Commençons par nous incliner pieusement pour le repos des âmes des victimes, arrachées à notre tendre affection !

 

Comment se taire quand la maison du père et de la mère brûle ? Comment garder le mutisme quand les murs entre les gens progressent au détriment des ponts ?

Ogossagou, le summum de l’horreur ! Ogossagou, l’abyssal trou du déshonneur ! Ogossagou, la stupeur de l’histoire et le cri étouffé de l’enfant à jamais réduit au silence, l’enfant au sang innocemment versé !

Qui sommes-nous devenus ? Comment une telle hécatombe a-t-elle été possible sur notre sainte terre d’Islam et de valeurs singulières? Sommes-nous encore le peuple de l’unité et des « sang mêlés » ? Notre mur est donc si immensément fendu pour laisser entrer dans la maison-Mali les rapaces et monstres de tous les acabits ? Des monstres qui ne nous ressemblent guère et qui saccagent notre vivre ensemble !

  1. Ce jour à jamais planté dans notre mémoire

Ce samedi 23 Mars 2019 à Ogossagou, cercle de Bankass, restera un triste fanion mémoriel, le jour de l’hécatombe, le jour du déshonneur, le jour de l’inédite tragédie, le jour de l’équipée sanglante, damnable œuvre des entrepreneurs du mal.

En un mot, le jour qui se refuse à l’oubli !

  • Notre conscience tourmentée

Notre conscience saisie de tourments, agitée, ce jour-là, l’évènement ahurissant a imposé l’insomnie. L’odieux évènement tourmente notre

conscience, interpelle surtout nos responsabilités non sans nous inviter à nous assumer face à l’Histoire.

Qu’arrive t-il donc au Mali de notre tout, le Mali de notre vie et de notre mort, le Mali  de notre conscience ?  Mais, surtout le Mali de notre devoir !

Pourquoi s’écroule ce que nous avons de si précieux et si particulier ? Les valeurs qui soudent la multitude autour de l’essentiel : LE VIVRE ENSEMBLE !

  1. Nos valeurs souillées et notre dignité humiliée

Que de sang versé sur notre terre ! Que d’innocents tués ! La sacralité de la vie humaine, l’avons-nous oubliée pour rendre les massacres si banals ?

Tuer un être humain est antinomique à nos valeurs, tuer un innocent surtout un enfant qui n’a pas encore fini de sourire au soleil de l’innocence, au réveil du jour, à la beauté de la vie l’est encore plus. Et pourtant, c’est cet impensable crime qui a été commis à Ogossagou en terre malienne, terre nôtre, terre pourtant réputée pour la qualité de son vivre ensemble, la force de son humanisme, la profondeur de son sens de l’autre, l’altérité interactive, nourrie d’estime et de respect. Le Mali de l’hospitalité où l’autre est soi-même, l’autre qui, la nuit venue, tape à la porte et est admis à l’intérieur, profitant du gîte et du couvert.

Le Mali de la solidarité où la main tendue se prend, s’aide parce que la main tendue a hier donné et celle qui donne aujourd’hui a hier reçu. C’est cela le Mali des échanges fortifiants.  Ne dit-on pas qu’un seul doigt ne saurait tenir un caillou ? Ce proverbe si riche invite tout simplement à la conscience de la limite, de l’humilité et surtout à celle de la nécessité de la complémentarité et de l’unité.

Ogossagou est une insulte à ces valeurs précieuses qui nous ont faits et nous ont fondés. Des valeurs d’humanisme, de fraternité, de solidarité, d’hospitalité et surtout d’entraide qui ont fait de notre société celle de l’Unité protégeant tous. Quand les différences deviennent superficielles, ne servant qu’à enrichir le creuset commun : le MALI EN PARTAGE.

Contre notre nation séculaire, les semeurs de haine et de crimes !

Ces hordes qui veulent détruire notre nation séculaire

Que nous veulent les hordes de l’horreur  pour éprouver ainsi  notre si belle et enviée  nation jadis assise sur des racines solides et portée par des valeurs dont la floraison a fait de nous une terre singulière ? Mali, vieille nation au sens d’un pays riche d’une histoire qui a tant à dire et tant à raconter et dont le secret, on l’oublie souvent, est le génie du vivre ensemble.

Le VIVRE ENSEMBLE ! Ce mot  que  nous ne devons jamais nous lasser de répéter et d’en dire la portée symbolique !

Oui, le génie du vivre ensemble dont nous Maliens avions, face à tant de périls et de dangers, montré qu’il était un savoir, un savoir faire, un savoir être, surtout un savoir être ENSEMBLE.

Le défi majeur est de ressouder la nation fissurée, la nation ensanglantée. Un mot d’humanisme et de partage, si petit soit-il, peut contribuer à apaiser les cœurs. Un acte, si anodin soit-il, peut être d’un apport inestimable, chacun en sa zone, en sa ville, en son village, en son quartier, en sa rue.

Nous battre contre  ces rumeurs, ces amalgames et tous ces raccourcis qui affolent, surtout alimentent les haines, voilà l’autre défi à relever ENSEMBLE !

  1. Nous élever au-delà des amalgames et des raccourcis

Nous devons énormément faire attention en ces temps de rumeurs, d’infos souvent affolantes, d’hypothèses non souvent soumises à la rigueur de la vérification. Nous devons faire attention aux mots qui blessent, aux actes qui déchirent  pour ne pas davantage envenimer, ne pas davantage creuser le trou, la fosse du scandale, de l’humiliation et du drame.

Face à la tragédie et l’inexcusable hécatombe, je comprends que les esprits puissent fléchir, sous le choc, soumis à l’émotion. La colère et l’indignation, l’incompréhension et l’interrogation, des tentatives d’explication  aux esquisses de réponses mais nous devons tous éviter une chose : les propos qui aggravent, qui désunissent, qui fracturent, qui incendient davantage la maison, la met en ruines.

En un mot, nous devons prendre soin et ne pas céder si facilement aux amalgames et aux raccourcis. Ce qui nous rendra forts, c’est de faire front commun contre l’ennemi.

  1. Nous Unir face à l’ennemi commun : Pour un Dialogue constructif !

L’unité fut, est et sera notre force. Face à elle, point d’alternative, sauf si nous voulons assister impuissants sinon complices de l’émiettement, de  l’ethnicisation, de  la fragilisation et de  la dislocation du Mali.

Face à l’ennemi, il est impératif de nous unir, de savoir endurer et souffrir mais nous élever à hauteur de défi, de mission historique pour sauver ce qui peut encore l’être. Or, qu’y a-t-il à sauver si ce n’est le Mali ? Et que vaut le Mali s’il n’est pas uni, riche de sa diversité, fort de ses brassages, invincible avec ses métissages, insoupçonnable avec ses transethnicités et échanges culturels vivants et fleurissants ?

Après les rebellions, voici le défi terroriste dont le spectre dépasse notre pays. Nous sommes entrés dans l’ère de l’asymétrie et l’ennemi porte plusieurs visages, brandit des armes échappant au classique.

  • Et, Demain, le Mali de nos enfants !

Demain, notre demain, l’avenir du Mali, celui de ses enfants, voilà la sacrée équation, le noble combat, le suprême défi !

Comment sauver demain sans s’assumer aujourd’hui ? Chaque malien doit savoir qu’il est un soldat et qu’il a plus qu’une arme, plus que des armes : l’arme de la conscience de  LA RESPONSABILITE INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE !  La conscience de n’avoir pas d’avenir individuel sans un avenir collectif maîtrisé, le devoir d’apaiser et de s’illustrer par delà la tentation ethnique, l’impératif défi d’œuvrer à l’échelle et la sphère qui sont les siennes pour consolider le vivre ensemble.

Chaque mère, chaque père doit s’interroger sur le devoir, le sien face à la dette  envers les enfants. Nous avons le devoir de préserver le Mali de nos ancêtres, le Mali de notre enfance tranquille, le Mali de notre jeunesse stable.

L’ennemi : ce sont ces hordes qui sillonnent le centre, semant la mort, luttant contre les ponts qui nous lient. Oui, chaque fois qu’un crime est  commis, c’est un mur qui gagne en hauteur et un pont qui se brise. Le mur entre les hommes au lieu du PONT, voilà toute l’équation, résumée !

Le noble combat n’est autre que d’œuvrer ENSEMBLE au triomphe des ponts sur les murs.

L’ennemi, c’est aussi l’inaction quand la maison du père brûle !

L’ennemi, c’est le silence quand se consument les valeurs qui ont fait du Mali ce pays hier tant envié, le Mali de Tombouctou, de Sikasso, de Kayes, de  Gao, de Menaka, de Taoudenit, de Segou, de Koulikoro, de Kidal, de Mopti et de toutes nos belles contrées dont Bamako est la jolie synthèse !

L’ennemi, c’est l’enfermement ethnique !

L’avenir, c’est de ne pas désespérer et de transformer surtout l’espoir en actes concrets et en œuvres qui unissent, rassemblent, rapprochent et confortent MUTUELLEMENT.

Alors, pour ce Mali DES SYNTHESES ET DES VALEURS FONDATRICES, éveillons nous ! Réveillons-nous ! Agissons SURTOUT dans le sens de la CONSOLIDATION DE LA SECURITE, DE LA STABILITE, DE LA PAIX ET DU VIVRE ENSEMBLE !

Ce Mali des possibles fraternels ne peut faire l’économie d’un DIALOGUE CONSTRUCTIF RASSEMBLEUR.

Nous devons être absolument  les  architectes de ce Mali et de ce dialogue constructif impératif.

VIVE LE COMMUN MALI !

Oumar Ibrahima Touré, Président de l’APR