Dans son analyse, notre confrère Mohamed Ag Assory, rappelle aux uns et aux autres que la présidentielle de2023  est loin mais précise-t-il « 2023, c’est maintenant que tout se prépare». Lisez son analyse !

2023, c’est loin sur le calendrier, encore 2 ans et quelques mois, mais en politique: 2023, c’est maintenant! Cette échéance est aussi bien attendue avec impatience par la classe politique que par les citoyens en soif de changement. C’est  maintenant que tout se prépare dans les états-majors. Après les législatives, cap sur le référendum pour la réforme constitutionnelle. Cette dernière étape est l’ultime verrou avant les convoitées élections présidentielles!

A ce stade, tout se passe dans les têtes, dans les rêves pour certains, dans les cauchemars pour d’autres! Certains y pensent chaque matin devant le miroir, d’aucuns restent encore indécis! Les plus optimistes ont déjà leurs plans et les suivent méticuleusement! Les stratèges politiques peaufinent loin des regards leurs manœuvres!

IBK, le président sortant, ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat. L’actuelle constitution ne le lui permet pas et celle en gestation non plus! Mais partira-t-il définitivement sans jeter un regard sur son potentiel successeur? A-t-il un plan pour l’après 2023? Les cadors du régime seront-ils d’avis avec le Président sortant? Quelles sont les grilles d’analyse probables ?

Aujourd’hui, il va sans dire qu’il est trop tôt pour faire une projection réaliste et exacte à ce propos, tant l’équation est à plusieurs inconnues. Le rôle d’un analyste c’est aussi de creuser loin avec peu de données, quitte à se tromper. C’est un exercice difficile, mais je me lance!!!

Sentant la fin de son mandat, il est improbable que IBK ne puisse disposer d’une « exit strategy »!

Il a certainement un plan pour l’après 2023! Mais lequel ? Dans l’hypothèse ( très faible) du contraire, les barons du régime auraient les leurs. Le pluriel s’impose car les hommes du président sont loin d’être unanimes sur la suite! Les derniers événements politiques ont mis à nu les ambitions les plus enfuies de certains (nous y reviendrons ailleurs).

D’habitude, pour les décisions importantes, IBK sait prendre son temps, il adore se faire désirer et maintenir le suspens. En politicien madré, il ne dévoile jamais ses cartes, mais induit toujours les autres sur des vraies fausses pistes. Faut aussi reconnaître que l’instabilité du pays ne lui laisse pas l’opportunité de penser au-delà, les priorités s’enchaînent et se suivent avec les mêmes urgences: terrorisme, rébellion, processus de paix, tensions politiques et sociales, les services sociaux de base. Jamais un Président n’a fait face à une telle pression!

2023, c’est un moment encore plus crucial. A chaque fois qu’il regarde un calendrier, Il sait que c’est bientôt! Si on ne peut connaître la date de la mort d’un homme,on connaît celle de la fin de son mandat! Après 2023, il portera l’amer titre « d’ancien président de la République ». Comme la mort, tous les chefs d’état redoutent la fin de leurs mandats: c’est la fin de beaucoup de choses. En un jour, on quitte la position de l’homme le plus puissant du pays à celle d’un individu lambda même si on conserve certains avantages. Rien ne peut remplacer un fauteuil présidentiel sous nos tropiques. C’est dire combien cette date taraude l’esprit d’IBK malgré un contexte surchargé!

Par ailleurs, le successeur naturel d’IBK, son fils Karim Keïta n’a aucune chance de se présenter. Rien que l’annonce de sa candidature précipitera sans doute le départ de son père. Donc Karim est exclu d’office dans le plan mais demeure une pièce maîtresse dans l’élaboration du plan. Le « petit président » a son mot sur toutes les décisions importantes du père! Lui aussi aura beaucoup à perdre, plus que son père même! Si il peut continuer éternellement à être le fils d’IBK, ça ne sera pas le cas pour le temporaire titre du « fils du président ».

Il est important pour IBK d’avoir un successeur désigné par ses soins pour non seulement perpétuer son héritage politique ou à défaut, couvrir ses arrières, ceux de sa famille biologique et politique! Plusieurs dossiers judiciaires hibernent dans les tiroirs!

Après ce petit décor planté, voici les hypothèses et leurs probabilités:

1-  UN SUCCESSEUR ISSU DU RPM

Le RPM, parti présidentiel et locomotive de la majorité présidentielle est en mauvaise posture: une guerre de clans a affaibli le parti du tisserand.

Une faction menée par BocaryTereta digère mal sa mise à l’écart dans les décisions importantes. L’autre faction, favorable à Karim, se croit avoir tous les privilèges parce que le RPM fait partie intégrante de son héritage. Qui de mieux placé que ce dernier pour naturellement prendre officieusement les rênes du parti!

Beaucoup de cadres de première heure ont quitté le parti ou se sont retirés de ses activités.

Pour ne rien arranger, le Président ne s’intéresse plus au parti vu que sa mission première était de l’amener au pouvoir!

Il se trouve aussi que le parti manque de personnalités fortes capables de  séduire l’opinion publique et la classe politique! Le bilan mitigé du président ne plaide pas en faveurs du RPM pour récolter les suffrages nécessaires comme ce fut le cas en 2013.

Enfin depuis son élection, le Président s’est en quelque sorte méfié de nommer les membres de son parti à certains postes stratégiques qui laisseraient entrevoir un futur dauphin.

Tous ces éléments font qu’il sera très difficile pour le président de compter sur un candidat RPM en 2023!

Probabilité: faible (10 à 20 %)

2- UN SUCCESSEUR DU RÉGIME MAIS NON-RPM

Dans le cas où IBK ne saurait s’appuyer sur le parti qui l’a amené au Pouvoir, un larron non membre du parti mais qui fait partie du régime pourrait endosser le costume du dauphin!

Cette hypothèse est jusqu’à là la plus probable. Beaucoup dans l’entourage du Président se voient déjà dans cette posture! C’est d’autant plus plausible que déjà on assiste à des larves de guerres  par procuration entre les candidats en pôle position!

Selon plusieurs observateurs, IBK tel le parrain n’a pas encore tranché sur la méthode et la personne idéale de façon définitive: toutes options sont scrutées dans son for intérieur! La fin proche du mandat pourrait précipiter la prise de cette lourde décision!

Une fois désigné, tout ne sera pas rose, il restera à l’heureux élu de gagner le cœur et les voix des maliens en se démarquant de son encombrant prédécesseur!

  Probabilité : forte + de 50 %

3- UN SUCCESSEUR ISSU D’UN PARTI ALLIÉ 

Si les des premières options ne se concrétisent, le Président sortant peut également puiser dans les importants partis alliés de la majorité présidentielle: Adema et autres partis.

En 2023, les maliens risquent d’assister à une énièmes passation du pouvoir à un candidat de la « génération Adema »! Ils sont expérimentés et disposent d’impressionnants moyens et une machine électorale.

A défaut, un candidat des partis ayant récemment rejoint la majorité comme l’ADP par exemple pourrait faire l’affaire. Ces derniers ont l’avantage de paraître nouveau!

Probabilité : moyenne 30 à 50 %

4- ACCORD AVEC UN OPPOSANT 

En politique avoir un plan, c’est ne pas en avoir. Avoir deux plans, c’est avoir un plan. Mais il faut en avoir plusieurs à la lumière de l’imprévisibilité du contexte.

C’est dans cet état d’esprit que, à contre cœur, imposé par la volonté populaire, le Président pourrait céder son fauteuil à un opposant! Une telle entente pourrait se conclure bien avant les élections: l’opposant aura boulevard libre et IBK aura les garanties nécessaires pour lui et sa famille! On pourrait assister à un remake malien de Kabila et Tshisekedi!

Cet opposant pourrait venir des rangs de l’opposition ou de l’opposition de la majorité. C’est un peu compliqué, mais c’est la politique du contexte malien où on trouve des opposants de tout acabit!

L’opposant en question pourrait aussi venir des propositions du Bureau du Conseiller Afrique de l’Elysée.

 Probabilité : Faible ( 20 à 30 %)

En conclusion, tout n’est pas encore clair. La situation du pays et le déroulement de la révision constitutionnelle vont certainement redistribuer les cartes sur l’échiquier politique. Beaucoup de choses peuvent également se passer d’ici l’échéance. La France aussi aura forcément son mot à dire à un certain niveau dans le futur choix d’IBK.

Au Mali, pour gagner une élection, il faut avoir indispensablement trois choses: le soutien de l’administration sortante; l’appui de l’Elysée et d’importants moyens financiers et humains. Les deux premières demeurent les plus importantes.

 

Mohamed Ag Assory

Source: Mali Demain