître deux événements majeurs : la fuite savamment organisée d’un ‘’projet de découpage administratif’’ du ministre de l’Administration, Mohamed Ag ERLAF, et la signature du Pacte pour la paix, par le ministre de la Réconciliation, Lassine BOUARE. Inévitablement, ces deux initiatives, visiblement assumées par le Gouvernement de SBM, portent en elles les prémisses de graves crises ethniques et politiques !

De toute évidence, et à la lumière de la volée de bois vert qui a accompagné la ‘’divulgation’’ orchestrée de ce document, il est clair que ce projet de découpage comporte sa part d’ombres, à peine dissimulée d’ailleurs par le ministre de l’Administration territoriale. Et pour cause, une simple exégèse autorise à estimer que plus qu’un ‘’découpage administratif’’, le Projet Mohamed Ag ERLAF, in fine gouvernemental, est en réalité un véritable découpage territorial.
Un découpage territorial plus ethnique…
La confusion, artificiellement entretenue au demeurant par ce ministre, réputé pour sa sournoiserie, n’altère en rien le fait que le projet cache à peine sa vocation plus ethnique que davantage administrative. Le second terme ressort d’exigences de gouvernance quand le premier terme de l’équation privilégie la prééminence d’un groupe social par rapport, voire dans le cas présent au détriment des autres.
En effet, certains commentateurs moins susceptibles de dérives verbales, n’ont pas hésité à qualifier le projet de ‘’balkanisation’’ de l’État malien et donc de porte ouverte à l’émergence prochaine du ‘’fantomatique État azawdien’’. Rien moins ! Le projet ne s’en cache même pas, Ag ERLAF privilégie les zones nomades (dont il est issu) au détriment de celles des sédentaires (pourtant, au-delà des extractions sociales sujettes à controverses, le Premier ministre lui-même est un de ces sédentaires…). Mis à part le ridicule d’un Kidal, zone désertique au plein sens du mot qui comprendra plus de cercles que toutes les régions du Mali, le nouveau découpage ethnique du Mali proposé par Ag ERLAF va au-delà de toutes les concessions jusqu’ici faites aux ‘’populations’’ du Nord. Non seulement, le ministre de l’Administration n’a aucunement tenu compte des réalités démographiques, mais il s’est soucié comme d’une guigne des potentialités économiques, en privilégiant la sujétion, dans le futur, des zones économiquement viables, comme Bourem ou Tonka et d’autres localités écartées parce que moins ‘’blanches’’ et plus ‘’noires’’, mais où la pilule a aujourd’hui du mal à passer. L’objectif premier de Ag ERLAF est d’attribuer à chaque communauté, surtout blanche, sa ‘’part de territoire’’, avec les bénédictions et les moyens financiers de l’État. En attendant…
Par ailleurs, Ag ERLAF prépare politiquement une bombe électorale, car face à la répartition attendue des élus ‘’blancs’’ qui vont écraser en nombre les ‘’noirs’’, les populations sédentaires ont déjà levé les boucliers partout. On se rappelle que déjà, à la veille du déclenchement de la rébellion et du coup d’État de 2012, le président ATT avait voulu faire adopter un projet de loi fixant le nombre de députés des cercles du nord du Mali, 30 députés pour les 5 régions qu’ATT avait prévues dans son découpage administratif du territoire. Au terme de ce projet initial, les 5% nomades (essentiellement Touareg) disposaient de 22 des 30 députés contre 8 élus pour 95% de la population du nord qui étaient des sédentaires. La proportion attendue, du projet Ag ERLAF ne varie guère avec 7 futurs députés noirs sédentaires contre 25 pour les nomades, sur les 32 prévus.
L’Honorable Alhassane Abba, alors député CODEM de Goundam, avait d’ailleurs dénoncé cette situation en assurant que «l’État (avait) graduellement préparé le terrain aux rebelles». Pire, s’insurgeait l’élu du nord, «…sur les 7 000 hommes que (comptait alors) l’armée malienne, il y (avait) au moins 3 000 Touareg intégrés au nom de la discrimination positive. Et tenez-vous, il n’y (avait) pas plus de 200 Songhays dans l’armée. Mais de quelles revendications, au nom de quelles populations du nord se battent-ils ? », s’interrogeait Alhassane Abba qui se félicitait donc du coup d’État de 2012, même jugé le plus bête du monde, car, estimait-il dans un organe de la place, «le coup d’État a empêché un projet de loi suicidaire sur le nord-Mali de passer».
Toute chose qui explique le concert de protestations diverses fusées de toute part, mais qui semblent laisser de marbre les parrains gouvernementaux. En effet, malgré cette levée unanime de boucliers loin d’inciter à un retrait prudent et publiquement assumé du document controversé, le porte-parole du Gouvernement a simplement laissé entendre que le projet ferait l’objet de concertations régionales, sans en définir le cadre, la portée et surtout le format. Signe que de toute façon, loin d’être une initiative isolée de Ag ERLAF (il est trop malin pour çà), le projet est bel et bien d’essence du Gouvernement.

Source: Info Matin