Si elle est tant vantée, souhaitée et surtout recherchée le plus souvent par des luttes politiques opiniâtres, c’est que la Démocratie est censée apporter aux citoyens le mieux-vivre et le mieux-être possible par une gestion égalitaire de l’État. Le Mali vit-il à présent la Démocratie ou est-il la pépinière des dérèglements démocratiques ?

 

Au début des années 80, alors que le Mali, sous la férule duparti unique de l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM), était en proie à des moments d’exaspération, un certain Alpha Oumar Konaré, alors Ministre de la Jeunesse et des Sports, profitait de la tribune officielle, à l’occasion de la clôture de la Biennale artistique et culturelle de la jeunesse malienne, pour lancer l’épineuse question : « Où va le Mali? ». L’onde de choc provoquée et l’écho qui retentit ce jour ont causé une lame de fond qui continue son œuvre. Les questionnements sur l’avenir du Mali, fabuleux pays glorieux dans l’Histoire et doté par le ciel d’importantes ressources à même d’en faire un possible Eldorado, sont loin de trouver réponse. Bien au contraire, le pays se trouve toujours pris sous les rênes courtes et capricieuses des nomenklaturas politiques peu soucieuses du bonheur du plus grand nombre.

Si l’on a pu accuser le Régime du Général Moussa Traoré de tous les pêchés d’Israël dont entre autres la corruption généralisée, le népotisme, les concussions, le clientélisme, l’affairisme, la dilapidation des ressources nationales et la gestion clanique de l’État, force est aujourd’hui de remettre les mêmes accusations et de réclamer, en conséquence, justice pour le Peuple spolié de mille attentes légitimes.

En effet, autant il est établi que tous les manquements pointés contre le Général Moussa Traoré et son Régime étaient avérés, autant il est aisé de prouver que le Mali n’est jamais sorti de leur nasse, malgré la Révolution du 26 mars 1991, suite à l’insurrection populaire qui accoucha du multipartisme intégral. Le multipartisme intégral, croyait-on, était le barbelé imparable qui protégerait désormais la nation de toute dictature personnelle et préserverait les Biens publics des prédateurs grâce à la vigilance citoyenne qui s’exercerait par les partis politiques. On avait espéré, voire dansé de victoire, à l’idée galvanisante que le Mali serait désormais le nouveau laboratoire démocratique pour une Afrique réveillée !  Ce fut un grand leurre national.

Les combattants de la Démocratie ont, certes, abattu le Régime du parti unique. Sur ses cendres fumantes, ils ont érigé la IIIe  République malienne. Le temps de l’euphorie et de l’enthousiasme passé, les dérèglements combattus sont revenus au galop. Alpha Oumar Konaré, devenu Président de la République, le tout premier Chef Suprême de la nouvelle ère démocratique, a vite rattrapé son « Où va le Mali? » et l’a enterré sous son fauteuil de Koulouba, à mille mètres de profondeur. En quelques années, de nouveaux milliardaires sont devenus légion. C’est le peu que l’on puisse dire. Épaulé par son Premier Ministre Ibrahim Boubacar Kéïta ou assis sur les épaules de ce dernier, c’est selon, Alpha Oumar Konaré a laissé maraudé en rond, ne se signalant que par des discours flamboyants et fumeux. Quant à son impérial Premier Ministre, plutôt mondain, comme c’est rare d’en trouver, il sacrifiait surtout à la dolce vitae, féru de bringues et de ribotes, entre Mozart et Beethoven.
Depuis cette période, le Mali s’est installé dans la licence. Et la Démocratie a perdu ses vertus, elle continue à être prostituée à longueur de journée. Plutôt que de servir de laboratoire d’où sera élaborée la Démocratie africaine vertueuse et progressiste, notre pays est devenu la pépinière des produits destructeurs de la Démocratie.
L’arrivée d’IBK aux plus hautes charges de l’État en 2013 n’a fait qu’accélérer le processus de pourrissement de la Démocratie malienne. Quant à l’État, il se délite petit à petit tel un tricot dont une maille a filé, ses piliers s’écroulent sans fracas. Une douce dictature portée par de voluptueux discours endort l’intelligence nationale. L’enrichissement illicite des Hauts Responsables politiques, et aussi dans la magistrature comme dans l’armée, est le pendant de la politique destructrice de « Ma famille d’abord » qui crève et les yeux et le cœur des Maliens. Vérificateur Général et autres entités de lutte contre la corruption, les fraudes financières, les évasions fiscales, voire des délits plus graves, peuvent tranquillement produire leurs Rapports justes bons à remplir les tiroirs. Les irrédentistes, les djihadistes et toutes les hordes de desperados ont toute la liberté de s’acharner sur le Mali. Le Pouvoir peut se ménager toutes les aises pour pousser à une révision conditionnelle, gage certain pour désintégrer le Mali.

Mais la Roche Tarpéienne se trouve tout près de la capitale. Elle n’a pas changé d’emplacement.  En attendant le réveil ; car, le réveil sonne toujours, Alpha Oumar Konaré doit sortir pour reposer sa mythique question : « Où va le Mali ? »

Seydou Tiramakan Traoré, Enseignant à Kourou kan Fouga

LE COMBAT