Les retentissements de la visite historique du Premier ministre en 8 ème Région auront vite laissé la place à la substance des engagements entre le pouvoir central et les groupes armés du Nord-Mali. Après la brève lune-de-miel entre Soumeylou Boubeye Maiga et les acteurs de la CMA, les regards se sont aussitôt tournés vers la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, dont le chronogramme d’application vient de subir son deuxième réaménagement depuis l’installation du cinquième chef du Gouvernement d’IBK. C’était à la faveur d’une rencontre le 22 Mars dernier, à l’issue de laquelle les parties prenantes de l’Accord ont convenu d’une feuille de route en 21 points avec un calendrier d’exécution étalée sur une année, à compter de Mars-Avril 2018.

Le nouveau chronogramme traduit la volonté sans équivoque des mouvements armés les moins conciliants à préserver la continuité institutionnelle mais leur attachement aux acquis principaux du processus d’Alger est tout aussi évident.

Contraintes électorales obligent, la plupart des engagements de l’Etat susceptibles d’achopper sur un obstacle temporel ont été ainsi différés à l’année prochaine. C’est le cas de la révision constitutionnelle – dont est tributaire l’avènement d’un Sénat au Mali – que les Mouvements armés, sous la houlette de la CMA, ont consenti à ramener à 2019 tout comme d’autres dispositifs l’Accord ont été différés à la période post-présidentielle. Y figurent la relecture pour adaptation à l’Accord de la loi sur la libre administration et des Collectivités territoriales, le parachèvement de Conférence d’Entente Nationale ainsi que la réinsertion socio-économique des éléments non intégrés des mouvements armés.

Puisque les concessions de la CMA sont taillées à la mesure de ses objectifs à court et moyen termes ainsi qu’à son dessein de tirer profit au maximum des enjeux institutionnels en rapport avec les échéances électorales en vue, il parait hors de question d’organiser les joutes électorales par-dessus la tête des Mouvements et sans leur partition de sécurisation du processus qu’ils tiennent des dispositions de l’Accord et autres ententes subsidiaires. L’implication des autorités intérimaires  et des Mécanisme Opérationnels de Coordination se prépare activement, par conséquent. Et, pour ce faire, le processus d’opérationnalisation et de fonctionnalité de ces deux instruments devraient s’achever dès ce mois d’avril, échéance au cours de laquelle est également prévue l’effectivité de la gestion des services déconcentrés de l’Etat aux collectivités territoriales et le transfert des ressources et moyens pour ce faire.

Dans la même veine, les mouvements et l’Etat ont convenu d’une accélération du processus de redéploiement des déserteurs dans les différentes unités de l’armée régulière, ainsi que d’un calendrier d’identification définitive des combattants éligibles à l’intégration et au programme de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion. C’est dans cette dynamique que devrait s’inscrire la tenue au préalable d’un atelier de haut niveau sur la Réforme du Secteur de la Sécurité aux fins de convenir du concept d’armée reconstituée et des modalités d’une police territoriale conformément à l’Accord. Aussi, à moins d’un empiétement sur les échéances, ledit atelier était censé se terminer en fin mars, tandis que le regroupement et le cantonnement des combattants, dans le cadre du DDR, va se poursuivre jusqu’au 28 Août prochain, date prévue pour l’intégration définitive, dans l’armée régulière ou dans la fonction publique, des éléments des mouvements éligibles audit programme. Quant à la réinsertion socio-économique des éléments non-intégrés elle devra s’étendre sur une année à compter d’août prochain.

En revanche, enjeux électoraux expliquent sans doute, le retour des réfugiés et leur enrôlement éventuel au Ravec s’effectueront avant décembre prochain dans le but évident de les faire participer aux législatives ainsi qu’aux joutes locales et régionales sur lesquelles la CMA mise beaucoup plus que la présidentielle, au regard de ses visées  d’assises politiques.

En définitive, trois années après la signature de l’Accord, les tergiversations et dilatoires ayant freiné son application atteindront probablement leurs limites avec l’échéance présidentielle. Et pour cause, l’ampleur des enjeux institutionnels est telle que la marge de manœuvres du pouvoir sortant est réduite par le péril qui hante à la fois sa survie et une stabilité institutionnelle très tributaire du respect des échéances électorales ainsi que des conditions de son organisation. Une donne que la CMA semble avoir intégré au mieux de ses intérêts.

A Keïta

SourceLe Témoin