Quelles réformes politiques et institutionnelles peuvent-elles être adoptées dans un contexte sociopolitique aussi tendu et émaillé de mésententes et de défis ? Quid de la mise en œuvre des changements législatifs et réglementaires envisagés dans ce climat d’adversité ?

Pressées par la communauté internationale et des acteurs politiques internes pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal, les autorités de la Transition risquent de renvoyer aux calendes grecques le projet d’adoption d’une nouvelle Constitution.
Le gouvernement de Transition est-il disposé à relancer rapidement le processus électoral de fin de cette période transitoire ? L’on peut en douter. Dans la sphère du pouvoir à Bamako, l’on semble se hâter lentement. Le discours officiel n’évoque que la dégradation de la situation sécuritaire pour justifier l’impossibilité d’aller aux urnes. Au même moment, des experts répliquent que l’Irak a pu tenir des élections dans son océan d’attentats terroristes et de prises d’otages. Idem pour l’Afghanistan, la Syrie, le Soudan, le Burkina Faso, bientôt la Libye, etc. Comment du reste comprendre que les autorités de Transition disent qu’il est impossible de tenir des élections dans le pays profond et au même moment, on prévoit tenir des assises nationales de la refondations dans les communes, cercles et capitales régionales avant la phase finale à Bamako en fin décembre prochain ?
Cette réticence à lancer le processus électoral pour installer des autorités légitimes au pouvoir fait que la crise sécuritaire s’intensifie. C’est au point que c’est sous des pressions plus intenses que le pouvoir de Transition se décidera, Dieu seul sait quand, à organiser les élections générales. Celles-ci seront les seules à privilégier. Ce qui revient à croire que le projet de relecture de la Constitution du 25 février 1992 et des réformes subséquentes soit difficile voire impossibles à faire durant cette transition. Surtout qu’aujourd’hui, près de 75 % du territoire national échappe au contrôle de l’Etat. Une situation qui empêche d’amorcer tout processus référendaire (nouvelle Constitution) ou de réformes participatives. Les populations n’ayant pas la tête à des innovations sur la gouvernance, elles qui sont confrontées à toutes les formes d’insécurité : violences terroristes, menace de famine, cherté des prix des denrées, etc.
Or, il est évident que les prochaines autorités élues seront submergées de priorités existentielles, qu’il sera difficile d’entrevoir la révision de la loi fondamentale avant de longues années. Et les Maliens sont autant divisés qu’il sera très difficile de les amener à accorder du crédit à des innovations sur leur devenir, tant l’establishment (politique et militaire) a simplement déçu plus d’un. Cette analyse se fonde sur la réalité selon laquelle, la crise sécuritaire n’est pas appelée à être jugulée dans les cinq prochaines années. Alors que tout le monde connaît l’hostilité des populations par rapport au processus de révision constitutionnelle et aux toilettages institutionnels durant les seconds mandats présidentiels. Sans compter que de nombreux acteurs politiques ne soufflent pas dans la même trompette que les initiateurs ou les porteurs de ces réformes dites de « refondation ». Ils pourront donc s’y opposer ? Ce qui fera capoter ces initiatives.
En clair, même si un nouveau pouvoir s’installe à l’issue de la transition en cours, il est peu probable qu’il s’inscrive dans la dynamique de relayer les changements envisagés. Puisque le pays sera confronté à de nombreux défis qui poseront un problème d’opportunité de tels projets. Dès lors, l’on peut penser que l’adoption d’une nouvelle Constitution au Mali et la plupart des réformes conçues ont simplement du sable dans la machine.
Kassoum TOGO
Source : Mali-Horizon