A l’Adema tout le monde connait Moustapha Dicko, non pas parce qu’il est candidat à la candidature du parti. Il est au four et au moulin pour que le parti puisse survivre aux vicissitudes politiques. Socialiste dans l’âme, et militant par accident, le credo de l’ancien ministre et ambassadeur est la réhabilitation de l’Adema. Mais ce que l’on sait moins, c’est tout le chemin parcouru depuis Boni par le garçon de 7 ans qui a fait l’école buissonnière en 1962, effrayé par le bâton dont se servait l’instituteur pour frapper les élèves. Portrait.

 

«On ne me frappait pas souvent à l’école parce que j’étais bon élève. Mais au tout début, j’ai eu tellement peur en voyant le bâton du maître que je me suis enfui. Il a fallu que ma sœur aînée aille me chercher pour m’emmener en classe », rappelle-t-il, se souvenant de son enfance. Dans la cour familiale où il grandit, il y avait du monde. Son père, chef de canton de Boni, était au milieu des affaires locales.

Et Moustapha est resté attaché à son « Soudou baba », son terroir qu’il évoque avec nostalgie, surtout quand il souligne les difficultés actuelles. «C’est des souvenir forts ; je pense surtout à mes aînés comme Amadou Dicko qui a été enlevé il y a deux ans et dont on est sans nouvelles. C’était vraiment notre chef, celui qui nous guidait lors de nos jeux et de nos promenades», raconte-t-il sur un ton chargé d’émotion.

Mais le temps des balades infantiles, les pieds nus, entre cours d’eau et montagnes de Douentza ou de Boni, prend fin en 1972. Le Diplôme d’études fondamentales (DEF) obtenu, Moustapha Dicko fait ses baluchons pour la ville de Sévaré dont il fréquente le lycée.  La rencontre d’un professeur de lettre, Issiaka Amadou Sangaré, le transforme. « C’est à cette époque qu’est né mon amour pour la poésie et Senghor ; on ne voulait pas que les cours d’Issiaka prennent fin », se souvient-il.

Puis, Moustapha part pour la ville de Markala pour la 11è Année et la Terminale. Là aussi, il fit une rencontre qui va influencer sa vie beaucoup plus tard. «C’est là-bas que j’ai rencontré feu Mamadou Lamine Traoré, mais lui, c’était un anti-senghorien primaire », déclare-t-il en souriant. Pourtant, c’est ce dernier qui a favorisé l’entré en politique de Moustapha Dicko qui a signé la lettre ouverte adressée en 1990 au président Moussa Traoré.

Moustapha a vu le nom de l’ancien ministre et homme politique Mamadou Lamine Traoré parmi les signataires de la lettre ouverte demandant l’ouverture démocratique. «Je n’ai pas hésité à signer la lettre ouverte quand j’ai vu le nom de Mamadou Lamine Traoré », affirme-t-il. Mais Moustapha Dicko qui deviendra également ambassadeur du Mali au Burkina Faso, soutient avoir toujours fait son engagement politique à part. Sa fibre militante s’est forgée au fil du temps dans les années 70, à travers notamment la lecture des auteurs du siècle des Lumières.

Après le lycée, il s’inscrit à l’Ecole normale supérieure (ENSUP) de Bamako pour suivre des études en langue russe. Il retourne à Sévaré pour enseigner pendant trois ans au Lycée privée Sony Konaké et au lycée public jusqu’en 1981. A partir de cette date, il part en Russie pour un doctorat sur la littérature russe à Leningrad. Revenu au bercail en 1987, il travaille à la direction nationale de l’Enseignement supérieur avant d’aller enseigner à l’ENSUP.

Il entre en politique à la faveur de l’ouverture démocratique en 1990, devient membre de l’Adema association et milite au sein du parti du même nom. L’arrivée au pouvoir est mouvementée pour le jeune parti : grèves à répétions, violence dans les rues.

Des moments difficiles dont se souvient encore l’ancien ministre en charge des Enseignements secondaire et supérieur comme si c’était hier. «Après la démission de Bamou Touré en 1993, nous avons eu une réunion au siège du parti et j’ai été proposé au poste du ministre en même temps que d’autres camarades. Alpha m’a choisi à m’a grande surprise pour que le pays se reprenne en main», raconte-t-il.

Aujourd’hui candidat à la candidature de l’Adema pour la présidentielle de 2018, Moustapha Dicko veut réhabiliter son parti et appelle à un sursaut national pour que le pays se reprenne. Marié et père de plusieurs enfants, c’est en homme soucieux de l’avenir que l’ancien ambassadeur du Mali au Burkina Faso souhaite être candidat.

Pour lui, nous sommes dans un pays qui vit d’énormes difficultés, qui a besoin de rebondir et de repartir du bon pied. «Si nous avons perdu le pied, ce n’est pas tant par la faute de l’environnement international que par notre mauvaise gouvernance. La mauvaise gouvernance, parce que les partis politiques ont démissionné ; des apprentis sorciers ont pu prendre le pas sur les vrais militants », dénonce-t-il.

Soumaila T. Diarra

Source: Le Républicain