Dans cette déclaration, le Cadre d’échange des partis et regroupements politique fait une analyse de la situation au Mali dans laquelle il dénonce une posture partisane du Premier ministre Choguel Maîga et lance un appel au Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta.

Notre pays, le Mali, est depuis le 18 août 2020 géré par une transition. D’une durée initiale de dix-huit (18) mois, elle a été prorogée de vingt-quatre (24) mois et doit prendre fin en mars 2024 après l’organisation d’élections référendaire, communales, régionales, législatives et présidentielle dont les chronogrammes ont été rendus publics.

Cette prorogation a eu l’approbation de la communauté internationale, notamment la CEDEAO, l’UA, l’ONU avec l’exigence faite aux autorités de la transition de ne pas se présenter aux élections générales prochaines conformément à la Charte.

Le cadre, conformément à son objectif essentiel qui vise à œuvrer pour une transition réussie au Mali, apprécie et salue toutes les actions positives posées par les autorités de la transition qui ont non seulement contribué à la levée des sanctions mais aussi à la relance du débat politique avec les partis politiques jusque-là exclus du dialogue pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Le cadre salue la résilience du peuple malien, encourage et accompagne la volonté des maliens de se retrouver pour transcender ensemble les défis sécuritaires, économiques et politiques.

Pour sa part, le Cadre entend apporter sa contribution en formulant des observations critiques et en faisant des propositions positives pour faire avancer le Mali, notre bien commun.

Ainsi, le cadre d’échange des partis et regroupements politiques, après analyse de la situation sociopolitique et sécuritaire, fait les constats suivants assortis de recommandations conséquentes :

A. Au plan sécuritaire

Le cadre félicite les forces de défense et de sécurité pour leur capacité de riposte et les invite à plus de vigilance dans cette guerre asymétrique injuste.

Cependant, le Cadre note avec regret que la situation sécuritaire s’est fortement dégradée et a pris une nouvelle tournure avec les attaques simultanées ciblées contre les camps militaires et autres emprises de l’armée et des forces de sécurité, la destruction des villages entiers et le pillage des biens de paisibles citoyens.

L’insécurité s’est déplacée aux alentours de Bamako, à zantiebougou et à Kati, cœur du pouvoir et symbole de l’Etat, pour atteindre finalement tout le territoire national aujourd’hui.

La situation actuelle exige de nos gouvernants :

– L’exploration d’autres mécanismes internes de résolution de crise sécuritaire conformément aux recommandations du DNI.

– La préférence du dialogue avec les partenaires régionaux, internationaux et l’encadrement d’un certain élan populiste et irresponsable qui prône le départ de la MINUSMA malgré les accords conclus entre le Mali et les Nations Unies.

– La mise en place d’une commission militaire de réflexion sur l’amplification de la lutte anti-terroriste.

B. Au plan économique et social :

Malgré la levée des sanctions économiques et financières les prix de principaux produits de première nécessité ont continué leur hausse alors que les revenus et les salaires sont restés inchangés. A titre d’exemple, le kg de sucre est vendu à 800 F CFA ; le kg de viande avec os à 3000 FCFA ; le litre d’huile à 1500 FCFA ; le sachet de mali lait est passé de 150 F CFA à 200 FCFA ; le riz local est à 500 FCFA ; le kg le mil à 600 FCFA. Il est à noter que les prix des hydrocarbures ont connu une nouvelle hausse qui a renchéri les coûts de transport, situation qui ne tardera pas à se répercutée sur l’ensemble des produits. Nous avons le carburant le plus cher de la zone UEMOA : le gasoil au Burkina coûte 645 F CFA le litre contre 655 F CFA au Sénégal 668 FCFA au Bénin 615 FCFA en RCI et 889 F CFA au Mali.

Cette cherté de la vie, par ailleurs aggravée par les délestages qui impactent les commerçants, les artisans et les industriels, est de nature à mettre nos concitoyens dans le dénuement le plus total et à accélérer la paupérisation des populations déjà atteintes par l’insécurité.

Cette situation exige des gouvernants :

– L’élaboration d’un plan global de riposte aux conséquences fâcheuses entrainées par les sanctions sur l’économie malienne,

– La réduction du train de vie des grandes Institutions de la République.

Sur le plan agricole, de graves hypothèques pèsent sur la campagne du fait du manque et de la cherté des intrants agricoles, faisant plonger les paysans et l’ensemble du monde rural dans la précarité et le pays dans l’insécurité alimentaire.

Le retour de l’administration et des services de base auprès des populations demeurent toujours une préoccupation. En raison des attaques et des menaces, les populations sont obligées d’abandonner continuellement leurs localités.

Ainsi, chaque jour qui passe, le lot des réfugiés s’agrandit.

Aucune région du pays n’est épargnée par ce phénomène. Or, les populations doivent retourner, mais sont empêchées en raison de l’absence de protection.

Le Cadre rappelle le caractère urgent du retour de l’administration sans lequel il n’y aura de révision des listes et d’organisation des opérations techniques électorales. En effet, il faut former et assurer la sécurité du corps préfectoral.

S’agissant de l’Accord d’Alger qui a permis une cessation des hostilités entre les forces étatiques et les groupes armés, force est de constater qu’il a de la peine à être appliqué, exposant ainsi le pays à une reprise des hostilités.

Il incombe d’ores et déjà au gouvernement de demander sa relecture ou sa révision à travers les voies et mécanismes que l’Accord lui-même prévoit.

En ce qui concerne l’école, le Cadre se réjouit de la tenue des examens de fin d’études du fondamental et du secondaire et des différents certificats d’aptitude et des brevets. Il déplore cependant la situation de ces milliers et milliers d’enfants dont les écoles sont restées fermées au Centre et au Nord pour cause d’insécurité.

Enfin, dans le domaine de la justice, le Cadre soutient la lutte contre la corruption et l’impunité. Cependant, le Cadre estime que cette lutte doit être impartiale, juste et équitable et doit éviter toute instrumentalisation de la justice pour des règlements de comptes politiques.

C. Au plan politique :

Le Cadre note un certain conflit entre la volonté des autorités de la transition de changer la constitution et celle de respecter les chronogrammes électoraux proposés aux maliens et à la Communauté internationale.

En effet, le Référendum est la première opération à organiser avec le risque que la nouvelle Constitution puisse provoquer une modification de certaines dispositions de la Loi électorale notamment un réaménagement éventuel des chronogrammes des autres élections.

En outre, le cadre se pose beaucoup de questions sur les bases juridiques qui sous-tendent l’élaboration d’une nouvelle constitution en lieu et place de celle de 1992 non dissoute et sur laquelle est adossée la charte de la transition, seule source de légitimité du pouvoir actuel.

A cet effet, le Cadre propose :

– La constitution d’un gouvernement d’union nationale pour réaliser l’union sacrée des maliennes et maliens autour des FAMAS,

– La nomination d’un Premier ministre non partisan, consensuel, compétent, intègre et ayant une connaissance avérée des dynamiques politiques, économiques et sécuritaires du pays,

– La réalisation d’un consensus national autour d’une révision de la Constitution du 25 février 1991.

Le Cadre est profondément préoccupé par la façon dont se dessine et se planifie l’organisation des élections générales sous la tutelle d’un chef de parti politique, partisan et clivant. Peut-on être juge et partie à la fois et vouloir être au-dessus de tout soupçon ?

Le chef du gouvernement, sans aucune pudeur, s’apprête, avec les moyens de l’Etat, à s’organiser avec son clan pour faire un hold-up des élections de fin de transition (élections des conseillers communaux- législatives -présidentielle). Il en a donné le ton au micro de l’ORTM avec les propos tendancieux qu’il a tenus récemment en qualifiant les acteurs politiques qui lui sont défavorables de forces de la « restauration ».

Ainsi, celui qui fût depuis la création de l’UDPM soit durant 15 ans, le suppôt inconditionnel du régime dictatorial, mercato-militaire trouve un refuge, change de peau et devient la « force du changement » malgré les casseroles qu’il pourrait traîner, malgré le gouffre dans lequel il a entrainé le pays avec son populisme machiavélique aux conséquences néfastes pour l’union et la paix dans notre nation. Il faut se le dire, une fois pour de bon, les élections générales ne peuvent être organisées par un chef de parti politique et donner des résultats incontestables qui seront au-dessus de tout soupçon.

C’est pourquoi, le Cadre d’échange en appelle à l’esprit patriotique du Président de la Transition, à son sens élevé de l’équité et d’homme assermenté au service de la Nation malienne pour garantir la fiabilité des élections générales à venir par la nomination d’un Premier ministre neutre, compétent et rassembleur.

Le Cadre reste préoccupé par la menace qui pèse sur les libertés d’expression chèrement acquises par notre peuple.

Pour finir, le Cadre estime que le combat pour les acquis de la démocratie au Mali ne doit être un vain mot. C’est pourquoi, il appelle les patriotes et démocrates maliens à se convaincre que la Démocratie est une valeur globale et intégrale. Son expression la plus forte et la plus significative est le vote. Il ne peut avoir d’alternative à la conquête et à la gestion démocratique des pouvoirs que par la voie des urnes. C’est elle qui fonde la République et l’Etat de droit démocratique. Les États de fait ou États d’exception, instaurés à la suite des ruptures institutionnelles ou constitutionnelles sont incapables d’instaurer une gouvernance vertueuse de par leur nature non seulement anti-démocratique mais aussi populiste le plus souvent. Les autorités doivent en prendre conscience. Aussi, en l’absence de tout mandat conféré par le peuple par des voies démocratiques, une transition ne saurait engager celui-ci dans des questions d’avenir. Le péché originel de l’Etat d’exception est son illégitimité. Celle-ci constitue le handicap insurmontable pour la conduite des réformes politiques et institutionnelles, et/ou des projets et programmes d’avenir.