Autour de cette figure religieuse, des milliers de manifestants ont réclamé, vendredi 5 juin, la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta.

 

Au Mali, des milliers de manifestants ont bravé, hier, le risque d’une contamination au coronavirus, pour réclamer le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta. Ils répondaient à l’appel du puissant chef religieux musulman Mahmoud Dicko, converti à la politique depuis qu’il a lancé, en septembre 2019, la structure de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS). D’autres mouvements de la société civile, des partis d’opposition venus de Bamako et de tout le pays ont rejoint le cortège qui s’est lancé depuis la place de l’Indépendance, à Bamako. Si la démission du chef de l’État a cristallisé l’attention, les raisons de se mobiliser ne manquent pas pour les Maliens : entre crise sécuritaire, économique et sociale.

Un imam de plain-pied dans la politique

« 7 ans de pouvoir, ça suffit », « IBK dégage », en référence aux initiales du dirigeant malien au pouvoir depuis 2013, pouvait-on lire sur des pancartes sur la place de l’Indépendance, à Bamako, où étaient réunis quelque entre 20 000, voire un million de personnes selon les sources, au son des vuvuzelas. Également visibles sur les images et vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux et les médias, des banderoles réclamant la libération de l’ex-Premier ministre et principal opposant Soumaïla Cissé, enlevé le 25 mars alors qu’il était en campagne pour les élections législatives dans sa zone d’origine, le centre du Mali, un scrutin remporté par le pouvoir, mais aux résultats suivis par une grogne populaire. « Nous sommes ici pour demander la démission du président IBK », a lancé Issa Kaou N’Djim, un responsable du Rassemblement de forces patriotiques du Mali en lançant la manifestation après la grande prière du vendredi, dirigée par l’imam Oumarou Diarra de la CMAS. D’après ses propos, l’ultimatum est « lancé (…) pour constater (la) démission au plus tard à 18 heures (locales et GMT) ce vendredi 5 juin » du président Keita, élu en 2013 et réélu en 2018 pour cinq ans.

La mauvaise gouvernance dénoncée

La nouvelle alliance formée autour de l’imam Mahmoud Dicko, du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), qui regroupe des partis d’opposition, dont le principal d’entre eux, et d’Espoir Mali Koura (EMK), un mouvement de la société civile dirigé par le cinéaste et ancien ministre de la Culture Cheick Oumar Sissoko entend mettre ainsi une pression maximale sur les autorités maliennes. Et Mahmoud Dicko, éminente figure religieuse et tenant d’un islam wahhabite, autrefois proche du président Keïta ne mâche pas ses mots du haut de l’estrade. « Nous condamnons la mauvaise gestion du régime, les malversations, les détournements, le mensonge », a déclaré, tout de blanc vêtu et coiffé d’un turban, l’imam Dicko, lors de cette manifestation encadrée sans incident par la police, la plus grande à Bamako depuis celle qu’il avait organisée en avril 2019. « IBK n’aime pas les ultimatums, mais cette fois, s’il ne nous écoute pas, il verra pire qu’aujourd’hui », a-t-il menacé tout en ponctuant son propos de rappels historiques sur la grandeur passée du Mali.

Lors du rassemblement d’avril 2019, l’imam de 66 ans avait lancé un appel à la démission du Premier ministre d’alors, Soumeylou Boubèye Maiga, qui avait rendu son tablier quelques jours tard, après la tuerie de quelque 160 civils peuls à Ogossagou (centre) et une série de manifestations contre la gestion de l’État. En effet, le Mali est en proie depuis 2012 à une profonde crise multiforme, sécuritaire, politique, économique. Les insurrections indépendantistes et maintenant djihadistes menées par les groupes liés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique, ainsi que les violences intercommunautaires ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Parties du nord du Mali, les violences se sont propagées au centre du pays, puis au Burkina Faso et au Niger voisins.

Elles se doublent de toutes sortes de trafics et de vastes pans du territoire échappent à l’autorité de l’État.

 Le Point Afrique