modibo sidibe adema

Peut-on être élu à la présidence du Mali quand on a été l’un des piliers du système de l’ancien président Amadou Toumani Touré ? Modibo Sidibé, secrétaire général de la présidence puis Premier ministre, veut croire que oui. La preuve : pour lancer sa candidature, ses partisans viennent de créer un nouveau parti, les Fare, les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence.

RFI : Vous avez été au cœur du système ATT. Aujourd’hui, est-ce que ce n’est pas un passé un petit peu lourd à porter ?

Modibo Sidibé : Je ne crois pas qu’on puisse considérer que c’est un passé lourd. J’ai eu l’occasion d’être sur des grands chantiers. Tous les enfants du Mali ont entendu parler du barrage de Taossa.

De l’autre côté, il y a aussi eu des insuffisances, en matière de gouvernance, en matière peut-être de gestion concernant certaines parties de notre pays. Mais pour ma part, je considère qu’il y a eu des progrès. Ces progrès-là, il faut les consolider.

 

 

Au temps d’ATT, vous demandiez à l’armée mauritanienne de venir faire la police chez vous. Est-ce que ce n’était pas humiliant pour un patriote malien ?

Je n’ai pas eu connaissance que la partie malienne ait demandé à la Mauritanie de venir faire la police sur le terrain.

 

 

On se souvient de cette interview, où le président ATT reconnaissait que l’armée mauritanienne exerçait un droit de suite dans la forêt de Ouagadou, sans même demander l’autorisation du Mali.

Je n’ai pas d’autres commentaires à faire là-dessus. Je sais que le droit de suite, avec les possibilités de patrouilles mixtes, a été mis en œuvre avec des pays comme la Syrie, le Niger.

 

 

Sous les années ATT, des liasses de billets, versées aux preneurs d’otages, se sont retrouvées dans les poches de personnalités haut placées à Bamako. Est-ce que ce n’est pas la preuve, quand même, qu’il y a eu des complicités entre l’Etat malien et des narcoterroristes du nord du Mali ?

Vous le dites ! On l’a entendu dire ! Moi, je ne sais pas qui sont ces hautes personnalités. Peut-être que les investigations en cours au niveau judiciaire, concernant le narcotrafic, – dont notamment le cas du Boeing, puisque des gens ont été arrêtés (un appareil en provenance du Venezuela qui a acheminé une dizaine de tonnes de cocaïne, ndlr) – permettraient peut-être d’élucider cela.

 

 

Depuis l’opération militaire française en janvier dernier, l’Etat malien est sauvé. Mais quand les soldats français vont partir, est-ce que vous ne craignez pas une rechute ?

Je salue l’intervention française. Elle est venue à propos. Et c’était courageux. Maintenant il faut, avec les autorités légitimes, travailler à une véritable refonte de l’armée malienne, à ce que la formation qui est faite par l’Union européenne puisse permettre la constitution de cinq à six bataillons, qui vont venir renforcer la présence des forces armées maliennes dans les dispositifs de sécurité.

C’est aux nouvelles autorités de penser la sortie de la Minusma dans un an, à peu près. Le Nord doit être aujourd’hui comme une espèce de nasse. On peut y entrer, mais on ne peut pas en sortir.

 

 

Et cette armée malienne dont vous attendez la réforme, est-ce qu’elle n’est pas gangrenée aujourd’hui par les putschistes de mars 2012, qui vous ont arrêté à l’époque et qui sont toujours là, au camp militaire de Kati, près à revenir au pouvoir s’ils le peuvent ?

Je ne sais pas s’ils sont prêts à revenir au pouvoir, et encore moins, je ne sais pas s’ils le peuvent. Pour ma part, effectivement, j’ai été arrêté à plusieurs reprises, mais tout ça c’est le passé.

 

 

Mais il n’y a pas de « problème Sanogo » ?

Je ne sais pas s’il y a un « problème Sanogo » ! Je considère qu’aujourd’hui il y a des autorités légitimes, qui doivent exercer pleinement leur pouvoir. Je ne connais pas de Sanogo qui serait présent dans les institutions du Mali.

 

 

A Kidal, au Nord, la prochaine présidentielle s’annonce compliquée, car les rebelles touaregs du MNLA ne veulent pas désarmer avant un accord politique avec Bamako. Vu la faiblesse de votre armée, est-ce que vous avez le choix ?

Aujourd’hui, il s’agit de renforcer la présence malienne nettement, sur le territoire malien par les six bataillons en formation. Concernant Kidal, il y a une question d’abord politique. Et nous sommes tout à fait confiants, quand nous entendons toute la communauté internationale réaffirmer l’intégrité du territoire du Mali, réaffirmer aussi que tous les groupes armés doivent désarmer. A partir de là, il y a une Commission nationale de dialogue et réconciliation nationale qui a été mise en place.

Il est important que Kidal participe au processus d’élection qui va avoir lieu. Donc par conséquent, il y a des dialogues, il y a des négociations en cours, qui devraient permettre de faire cela.

 

 

Vous êtes donc ouvert au dialogue avec le MNLA. Est-ce qu’on peut imaginer un retour progressif de l’Etat malien à Kidal, les civils d’abord, les militaires plus tard ?

Je vous faire savoir d’abord, que pas plus tard qu’il y a deux jours, le gouvernement du Mali a nommé un préfet pour qu’il y ait un gouverneur pour la région de Kidal. Le MNLA ne représente pas les Touaregs de Kidal, encore moins la communauté touarègue du Mali, encore moins les communautés du Nord.

Il faut savoir aussi, qu’ils n’ont pas de projet politique dans notre pays ! Ils n’ont qu’un projet politique qui est la violence, le sang, les larmes ! Donc si le MNLA répond aux préoccupations qui ont été posées par le gouvernement du Mali dans sa feuille de route, la Commission nationale du dialogue et de la réconciliation pourrait voir dans quelles conditions ils pourraient discuter.

 

 

Vous êtes candidat à la présidentielle. Mais est-ce que vous ne craignez pas d’être discrédité par votre longue collaboration avec l’ancien président Amadou Toumani Touré ?

Je ne crois pas qu’on puisse parler de discrédit. J’ai parcouru notre pays, avant le coup d’Etat. J’ai continué à parcourir également les communautés de l’intérieur. J’ai été partout bien accueilli, j’ai discuté. J’ai des partisans partout, y compris ici.

 

 

Et que répondez-vous à ceux qui disent que vous incarnez les défaillances de l’ancien système ?

Quelles défaillances ? Mon bilan est là. J’ai publié mes bilans de trois ans de la Primature. Pendant ces trois ans, le Mali a été en tête de la croissance au sein de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, ndlr). Pendant ces trois ans, il y a eu des barrages, des aménagements hydro-agricoles, des initiatives importantes quant à l’agriculture, saluées par tout le milieu rural.

Je passe sur tous les autres (progrès) qui ont été faits au niveau de l’université, la décentralisation, la construction de cités universitaires. Je passe encore sur les aménagements urbains à Bamako, les nouveaux hôpitaux qui ont surgi, etc.

Il y en a qui ne veulent pas voir ça. Et pourtant, c’est bien réel. Le peuple malien sait qui est qui. Et c’est à lui de choisir !

 

 

Vous ne serez pas le bouc émissaire ?

Je ne le suis pas parce que j’ai un parcours et j’ai fait un travail. Même ministre de la Santé, j’ai géré des périodes rigoureuses. On n’a jamais entendu qu’il y avait ceci ou il y avait cela.

Mais surtout, nous avons mis en place un système de santé solide ! Qui a permis de décentraliser la gestion et la prévention du sida. Dans tous les territoires du Mali, on peut faire le test. On peut donner les antirétroviraux aux malades du sida, sur l’ensemble du territoire du Mali ! J’ai des ambitions pour le Mali ! Les Maliens ont trébuché, ils peuvent se relever ! Ils se relèveront. Inch’Allah.

 

Par Christophe Boisbouvier RFI