En acceptant le poste de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, un retournement de veste spectaculaire, Maouloud Ben KATTRA, secrétaire général du Syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC) et secrétaire général adjoint de la centrale syndicale UNTM, devient l’incarnation de la perversion et de l’avanie syndicales.

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De prime abord, ce syndicaliste est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, en raison de son expérience relativement longue dans le combat de la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs. Qui mieux que lui pourrait alors comprendre les préoccupations de l’heure en matière d’emploi et de formation professionnelle et y trouver les solutions idoines, lui dont la conviction exprimée a toujours été que l’enseignement n’est pas un débarras pour les chômeurs et que les enseignants doivent être formés ?
En principe, M. KATTRA s’annonce comme un cadeau du ciel pour le monde des demandeurs d’emploi et de la formation professionnelle. Aussi, sa nomination devrait-elle susciter beaucoup d’espoirs qui attestent de la pertinence du choix du président de la République.
Par contre, le désespoir vient du fait qu’un syndicaliste chevronné, logé dans la plus haute sphère d’une centrale syndicale, en pleine tempête de revendications syndicales tous azimuts, prenne le large. C’est tout simplement affligeant.
Il y a juste quelques jours que Maouloud Ben KATTRA, alors secrétaire général adjoint de l’UNTM, dans une démarche de soutien, remontait à bloc le syndicat de la Santé, engagé dans un bras de fer avec le Gouvernement au sujet de points de revendications qui semblent relever de la surenchère de la part des travailleurs. Son radicalisme avait rassuré les grévistes et les a conforté quant à la légitimité de leur combat.
Activiste, jusque dans la moelle, le syndicaliste roublard n’oublie pour autant pas que l’occasion fait le larron. Dès que la première opportunité s’est présentée à lui, sans crier gare, il a mis le voile pour aller s’installer confortablement dans le cocon gouvernemental loin des clameurs revendicatives de ses désormais anciens camarades.
Le nouveau ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle, en agissant comme il l’a fait, a-t-il trahi la cause syndicale ? A-t-il trahi la cause de la camaraderie syndicale, alors que c’est la femme de son secrétaire général qui était annoncée pour siéger dans le Gouvernement Abdoulaye Idrissa MAIGA ? Pour nombre d’observateurs, l’homme apparaît en réalité sous son vrai jour, avec une conviction bancale et une amitié de circonstance.
Désormais, l’ex-syndicaliste qui a mis tous ses œufs dans le même panier joue gros. Plus que jamais, il est exposé à un désaveu de la base syndicale qui s’estime trahie par l’un de ses plus farouches défenseurs. En clair, en acceptant l’offre gouvernementale, M. KATTRA enterre sa carrière syndicale. Ce, d’autant plus qu’il n’existe de carrière ministérielle nulle part et qu’il ne ferait pas l’exception.
On ne peut pas être juge et partie, dit-on. En effet, même si le Gouvernement et les travailleurs ne sont pas des contraires qui s’excluent mutuellement, force est d’admettre qu’ils sont régulièrement en confrontation. Et dans cette confrontation, l’ex-syndicaliste a choisi son camp, à savoir celui du Gouvernement. Il va falloir en payer le prix.
Outre le désaveu de la base syndicale, le nouveau ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle court le risque d’être rapidement mis devant ses propres limites, parce qu’ayant hérité d’un des départements les plus difficiles, avec une demande en constante croissance. Chaque année, près de 300 000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi avec peu ou sans information sur les secteurs porteurs et les opportunités d’emploi existantes, selon l’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes (APEJ). Le défi est donc énorme et le ministre sera jugé à l’aune des résultats obtenus. Son portefeuille est-il un cadeau empoisonné ? En tout état de cause, il lui était loisible de continuer à mener le combat pour lequel il a été connu et reconnu. Manifestement, la gloriole personnelle a pris le pas sur l’intérêt général des travailleurs affiliés à la centrale syndicale UNTM.
Une autre certitude, c’est que lui qui a chauffé à blanc les travailleurs, depuis des années, pour des revendications catégorielles, acculé souvent le Gouvernement dans son dernier retranchement, en mettant la main à la pâte, ne pourrait compter sur aucune indulgence.
À une autre échelle, sa collègue ministre de la Promotion de la femme, de l’Enfant et de la Famille, Mme TRAORE Oumou TOURE, présidente de la Coordination des associations et organisations féminines (CAFO), est coupable des mêmes errements. Fer de lance de la société civile, sa place n’était pas autour de la table de délibération du Conseil des ministres, mais sur l’estrade pour dénoncer les dérives, les abus des pouvoirs publics. En faisant un choix aussi hasardeux et discutable, Mme la ministre s’auto censure et se disqualifie pour les débats futurs. Pour des strapontins, c’est très fâcheux.

Par Bertin DAKOUO
Info Matin