Le gouvernement du Mali et le président de la République persistent et signent : l’élection présidentielle se tiendra au mois de juillet prochain. Le scrutin pourra-t-il se tenir à date échue ? Le doute s’installe de plus en plus. Et les Maliens s’interrogent sur les capacités des autorités maliennes à tenir le pari.
candidats_maliens_elections presidentielsLa communauté internationale et particulièrement le gouvernement français pressent les autorités maliennes à organiser des élections libres et transparentes d’ici le 31 juillet 2013. Le ministre français des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, a même fait le déplacement à Bamako pour s’enquérir de l’état d’avancement des préparatifs. Il en est reparti rassurer par les autorités maliennes de la tenue des élections, particulièrement la présidentielle, à la date indiquée.
Mais au-delà de ces assurances, la réalité du terrain pousse à la prudence. Elle installe même le doute chez les Maliens. L’on se rappelle du discours du président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, quelques jours après sa longue convalescence à Paris où il affirmait « qu’il n’y aura pas d’élection si un seul centimètre carré du Mali est occupé ». Depuis cette déclaration, le contexte a changé. Il y a eu entre temps l’intervention française dans notre pays contre les terroristes et la libération de la presque totalité des régions du nord, excepté Kidal. Cette exception hante les Maliens qui ne trouvent pas de justificatif pour le « cas Kidal ». Et ce cas risque, à tout point de vue, de faire décaler cette échéance.
Pour organiser l’élection présidentielle de juillet, il y a des préalables dont la libération de Kidal. Il ne peut y avoir d’élections au Mali sans la participation des populations de Kidal. Le président de la Commission de la Cedeao, Kadré Désiré Ouédraogo, disait lors d’un point de presse « qu’organiser des élections sans Kidal, c’est accepté la partition de fait du Mali ». « L’élection présidentielle doit être conduite sur toute l’étendue du territoire national y compris la région de Kidal. On ne peut pas organiser une élection présidentielle sur une partie du territoire pendant  que d’autres localités sont occupées. Notre position de principe reste le même à savoir le retour du Mali dans l’ordre constitutionnel et la restauration de son intégrité territoriale. Le MNLA et son refus du déploiement des forces armées maliennes est inacceptable… », a affirmé le président de la Commission de la Cedeao.
A l’instar du respect de l’intégrité du territoire malien, les autorités maliennes doivent veiller à la sécurisation des villes, villages et fractions des régions du nord. Il ne peut y avoir d’élections dans un délai relativement court si le minimum de sécurité n’est pas assuré. Et si les représentants de l’administration ne sont pas sur place. A la date d’aujourd’hui, ceci est loin d’être un acquis.
S’agissant des réfugiés et des déplacés, leur participation au vote est un casse-tête pour le gouvernement. La gestion de leur cas est toujours au stade des réflexions pour une élection qui doit se tenir le 7 juillet. Comment vont-ils voter ? Y ‘aura-t-il un nouveau recensement ? Si oui, quand aura-t-il lieu ? Ce sont, entre autres, questions qui préoccupent les Maliens et les acteurs politiques.
Pour les aspects techniques, on s’en tient aux déclarations du ministre de l’administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, Moussa Sinko Coulibaly, qui rassure partout où il passe que tout est mis en œuvre pour le respect de l’échéance de juillet. Mais certains observateurs et même des acteurs de la classe politique émettent des doutes sur la capacité du gouvernement à pouvoir organiser des élections crédibles et transparentes dans ce délai.
A ce jour, rien n’indique que la carte du numéro d’identification national communément appelée NINA sera disponible au mois de mai. Il semble que le dossier dudit marché a attribué, la semaine dernière. Que les documents électoraux seront-ils imprimés et remis en juin, conformément au chronogramme des élections de juillet 2013 ? Ajouter à cela, l’identification des 350 000 nouveaux électeurs qui n’ont pas leur photo dans le fichier Ravec (recensement à vocation d’état civil). Il y a également l’impérieuse nécessité des corrections à effectuer sur le fichier avant l’attribution des cartes aux titulaires. Chacune de ces tâches nécessite un temps (un mois au minimum), si l’on doit se référer à certaines pratiques habituelles (révision ou recensement, correction, établissement de listes définitives et distribution).
A 73 jours du 1er tour de la présidentielle, la tâche est immense, même si elle n’est pas impossible. Le gouvernement du Mali affiche sa détermination à raccourcir la transition en organisant la présidentielle en juillet. Saura-t-il tenir ce pari ? Vu les défis, il sera très difficile de répondre par l’affirmative. Une chose est claire : les Maliens ne veulent pas d’une élection bâclée, encore moins d’une crise post-électorale.
Idrissa Maïga