Alors qu’Emmanuel Macron tente d’apaiser la tension entre Paris et Alger à la suite de ses propos contre les valeurs fondamentales de l’indépendance algérienne, au même moment, il continue d’attiser la tension entre la France et le Mali. Côté Malien, on appelle à la retenue. Et c’est dans ce contexte très tendu des relations entre la France et l’Afrique que s’est ouvert le nouveau sommet Afrique-France nouvelle format sans chef d’Etat plutôt c’est la jeunesse africaine qui est conviée.

Jusqu’où ira cette escalade verbale entre Paris et Bamako ? Avec ce nouveau sommet Afrique-France, la France table-t-elle sur la jeunesse pour rééquilibrer les relations entre les deux continents ? Nouhoum Sarr, 2e Vice-président du CNT donne son analyse

Mali-Tribune : La tension ne cesse de s’accroitre entre le Mali et la France sur des questions sécuritaires aux enjeux de coopération multilatérale et de souveraineté nationale. Pourquoi cette escalade verbale entre les deux pays ?

Nouhoum Sarr : Les relations entre les Nations c’est souvent aussi une période de tension, d’incompréhension et des moments de grandes difficultés. Nous traversons une période difficile avec la France, mais cela ne veut pas dire que les relations entre les deux pays sont fortement remises en cause. Nous, l’avons toujours dit les dirigeants français, l’exécutif français à un moment donné posait des actes contraires aux intérêts de notre pays notamment le soutien aux groupes armés. La volonté de l’exécutif français de vouloir dessiner la cadence de l’évolution de la situation au Mali n’est pas du goût du peuple malien et aujourd’hui des dirigeants de la transition. Maintenant, cela ne doit pas être de nature à remettre en cause les relations de fraternité et d’amitié entre les deux peuples. Cette escalade verbale entre Paris et Bamako je le mets sur le compte d’incompréhension entre les deux Etats frères et amis. Mais la volonté des deux parties fera en sorte que nous allons très rapidement surmonter ces difficultés et tracer le chemin d’une coopération sur de nouvelles bases.

Mali-Tribune : C’est dans un contexte très tendu des relations entre l’Afrique et la France que s’est ouvert le vendredi dernier le sommet Afrique-France sans chefs d’Etat cette fois-ci mais c’est la jeunesse africaine qui est conviée. Pensez-vous que la France table sur la jeunesse pour rééquilibrer les relations entre les deux continents ?

N.S.: Tous les pays misent sur leurs jeunesses, le monde mise sur la jeunesse parce que la jeunesse c’est l’avenir. C’est un nouveau format que nous avons découvert, nous ne préjugeons rien, mais nous attendons les conclusions pour voir si c’est compatible avec la vision stratégique qui doit être celle de tout le monde pour l’avenir de l’Afrique, du Sahel et l’avenir des relations entre la France et l’Afrique. Il y a eu plusieurs commentaires que je ne développerai pas dans cette interview, mais ce sont les responsables français qui ont déterminé ce format en connaissance certainement des causes. Ce format va permettre de rééquilibrer les relations je ne sais rien ; l’avenir nous le dira.

Je voulais demander à l’exécutif français de sortir de la posture de paternalisme désormais il y a une génération en Afrique qui n’a pas connu la colonisation, ni les période de l’indépendance, c’est la génération de la nouvelle technologie et du numérique, une génération qui est totalement décomplexée et il faudra dorénavant discuter avec elle d’égale à égale pour trouver le chemin de la restauration d’une confiance et d’un climat d’amitié et de paix.

Mali Tribune : En plus de la brouille diplomatique entre la France et le Mali, Choguel K. Maïga doit faire face à quelques partis politiques qui menacent de descendre dans les rues si le gouvernement n’organise pas les élections dans le délai indiqué. Y-a-t-il un risque de prorogation de la transition ?

N. S.: Pour la prorogation de la transition, je n’en sais rien. Jusqu’à preuve du contraire c’est la Charte qui prévaut et qui est l’instrument qui détermine le délai de la transition. La Charte n’est pas à modifiée. Il n’y a pas une demande officielle de prorogation de la transition donc je ne veux pas m’exprimer sur des sujets alimentés par la rumeur aux moments opportuns si nous sommes saisis d’une demande officielle nous allons aviser.

Mali-Tribune : Dans l’opinion publique malienne, on sent que la transition commence à apporter ses fruits notamment dans le domaine de la justice, où elle mène une lutte contre la corruption. Est-ce qu’on peut dire que sur ce plan, la transition est sur le rail ?

N.S.: Sur le plan de la lutte contre la corruption, elle est sur les rails. Des gens ont tenu le pays par la gorge pendant des décennies c’était des détournements massifs du denier public en toute impunité. Aujourd’hui, il y a une volonté politique affichée pour traduire devant la justice les délinquants politiques. Je ne rentre pas dans les commentaires des uns et autres ; certaines estiment que c’est la Haute Cour de justice qui doit pencher sur ça. L’histoire de notre pays révèle que des anciens ministres, et anciens hauts responsables ont été jugés par la Cour d’assises si telle a été le cas je ne vois pas comment on ne peut pas les juger par la Cour d’assises. Mais il faudra que notre peuple sache que ces commentaires ont pour but de discréditer la lutte contre la corruption. Quand on est ministre est qu’on poignarde sa femme à la maison, ce n’est pas la Haute Cour de justice, mais la Cour d’assises parce que poignarder sa femme c’est un crime. Donc il y a des actes détachables et lorsqu’on est ministre il n’est jamais dit que ta fonction c’est détourner l’argent. Et détourner l’argent du pays ne fait pas partir de l’exercice de ta fonction.

Mali-Tribune : Mi-novembre auront lieu les Assises nationales sur la Refondation de l’Etat. Déjà certains partis politiques ont levé la voix de boycotter lesdites Assises que l’essentiel aujourd’hui c’est d’aller aux élections générales. Quel est votre avis sur ces Assisses ?

N S.: Je pense qu’il est toujours bien qu’on s’assoit et qu’on se parle. Les partis qui refusent d’y aller, il est important que nous les écoutons et que nous les rencontrons pour trouver un compromis dynamique avec eux pour que ce soit les Assisses de tous les Maliens. Je vous rappelle qu’en 2019-2020, lorsqu’il y a eu le Dialogue national inclusif j’étais membre de l’opposition, nous avons refusé d’aller parce que nous avons estimé que la préparation n’était pas inclusive. Aujourd’hui, je crois que ce soit le chef d’Etat, le Premier ministre ou le ministre en charge de ces Assises, nous devons trouver ensemble un mécanisme pour faire participer tout le monde parce que si tout le monde ne participe pas on ne peut pas dire que c’est national. Pour nous il n’y a pas de majorité ni d’opposition aujourd’hui tous les maliens sont au même pied d’égalité et tous les Maliens ont droit à participer. Nous trouvons les formules, nous battrons et déploierons notre énergie et notre disponibilité pour que tout le monde participe.

Mali-Tribune : Le chef de la diplomatie russe a levé le voile en affirmant qu’il y a des pourparlers entre Bamako et Wagner et côté gouvernement c’est le silence radio. Les autorités maliennes refusent tout commentaire sur cette question. Quelle analyse faites-vous d’une arrivée probable de Wagner au Mali ?

N. S.: Je ne connais pas Wagner on entend parler ça dans la presse. Selon les informations dont nous disposons, le gouvernement a engagé des discussions avec plusieurs partenaires, des Etats, des entreprises privées de défense. Mais ce qui est important d’indiquer, c’est que ce n’est pas nouveau les concepts de supplétif militaire, c’est un concept ancien. Les Américains ont recouru au supplétif militaire Blackwater en Irak et en Afghanistan, la France aujourd’hui fait recours au service de la société Amarante international qui est une société militaire française et qui opère pour la France dans le cadre de diverses missions et opérations. Officiellement, il n’y a pas un contrat entre Wagner et Bamako nous attendons voir un contrat pour nous prononcer là-dessus. Ceci dit, ce n’est pas quelque chose d’illégale de contracter avec des sociétés de défense privée. Maintenant c’est l’armée malienne, la jeunesse malienne qui vont libérer le Mali. Il n’y a pas d’exemple dans le monde où une nation a libéré une autre. Chaque nation se libère ce sont les Russes qui ont libéré la Russie lorsque Adolf Hitler a attaqué la Russie, ce sont les Français qui ont libéré la France avec le concours des tirailleurs sénégalais et alliées.

Propos recueillis par

Ousmane Mahamane     

Source: Mali Tribune