“Nous pouvons désamorcer cette crise sécuritaire avec nos ressorts traditionnels tirés de nos ancêtres”

Le président du parti social-démocrate africain (PSDA) Ismaël Sacko nous a accordé une interview exclusive. Une occasion mise à profit pour évoquer les sujets d’actualité comme la révision constitutionnelle, l’insécurité, la vie de sa  formation politique portée sur les fonts baptismaux en 2013.

Aujourd’hui-Mali : Peut-on savoir quand votre parti a été créé et comment il se porte de nos jours ?

Ismael Sacko : Le parti PSDA a été créé en mars 2013. Cette formation politique par la grâce de Dieu se porte bien. Pour preuve, durant les sept derniers mois, nous avons enregistré de très nombreuses adhésions, notamment des jeunes, des moins jeunes. Ces militants viennent de nombreuses localités que ce soit du Centre, du Nord ou du Sud de notre pays.

Par exemple, pour le congrès de Kayes, de nombreux jeunes de Tombouctou ont fait le déplacement. Aujourd’hui, nous pouvons dire que le parti est très bien implanté, car il est représenté à Ménaka, à Kidal, à Tombouctou, à Gao. Ce sont les régions les plus difficiles de notre pays eu égard à la crise. Ce n’est pas tout. Dans les localités du Sud, le parti est présent aussi surtout à Sikasso, à Tominian, dans le Diafounou, le Guidimakha, le Kaniaga, à Kita, où  il y a une grande effervescence autour du PSDA. Et nous comptons organiser une grande sortie dans cette localité.

La force du PSDA, c’est le fait que nous avons une grande capacité d’écoute, c’est surtout d’aller dans les zones rurales donc pas forcément les capitales régionales ou la capitale. Au PSDA, nous avons fait le pari d’aller à l’écoute du Mali profond, connaitre ses préoccupations et y trouver des solutions. C’est pourquoi, des Maliens sans trompette, ni tambour, sans billets de banques sont en train de rejoindre le parti.

Cela peut s’expliquer aussi par le langage de vérité que nous tenons, notre franchisse. Nous nous efforçons à rappeler aux Maliens ce que nous avons été par le passé, parce qu’il y a un manque de repère. C’est pourquoi au sein du parti nous parlons également du “Dambé”, nous parlons aussi des valeurs liées aux respects de l’aîné et du bien public. Donc, plus on avance à l’intérieur du Mali, plus on sent que nos compatriotes sont à la quête de ces valeurs.

Notre stratégie de bouche à oreille est en train de faire tache d’huile. Par exemple quand je vais dans une zone, il m’arrive souvent de faire six villages souvent dix villages car les gens veulent qu’on aille vers eux. La politique malienne voudrait que ce soient les lieutenants du président qui vont sur le terrain et le président lui-même ne fait le déplacement que quand il s’agit des grandes localités. Chez nous, le président Ismaël Sacko est avant tout un militant. J’ai fait 20 ans de militantisme dans les associations en France et au Mali donc je sais comment être plus proche de ces communautés.

En termes de représentativité, le parti a-t-il des élus ?

Le parti a participé en 2013 aux élections législatives, il n’a pas eu de députés. Nous avons participé aux élections communales, nous avons obtenu six conseillers. Cependant, à la date d’aujourd’hui, nous comptons une vingtaine de conseillers, car après ces élections certains ont rejoint le parti.

Le 1er congrès s’est tenu tout récemment à Kayes, peut-on savoir avec vous quelques recommandations fortes de ces assises ?

Le 1er congrès s’est tenu du 30 au 31 mars, qui coïncide même avec la date de création du parti un 30 mars. Nous avons tenu le 1er congrès dans la région de Kayes, c’est la localité où le parti est mieux implanté, c’est ma région d’origine aussi. La politique doit se faire chez soi, nul n’est roi chez soi. En voyant la masse populaire qui nous a accueillis et la mobilisation des militants lors de ce congrès, nous nous sommes dit que nous avons une crédibilité, nous avons un ancrage dans cette zone. C’est ce nous que sommes allés tester et nous avons réussi ce pari. Nous avons fait ce congrès autour du renouveau mais aussi autour de l’unité et de la cohésion. Le renouveau parce que nous partons sur de nouvelles bases et que nous puissions faire la politique autour de nos valeurs fondamentales mais tout en restant ouverts, en intégrant les valeurs de la démocratie, de la modernité.

Nous devons puiser nos ressources dans les ressorts culturels, traditionnelles maliennes. Même dans la gouvernance du parti, nous sommes dans le renouveau en disant qu’au PSDA on a droit à deux mandats. Aux termes de ces deux mandats, on doit céder la place donc la gouvernance démocratique qu’on voudrait politique doit commencer d’abord au sein même de nos partis. Cela veut dire que le parti n’appartient pas au président fondateur, il appartient aux militants.

Je tiens aussi à dire que nous sommes dans un pays qui traverse une crise sans précédent et le peuple malien est résilient, c’est l’occasion pour moi de saluer la résilience et la sagesse du peuple malien parce que le Mali a tangué mais n’a pas chaviré et ne chavirera jamais pas parce que les Maliens savent se ressaisir. Nous avons estimé aussi que ce congrès était l’occasion de jeter les jalons d’une réconciliation, c’est pourquoi nous avons invité l’opposition politique qui a fait le déplacement et a fait des propositions des points de jonctions pour qu’on puisse se retrouver autour du Mali.

Au niveau de l’école malienne, nous avons fait des recommandations, car on ne peut construire une nation si on n’a pas d’enfants instruits, prêts pour la compétition, à la concurrence nationale et sous-régionale pour porter le Mali. Les congressistes ont alors estimé que les violences scolaires doivent être bannies, que la politique doit sortir du champ de l’école, et que les revendications catégorielles des enseignants doivent être traitées en  tenant compte des réalités de notre budget national. Que les deux parties fassent des efforts pour la résolution de cette crise. Le congrès a aussi demandé de mettre l’accent aussi sur le recrutement des enseignants de qualité pour que nos enfants soient les meilleurs parmi les meilleurs.

Pour ce qui est de la crise sécuritaire, l’accent a été mis par les congressistes sur les critères de recrutement et surtout des nouvelles recrues qui doivent savoir qu’ils vont se battre pour leur pays et pour se faire, ils doivent être respectueux des droits humains. Qu’on ne fasse plus de recrutement sur la base des accointances, des relations. Sur le plan sécuritaire, nous avons proposé que toutes les milices soient désarmées et que le dialogue social soit très inclusif. Et que les généraux, les colonel-majors soient sur le théâtre des opérations pour réfléchir sur les stratégies et pour accompagner les troupes.

Nous avons aussi initié et développé une charte du militant du parti. Le militant doit travailler à l’extension du parti, il doit être discipliné, il doit aussi participer au financement du parti en fonction de ses avoirs. Le militant doit en retour bénéficier d’une formation du parti. Cependant, le parti n’a pas vocation à donner de l’emploi, mais créer les conditions de l’employabilité.

Je voudrai aussi dire que le PSDA s’engage à participer aux élections à venir que ce soit aux élections législatives courant 2019, que ce soit aux élections régionales, communales, nous nous engageons à faire en sorte que le maximum de nos élus soient au niveau des instances de prise de décision importante. Car un président n’est  fort que s’il a des leviers, des hommes forts et je travaille pour avoir plusieurs hommes forts pour le développement inclusif.

S’agissant des élections présidentielles, Ismaël Sacko n’y pense pas, car je pense d’abord, à ce qui est urgent et prioritaire ; à savoir : faire en sorte que le tissu social de notre pays soit recousu, que le vivre ensemble soit une réalité. C’est après tout cela que la tête reposée que le PSDA choisira la meilleure option pour le Mali.

Le vivre ensemble est mis à rude épreuve au centre du pays, est-ce qu’au niveau du parti vous avez songez à des pistes de propositions pour le retour de la paix et de la cohésion sociale ?

Je l’ai dit, il faut que les gens se parlent, nous avons des filets sociaux liés aux fondamentaux de notre terroir, à la culture. C’est la seule voie pour que le dialogue s’installe. Nous savons dans notre société que tu sois Bamanan, Minianka, Soninké, Dogono nous avons des Niamakala. Qu’on laisse cette classe sociale jouer son rôle de tisserand des liens qui savent à qui parler, comment et quand parler. Il faut que nous retournions à nos fondamentaux. Nous sommes une nation, nous avons des ressorts traditionnels tirés de nos ancêtres ; il est important qu’on revienne  à cela, c’est la clé pour désamorcer cette crise.

Au centre comme on nord, on peut dire qu’il y a une insuffisance des besoins sociaux de base. Il est nécessaire que les services sociaux de base soient davantage disponibles et accessibles et que la protection des personnes et de leurs biens par nos forces de défense et de sécurité soit davantage assurée par les FAMa, qui, par leur présence massive, rassurent les populations. Nous sommes en train de finaliser ces recommandations pour les remettre à qui de droit.

Les organisations de la société civile, les politiques, les populations que chacun de nous parlent à ses connaissances dans la zone pour le retour de la paix et de la cohésion sociale. Qu’on soit Tamashek, Bambara, nous avons un seul point commun : le Mali. Ce pays très riche par sa culture, un socle séculaire de dialogue, de métissage qui fait qu’un moment donné on arrive à créer une sorte de toile autour de nos liens sociaux. On se retrouve comme une hydre quand tu coupes une partie ça se régénère dans d’autres parties. C’est ça la force du Mali, car nous sommes très liés que ce soit de Kayes à Kidal, continuons donc à renforcer ces liens à travers le dialogue.

Actualité oblige par rapport à la révision constitutionnelle est-ce que votre parti a fait des observations ou des recommandations ?

Le PSDA, depuis 2017 a réfléchi et a fait un certain nombre de propositions et vendredi dernier lorsque le président a remis l’avant-projet portant révision constitutionnelle,  notre parti s’est aussitôt réuni pour faire des propositions et nous n’avons pas encore terminé. Mais par rapport à ce projet, il faut reconnaitre qu’il y a eu des avancées, car les Maliens de tous bords politiques, la société civile, s’accordent à dire que la révision constitutionnelle est aujourd’hui une nécessité. Nous sommes tenus de toiletter notre Constitution, de l’adapter à nos pratiques maintenant.

Il s’agira de voir le tempo, le timing et la méthode. Le contenu ? Nous débattrons de cela au sein de la majorité présidentielle. Nous allons faire des propositions à ce niveau. Et nous pensons que le président de la République, les députés n’hésiterons pas apporter des touches avant que le peuple, très souverain, ne donne son avis. Nous avons espoir que le peuple apportera son soutien à cette révision constitutionnelle surtout que le président projette une large concertation autour de la question. Et l’organisation de ce débat, faut-il le rappeler, faisait partie des recommandations de notre 1ier congrès.

Votre mot de la fin et votre vœu pour ce pays ?

Je veux juste dire que suis Malien. Je n’ai pas deux pays. Je n’ai aucun autre Etat qui m’est plus cher que le Mali, j’ai passé le plus clair de mon temps au Mali, j’ai beaucoup appris de ce pays qui m’a tout donné, je suis issu d’une famille religieuse, fils d’imam qui vit dans un village où tout le monde ne va pas à l’école. Par la grâce  de Dieu, j’ai eu ce destin là, donc je ne peux  souhaiter à cette jeunesse qu’un parcours similaire au mien, un parcours meilleur au mien. J’exprime le vœu que nos plus hautes autorités travaillent à faire en sorte que la culture du mérite soit au cœur des récompenses, que les plus compétents, politiquement, socialement, culturellement soient identifiés soient récompensés.

Je voudrais aussi que le peuple malien auquel je me reconnais n’oublie pas que nous venons de loin et que nous sommes une nation, une famille, une équipe. Que nos velléités liées à nos  intérêts personnels ne l’emportent pas sur l’intérêt national. Qu’on soit de l’opposition, de la majorité, de la société civile, on doit accepter de mettre le Mali au-dessus de nos intérêts personnels, c’est la voie pour éviter à notre pays de tanguer. Et même s’il tangue, il ne va jamais chavirer.

Je voudrais que la jeunesse prenne en main son destin autour de la grandeur de notre pays autour de nos valeurs culturelles, traditionnelles, il faut que ce soit un ressort pour nous permettre de rebondir, car le Mali est un pays qui inspire et le Mali est un cas d’école sur plusieurs plans et je voudrais dire à la communauté internationale qui s’est engagée pour le Mali, aide le Mali sur la base de la feuille de route du Mali et des Maliens, respecte les engagements, que chacun joue sa partition pour stabiliser le Mali au nom de la solidarité internationale, au nom du devoir envers l’humanité.

Le Mali est un pays de civilisation qui fait face à une guerre de civilisation. J’ai espoir que ce pays se portera mieux, parce que nous sommes la relève, on n’a pas le droit de baisser les bras, de désespérer, c’est pourquoi nous travaillons tous les jours au quotidien, malgré les critiques de l’intérieur comme de l’extérieur, car, pour nous, aucun sacrifice n’est de trop pour ce pays.

Propos recueillis par Kassoum Théra

 

Source: Aujourd’hui-Mali