Pour le renouvellement des 147 sièges de députés à l’Assemblée nationale, les électeurs maliens sont convoqués aux urnes le 29 mars prochain pour le premier tour. Si la campagne électorale est ouverte, depuis le dimanche dernier, la crise sécuritaire reste un grand défi à relever, non seulement pour la campagne, mais aussi pour le déroulement des opérations de vote. Pour cela, depuis peu, les autorités nationales et les partenaires du Mali sont à l’œuvre pour relever le challenge loin d’être un pari gagné d’avance. Les enjeux et les défis d’une compétition électorale qui s’annonce rude.

 

Depuis six ans, le Mali traverse une crise politico-sécuritaire qui met le pays à rude épreuve allant jusqu’à menacer le processus démocratique. La tenue en 2018 de l’élection du président de la République, qui a occasionné une crise poste électorale qui continue de diviser les politiques, en est l’illustration parfaite.

Une prescription du DNI

Il est important de rappeler que ces élections s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution numéro 1 du Dialogue national inclusif (DNI) de décembre 2019 qui a prescrit l’organisation des législatives sur la base des circonscriptions électorales actuelles dans les meilleurs délais afin que la nouvelle législature commence au plus tard le 2 mai. Ces législatives ont été déjà reportées à deux reprises.

Pour ce faire, il n’y a pas de modification sur les 49 cercles, 6 communes de Bamako et la compétition met en jeu, 147 sièges sur l’ensemble des circonscriptions électorales. Ces élections portent sur un fichier électoral mis à jour en octobre-décembre dernier. Il a été audité par la CENI, les partis de la Majorité et ceux de l’Opposition et des experts internationaux. Ils ont regardé le contenu du fichier et ont dit que le fichier est bon pour aller aux élections législatives. Ils ont annoncé que le nombre d’électeurs inscrits est de 7 663 464 électeurs, 469 centres de vote et 22 147 bureaux de vote. Le collège électoral a été convoqué par un décret présidentiel et les listes de candidatures ont été déposées, vérifiées par la Cour constitutionnelle et enfin 547 listes ont été retenues pour 1 451 candidats dont 1 024 hommes et 427 femmes soit 29, 44 %.

Enjeux ?

Ces élections visent la mise en place d’une nouvelle Assemblée en mai prochain. En effet, l’Assemblée, dont le mandat, a commencé en décembre 2013 n’est plus dans les délais. Après sept ans de mandat, la légitimité de ces députés semble être galvaudée. Donc, il s’agit de donner une nouvelle légitimité aux députés pour qu’ils puissent affronter les questions sur les réformes que le Gouvernement doit mener. Il faut réformer les institutions, certaines lois, certaines institutions de la vie sociale, de la vie civique, politique, etc.

Cette nouvelle Assemblée peut légitimement affronter ces réformes et permettre d’aller résolument, tranquillement vers les élections présidentielles à venir en 2023, a indiqué M.  Kacou Assoukpé, directeur de la Division des Affaires électorales de la MINUSMA lors de son point de presse.

« Donc, il faut réformer tout cela pour y aller sereinement à cause des polémiques qu’il y a eu après l’élection présidentielle en 2018. La redéfinition de la carte politique entre aussi dans les enjeux. On saura après ces élections comment la classe politique se positionne à travers le pays. Quelle va être la nouvelle majorité ? Quelle va être l’opposition ? Quelles sont les nouvelles figures qui vont entrer, les nouveaux partis à l’Assemblée nationale ? C’est très intéressant, car cela va animer, « redynamiser » la vie politique nationale. Cette élection permettra aussi, en prévision des élections de 2023, de mesurer les forces des partis en présence, les messages véhiculés pendant les campagnes, l’adhésion des électeurs. Il est important de pouvoir mesurer ces forces et cela va tracer les sillons pour qui pourra être président en 2023 », a-t-il martelé.

Les défis

Pour ce scrutin, les défis sont principalement sécuritaires. Nul n’ignore les difficultés, la détérioration de la situation sécuritaire, les attaques aussi bien contre la MINUSMA que les FAMa et la population qui est confrontée à plusieurs incidents comme les mines, les enlèvements, les coupeurs de route, etc.

« Il ne se passe pas un jour où il n’y a pas d’incidents sur le terrain. Cela n’est pas aisé pour que les électeurs puissent se déplacer, pour aller faire campagne, aller vers les bureaux de vote. Il faut que le Gouvernement avec l’appui des Forces internationales puisse rassurer les électeurs au plan sécuritaire », a plaidé le responsable de la MINUSMA.

Après la question sécuritaire, l’autre défi est certainement celui du taux de participation à cette élection. Il s’agit d’un défi qui se pose à l’organisation des scrutins au Mali même pendant les périodes normales, sans crise sécuritaire.

Aujourd’hui, la question qui est sur les lèvres est de savoir, combien de Maliens et de Maliennes âgés de 18 ans et plus, inscrits, ayant une carte d’électeur pourront se déplacer véritablement face à toutes ces menaces ?

L’autre défi non moins important aujourd’hui est celui du déploiement de l’administration territoriale dans les différentes circonscriptions.

« Beaucoup de circonscriptions électorales n’ont pas encore ou ont perdu leurs administrateurs à cause de l’insécurité. Or, ce sont ces administrateurs, préfets et sous-préfets qui organisent les élections, qui authentifient. Il faut pouvoir les redéployer dans les différentes circonscriptions pour que les élections puissent se tenir », a fait constater M. Kacou Assoukpé.

Depuis quelques jours, les ministres de l’Administration territoriale et de la Sécurité sont à l’œuvre.

C’est dans ce contexte que le général Salif Traoré et Boubacar Alpha Bah, ont rencontré, ce 1er mars 2020, les gouverneurs de région et la commission nationale de sécurisation des élections de 2020. Il s’agissait, dit-on, de faire le point des dispositions sécuritaires en cours et envisagées pour le bon déroulement des législatives de mars et avril 2020. Les chefs d’exécutif régionaux et les techniciens des Forces de défense et de sécurité ont planché sans complaisance sur les préoccupations sécuritaires liées à la tenue du scrutin de mars et avril 2020, rapporte-t-on. À la fin de la rencontre, des assurances ont été données quant à la sécurisation pleine entière de ce rendez-vous capital pour notre pays.

Le 2 mars, le ministre Traoré était avec les responsables des mouvements armés signataires de l’accord pour la paix sur la sécurisation des élections législatives de 2020 (les représentants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), de la Plate-forme (PF), du Mouvement Patriotique pour le Salut de l’Azawad (MPSA), de la Coordination des Peuples de l’Azawad (CPA), du Mouvement (MPA) pour le Salut de l’Azawad (MSA), du Mouvement arabe de (MAA) et la Coordination des Mouvements et Fronts patriotiques de Résistance 2 (CMFPR2)). Selon les sources proches de la rencontre, ils ont bien exprimé leur engagement à renforcer les Forces armées et de sécurité dans la sécurisation des élections à venir. Voilà autant d’actions qui constituent des lueurs d’espoir pour la réussite du scrutin.

Aussi, depuis lundi dernier, le général Salif Traoré a pris son bâton de pèlerin pour sillonner l’intérieur du pays, afin de rencontrer les différentes sensibilités politiques pour s’assurer des dispositions prises et celles en cours. Les régions de Mopti et de Tombouctou sont les premières étapes de cette visite.

Par Sidi DAO

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