Après le Président MACRON avec les chefs d’Etat, c’était au tour de la Commission Défense du Sénat français de convoquer les ambassadeurs des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) pour rendre compte de la situation  sécuritaire de leur pays et des suites attendues du Sommet de  Pau du 13 janvier 2020. A ce grand oral, le Mali était représenté par Toumani Djimé DIALLO  qui a donné de la répartie aux accusations de sentiment anti-français par les débordements des forces françaises. Pour ce qui est des négociations envisagées par le Président IBK, avec certains groupes jihadistes, l’ambassadeur assure qu’il y aura des ‘’lignes rouges’’.

 

Le ton n’était pas aux formulations enrobées dans la délicatesse diplomatique. La langue de bois ne seyait pas particulièrement, parce que le Mali comme certains pays du G5 Sahel, trainent le boulet de manifestations contre la politique française, d’une frange de la population, abusivement cataloguées ‘’sentiment antifrançais’’.  Sur ce point, l’ambassadeur du Mali en France n’a pas frémi. Il a asséné : « il n’y a pas de sentiment anti-français au Mali. Il y a eu, à un moment donné, un ressenti au sein de la population contre la présence militaire française ». Bien dans son rôle, l’ambassadeur fait preuve de compréhension vis-à-vis de ses compatriotes que le cycle de violence turlupine.   « D’abord, avec tant d’hommes et de moyens déployés, on s’attendait à plus de résultats, moins coûteux en vies humaines. D’autre part, je vais vous parler franchement, dans ces forces, il y a des officiers, l’armée normale mais aussi la Légion étrangère. C’est là le problème ».

Donc, aucune  malice, aucune duperie de la part des autorités nationales qui restent sur une constante. L’ambassadeur DIALLO évoque fort à propos : « le Président Ibrahim Boubacar KEITA l’a dit: tous ceux qui aujourd’hui au Mali appellent au départ des forces étrangères et notamment françaises sont des ennemis du Mali, des complices des jihadistes (…) mais il faut que le comportement de certains éléments de l’armée ne laissent pas à désirer ». Les torts sont partagés ; mais, il faut relativiser. Autant ce ne sont pas tous les Maliens qui clament ‘’dehors les Français, Armée française allez-vous en’’, autant ce ne sont ce ne sont pas tous les soldats expédiés au Mali dans le cadre de l’Opération Barkhane qui sont des modèles d’exemplarité. Cela aussi, il fallait le dire et l’ambassadeur du Mali en France n’a pas fait dans la dentelle en la matière.   « Par moments, dans les Pigalle de Bamako, vous les retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée (française). Ça fait peur, ça intrigue », a-t-il pointé du doigt. « C’est bien, parce qu’ils sont connus pour être âpres à la bataille, âpres au combat, mais ils sont aussi âpres au gain (…) il y a des débordements qui posent problème», a affirmé l’ambassadeur malien sans plus de détails. « Certains font n’importe quoi dans les rues de Bamako, ce n’est pas bon pour l’image de la France », a-t-il conclu, tout en saluant à plusieurs reprises l’engagement français au Sahel.

On ne lâche pas les siens, même quand ce sont des brebis glaleuses. C’est la lecture qu’on peut faire de la réaction du Président de la Commission Défense du Sénat français, Christian CAMBON  qui soutient : « nous prenons note, mais nous souhaitons réaffirmer notre solidarité envers nos forces armées ». Eh oui ! A la différence de civils, les militaires sortent d’un moule, en France comme ailleurs à travers le monde, qui leur impose un type de comportement particulier comme modèle. Mais, tant que ce sont les forces nationales, les écarts de conduite sont tolérés et noyés dans la généralité des déviances comportementales : «dans toute société, dans toute organisation, certains se comportent moins bien que d’autres, mais ça ne peut pas porter atteinte à l’ensemble des forces françaises qui font un travail remarquable dans un environnement très difficile». Plus solidaire que jamais de ses compatriotes, le Président de la Commission Défense du Sénat français martèle : « nous prenons note, mais nous souhaitons réaffirmer notre solidarité envers nos forces armées ».

Au demeurant, qui est cet ambassadeur impétueux qui a l’outrecuidance d’agiter la muflerie à la face du monde la muflerie des Légionnaires sans lesquels le Mali ne tiendrait probablement pas débout ? En tout cas, la réaction de  Christian CAMBON  est anecdotique : « s’il y a des manquements, il y a des autorités militaires qui sont tout à fait adaptées pour corriger ces choses ». Ce qui est dit est dit. Le droit est aux autorités militaires françaises, non à un diplomate d’un pays assisté. Belle partie oratoire que ce ping-pong.

Sur un autre plan, le dialogue envisagé par le Président IBK avec ‘’certains’’ groupes jihadistes (maliens) a hérissé les cheveux sur bien des têtes hypocrites. Parce que les champions de la démocratie, de l’opposition aux négociations avec les jihadistes, en sont également les champions olympiques. Ce n’est pas faire la fine bouche, mais les Maliens sont dans le secret de tous les micmacs pour la libération des otages occidentaux, en contrepartie de centaines de millions (pas en francs CFA).

Néanmoins, l’ambassadeur Toumani Djimé DIALLO a donné des gages à ses interlocuteurs, en assurant qu’il y aura des ‘’lignes rouges’’ dans les négociations avec les jihadistes. « On va vers le dialogue, tout simplement pour exploiter toutes les possibilités qui existent », mais « il y aura des lignes rouges : la charia, nous ne marcherons pas, l’intégrité territoriale, nous ne marcherons pas, la situation faite aux femmes, nous ne marcherons pas », a promis Toumani Djimé DIALLO. Et « même si on trouvait une solution d’entente, ceux qui ont du sang sur les mains devront en rendre compte », a-t-il ajouté,  au cours de cette audition.

La France a-t-elle si peur du dialogue envisagé avec les jihadistes. En tout cas, c’est avec un véritable soulagement que les propos de Toumani Djimé DIALLO ont été accueillis.  « La commission est heureuse d’entendre que vous avez fixé un certain nombre de lignes rouges », a-t-il déclaré. Pour autant, des signes de fébrilité persistent : «Il faut bien que vous fassiez très attention avec qui on négocie (…) par respect pour vos propres troupes et les nôtres. Si la paix intervient un jour, il faut que ce soit dans l’honneur, et pas à n’importe quel prix ».

PAR BERTIN DAKOUO

Info-Matin