Il a plu dans la nuit, comme pour laver la ville avant le scrutin présidentiel. Ce dimanche à Dialakorodji, sur les hauteurs de la grande banlieue de Bamako, des retraités silencieux sont arrivés avant même l’ouverture des bureaux de vote. Adossée à une falaise rougeâtre, l’école de cet ancien village absorbé par l’extension de la capitale voit défiler les électeurs dans le calme. Deux militaires baillent à tour de rôle, assis sur un banc dans la cour. Ici, sécuriser le scrutin n’est pas un problème. Mais parmi les 23 041 bureaux de vote du Mali, combien resteront fermés ?

Le ministère de la Sécurité a annoncé le déploiement de 30 000 policiers et militaires à l’occasion du premier tour. Cette année, c’est la région de Mopti, dans le centre, qui est l’objet de toutes les inquiétudes. Les violences s’y sont multipliées, et la tenue du scrutin pourrait être perturbée dans les villages isolés, sous la pression des groupes jihadistes implantés localement. Or, à la différence du Nord, peu peuplé, la région de Mopti représente près de 13 % de l’électorat.

Dans le quartier populaire de Banconi, l’un des plus denses de la capitale, le centre de vote de l’école du Soleil levant est un dédale de tôles. Dans chaque bureau s’entassent un président, deux assesseurs, des délégués des partis, un représentant de la Commission électorale indépendante. «J’ai voté Soumaïla Cissé [le principal candidat de l’opposition], susurre Baba Tembele, 61 ans, vêtu d’un éclatant bazin fushia. Car au lieu de faire avancer le Mali, IBK [Ibrahim Boubacar Keïta, le président sortant] l’a poussé dans le trou.»

Sur la passerelle en bois qui surplombe le caniveau pour accéder à l’école, un homme s’agite pour expliquer le contraire. «Je veux qu’IBK reste encore cinq ans. Il a lancé des projets, il faut qu’il les termine, argumente-t-il. Regardez cette route, avec la pluie, elle est boueuse, crevassée, les taxis ne veulent plus venir ici ! Or IBK a dit qu’elle allait être goudronnée.» Dans son bilan, le président sortant ne manque jamais de rappeler qu’il a «684 kilomètres de routes construites et bitumées» à son actif. Reste à pouvoir les emprunter en toute sécurité.

Célian Macé

 

Source: liberation