Nous avons eu un entretien dimanche dernier, avec le 2ème vice président du PARENA, Mahamadou Dallo Maïga, sur le projet de révision constitutionnelle. Il pense « qu’à ce stade où les positions sont crispées de part et d’autre, il est hautement recommandable et sage que le Projet constitutionnel soit simplement retiré en attendant que les Maliens de toutes obédiences se retrouvent en bonne intelligence, dans la communion, avec la seule volonté de sauver le grand Mali. »

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Quel bilan tirez-vous des deux marches de la plateforme An Tè A Bana?

Les deux marches des 17 juin et 15 juillet 2017 du mouvement An Tè A Bana ont consacré le ras le bol des Maliens, sortis de toutes parts, qui ne se retrouvent pas dans le Projet constitutionnel du président de la République. Le Projet, en somme, n’est pas bon. Il est truffé de graves distorsions qui n’ont rien à envier aux monarchies constitutionnelles. En effet, au TITRE III DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE dudit Projet, l’article 36 stipule en paragraphe : «Si l’application des dispositions du présent article a eu pour effet de reporter à une date postérieure à l’expiration des pouvoirs du Président en exercice, celui-ci ou son intérimaire dans les cas prévus aux alinéas 1 et 2 demeure en fonction jusqu’à l’investiture de son successeur » . La voie est toute trouvée pour proroger l’élection présidentielle au-delà du temps imparti. C’est dire que le pouvoir en place se donne les moyens de rester au pouvoir autant qu’il le veut. Au TITRE XVI DE LA REVISION, l’article 143 indique : «La révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum. Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement (Assemblée Nationale et Sénat) convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des deux tiers de ses membres ». Ici, le président de la République se donne les pouvoirs de réviser la Constitution sans s’en référer au peuple. Tout y passe donc. C’est en cela, qu’il y a risque de dérives préjudiciables à la Nation et à la Démocratie. Ceci est indubitablement dangereux. La Constitution, Loi fondamentale de la République, ne peut comporter de telles imperfections. Je m’en arrête là, il y a d’autres imperfections dans ce Projet Constitutionnel du président de la République qui doit être mieux élaboré.
Ces deux articles du Projet Constitutionnel du président de la République montrent à suffisance, pour ceux qui ont lu le Projet, que, ça ne peut pas être acceptable pour les Maliens qui ont conquis la démocratie de hautes luttes, à travers des combats périlleux, au prix du sang de la Révolution de Mars 1991 de haute portée historique. Les martyres de la Révolution ne peuvent se reposer en paix.
Le président de la République, garant de la Constitution, auquel les Maliens ont porté confiance en 2013, ne peut les doter d’un tel Projet de constitution. Les Maliens n’attendent pas cela de lui. Le peuple malien, dans son entièreté, ne mérite pas cela. Le président de la République doit écouter son peuple, sans parti pris, à hauteur de vue, en vrai père de la Nation. Le père de la nation malienne, notre père, le Président Modibo KEITA ne peut dormir. Les héros de l’indépendance ne peuvent dormir. Les martyres de la République ne peuvent dormir. Aujourd’hui, il s’agit du Mali, notre patrie dans son entièreté, loin des partis pris de la Majorité et de l’Opposition. L’émotion ou la complainte de chaque Malien doit émouvoir le président de la République, au-dessus de tous. Le peuple en appelle à sa sagacité.

Que pensez-vous de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle ?

Sans récuser la Cour Constitutionnelle, je me dois de dire que le droit n’a pas été dit. Au regard de l’article 118 de la Constitution en vigueur stipulant qu’aucune révision constitutionnelle ne peut être opérée, si l’intégrité du pays est ébranlée, il y a problème. Le Mali est en péril sur plus des 2/3 de son territoire. Cela est indéniable, au Nord, au Centre dans la région de Mopti et une bonne partie de la région de Ségou. Il faut, d’abord, travailler à sécuriser le pays. C’est le grand challenge que le Président de la République n’a pas reçu, depuis son arrivée au pouvoir. La situation s’est considérablement dégradée. Les Maliens n’aspirent qu’à la paix. Il faut aussi organiser l’économie du pays et sortir de la corruption devenue un problème de gouvernance.

Que répondez-vous à ceux qui disent que le président IBK est lié par l’Accord pour la paix ?

Nous sommes d’accord pour que l’Accord d’Alger soit appliqué, mais, le Projet de Constitution n’en fait pas mention. Référence est faite aux Collectivités Territoriales. Ce qui n’est pas une nouveauté. Cependant, il faut noter que l’Accord comporte, aussi, des lacunes qui doivent être corrigées en bonne intelligence avec tous les fils du pays, sans discrimination. Les partenaires, j’en suis sûr, ne vont pas accepter que l’on mette n’importe quoi dans notre Constitution. Ils savent que les Maliens savent ce qu’il y a de mieux pour le Mali. Nous ne sommes pas contre le Sénat. Il faut le faire intelligemment, il faut que toutes les forces de la nation y participent. On dit dans le projet, qu’un tiers du Sénat est nommé par le président de la République. Ce tiers, c’est qui, quels sont leurs mandats, combien de temps doivent-ils faire ? Nous pensons que ce sont des choses auxquelles ont doit faire attention aujourd’hui, car, c’est le peuple, dans son entièreté, qui est en émoi. Le plus important est d’écouter le peuple malien qui a le plus mal, un peuple au passé glorieux fait de partage et du sens élevé de l’équité.
A ce stade où les positions sont crispées de part et d’autre, il est hautement recommandable et sage que le Projet constitutionnel soit simplement retiré en attendant que les Maliens de toutes obédiences se retrouvent en bonne intelligence, dans la communion, avec la seule volonté de sauver le grand Mali.
Pétri de grande sagesse d’un passé lointain de riches civilisations, le président de la République devra favoriser cette rencontre de tous les Maliens dans l’intérêt supérieur de notre pays. Bien sûr, il s’agit des rebelles ou groupes armés, des partis politiques de la majorité et de l’opposition, de la société civile et de tous ceux qui peuvent contribuer à nous sortir de cette impasse. Nous avons suffisamment de pain sur la planche pour ouvrir une nouvelle crise qui ne nous sert aucunement. Il faut amorcer la détente et aller très vite. Le monde nous regarde. En toute bonne intelligence, nous n’avons pas d’autre choix que de rassembler les Maliens les mieux éclairés pour produire les meilleures choses pour le Mali. Oui, il y a eu des occasions pour le faire, des occasions pas bien mûries, des occasions ratées. Il ne faut pas rater l’occasion, cette fois.
Je voudrais terminer par cette séquence de notre hymne national qui nous interpelle tous à l’union sacrée « Debout sur les remparts, nous sommes résolus de mourir pour l’Afrique et pour toi Mali, notre combat sera Unité, pour l’Afrique et pour toi Mali notre drapeau sera Liberté ». Le Grand Président Modibo KEITA ne disait-il pas : « Mieux vaut la mort que la honte ». A bon entendeur salut.

Propos recueillis
par Baba Dembélé

Le Canard Déchaîné