Le bal de la présidentielle de ce 29 juillet a présenté plusieurs particularités, qui distinguent ce scrutin des compétitions électorales passées, depuis l’avènement de la démocratie. Si on a évoqué, en son temps, des ‘’curiosités’’ comme le caractère personnalisé de ces joutes, on note tout aussi le nombre plus élevé de candidats qui ont en commun d’avoir été justement parmi les plus proches collaborateurs du président combattu. Soit ils ont été ses ministres, durant ce quinquennat, soit ils ont été des hauts cadres de la haute hiérarchie administrative ou de gestion de l’État.

Connaissant les mœurs en matière de promotion des ressources humaines et surtout le caractère sensible de certaines fonctions, cette dernière tranche d’opposants n’aurait pu accéder à ces fonctions sans le feu vert, mais surtout la confiance de celui-là, IBK, qu’ils ont combattu avec détermination au cours de ce premier tour de la présidentielle.

Deux ‘’novices’’ anciens alliés
À l’exception notable de deux candidats, parmi les plus décidés à le bouter dehors : Aliou Boubacar Diallo, certes jusque-là inconnu aux bataillons politique et administratif du Mali, mais tout de même allié et soutien inconditionnel lors des élections de 2013 qui ont porté IBK à la magistrature suprême ; et bien sûr, Hamadoun Touré, l’ancien Directeur général de l’Union Internationale des Télécommunications, un poste prestigieux où ce fonctionnaire international a fait un parcours sans faute qui fait la gloire du Mali.
Au total, ils étaient au total 13 anciens alliés et très proches collaborateurs, alignés contre IBK au premier tour, car il faut y ajouter Alou Boubacar Diallo qui l’avait accompagné en 2013.
Parmi ces challengers, dont certains avaient suffisamment de poids et renommée pour vouloir tenir la dragée haute au candidat de l’EPM, il faut distinguer Aliou Boubacar Diallo et Hamadoun Touré. L’un comme l’autre sont a priori des ‘’novices’’ en cette matière politique pour que leurs scores respectifs, avec des fortunes diverses, ne soient néanmoins pas jugés assez honorables. Il est vrai que le premier, à la différence du second, a bénéficié d’une structure politique organisée, l’ADP-Maliba déjà en place depuis 2013 et surtout des bénédictions du Chérif de Nioro. La présence affirmée de ce leader religieux, sur le l’échiquier depuis le coup d’État le plus bête du monde de 2013, est devenue plus ou moins prégnante pour une frange de l’électorat, certes minoritaire, mais apparemment active, comme le souligne la surprenante troisième place de l’homme d’affaires.

Des alliés et hauts cadres de confiance
L’autre particularité du profil de certains candidats, c’est que ceux-ci sont pour la plupart des opposants de fraîche date. En effet, ils ont été des cadres de la haute administration, désignés sur la base de la confiance en eux placée par le Président de la République, compte tenu de la sensibilité des missions qu’il leur avait confiées. Parmi cette catégorie de candidats, on retient Kalfa Sonogo et Modibo Koné, tous deux désignés PDG de la Compagnie malienne de développement textile, CMDT un géant stratégique dans les politiques agricoles de tous les régimes qui se sont succédé au Mali depuis plus de deux décennies.
Sur le chapitre de la confiance, on retrouve également Modibo Kadjoké, chef de parti politique certes, mais surtout ancien chef de la Mission d’appui à la Réconciliation, quand on sait le caractère prioritaire de cette mission au Mali. Aux côtés de l’ancien ministre de l’Emploi du dernier gouvernement de ATT, on retrouve sur ce même chapiteau Nianankoro Yeah Samaké, un ancien allié désigné par IBK comme ambassadeur en Inde, une marque de confiance quand on sait le poids de l’Inde dans certains secteurs stratégiques de l’État, dont la politique agricole. Mais Samaké, parce qu’il a été remplacé à son poste, s’était aussitôt reconnu des vertus d’opposant vitupérant et brocardant la gouvernance IBK, avant de se rattraper au cours de la campagne électorale, en assurant qu’en réalité, seul… IBK était digne de gouverner le Mali. On note aussi que Yeah Samaké partage avec Kalfa Sanogo, Modibo Koné et Mamadou Igor Diarra, une rancune tenace du fait de leur relève de leurs postes, toute chose ayant motivé leur violente ‘’opposition’’. Si bien que leurs candidatures contre IBK étaient moins pour ravir la présidence que l’empêcher de se faire réélire !

7 Ministres contre IBK
Et visiblement, la rancune semble avoir été la denrée la mieux partagée en cette présidentielle. On note tout de même qu’ils sont 7 ministres à avoir croisé le fer avec leur ancien patron. Il faut nuancer le cas notable de Housséyni Amion Guindo ‘’Poulo’’ de la COCDEM, qui a assuré n’avoir rien à reprocher à IBK et que sa candidature était la volonté de son parti dont les militants voulaient une candidature issue de leurs rangs.
De même, on pourra en dire autant de Dramane Dembélé qui souhaitait, comme une bonne frange de son parti, que l’Adema présente un candidat, compte tenu de son rang sur l’échiquier, quitte à s’allier si celui-ci n’était pas au rendez du second tour. Pour tous les cinq autres anciens ministres, Mountaga Tall, Choguel Maïga, Moussa Sinko Coulibaly, Mohamed Aly Bathily et Mamadou Igor Diarra, semblent mal pris leur mise à l’écart de l’exécutif. Nonobstant les motifs (qu’eux seuls et le Président IBK connaissent), leur croisade a été mise sous le label d’une défiance face à la gouvernance de leur ancien mentor qui aurait, d’après eux, échoué sur toute la ligne. Un discours qui n’a pas pris, au regard de leurs scores respectifs et, pour ceux qui sont censés avoir un bastion, en comparaison ‘’chez eux’’ avec celui de IBK.

Des Anciens Alliés quittent le navire
Ils étaient parmi les plus proches collaborateurs du président IBK, en lice contre leur ancien mentor, convaincus d’avoir les solutions miracles aux problèmes des Maliens et de réussir là où leur mentor» a échoué «selon eux
avec virulence et parfois, par des propos frisant la haine, ils se sont posés en challengers du Président IBK. Le plus étonnant, c’est que bien qu’ayant été des très proches collaborateurs de l’homme, durant ce mandat dont ils dénoncent le bilan (auquel ils sont associés), l’opinion n’en a non seulement pas tenu compte, mais elle semble les avoir fait chèrement payer leur revirement, qui a été assimilé à la ‘’trahison’’. Toujours est-il que mal leur en a pris, car ils ont tous, sans exception, été dans l’impossibilité d’imposer qu’ils soient pris en compte par le président sortant dans les négociations d’entre deux tours, car leurs scores ne font malheureusement pas d’eux des ‘’incontournables’’. Aucun n’a obtenu 4 % des voix et tous ensemble, ils ne dépassent pas la barre des 15 %, si l’on soustrait les voix de Aliou Boubacar Diallo, donc moins que la moitié des voix de leur mentor qui a plus de 41 %.
Ensemble, ces 13 proches collaborateurs et anciens alliés ou ministres de IBK totalise 741 572 voix contre 1 333 813 pour leur ancien mentor, soit une différence de 592 241 voix. En somme, mis à part Soumaïla Cissé son plus ‘’sérieux ‘’ challenger, les 13 candidats opposants parmi les plus jugés solides ne font que 23,20 %, loin derrière le président sortant. Un score qui réduit la portée et donc l’impact de leurs discours au sein de l’électorat.
Face à ce verdict implacable, c’est un profond renouvellement de la classe et de l’offre politique malienne qui s’imposent. Visiblement, et plus particulièrement pour ceux-là considérés comme des ‘’politiques purs jus’’, c’est un véritable carton rouge du peuple qui a été adressé à cette élite politique. Une bonne part de l’opinion nationale juge, dans la défiance atavique amplifiée, que cette classe politique est déloyale, opportuniste et ne représente rien d’autre qu’elle-même.

Par Yaya TRAORE

 

Source: info-matin