Enlevé le 25 mars 2020 dans la région de Tombouctou, alors qu’il était en campagne pour le 1er tour des élections législatives, l’Honorable Soumaila Cissé, Président de l’URD et chef de file de l’opposition, est toujours aux mains de ses ravisseurs, plus de trois mois après. Si des efforts, à plus d’un niveau, ont été déployés pour obtenir sa libération, plus les jours passent, plus l’attente devient interminable pour sa famille, ses proches et l’ensemble du peuple malien. 100 jours après, les interrogations suscitées par ce rapt inédit restent sans réponses.

 

« Sachez que Soumaila Cissé est en vie.  Nous savons qui sont ses ravisseurs. Des contacts sont établis. Inchallah, il sera de retour parmi nous dans les meilleurs délais ». Cette déclaration du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, le 16 juin dernier au CICB, devant les membres du Cadre d’actions, de médiation et de veille des confessions religieuses et des organisations de la société civile, avait suscité un grand espoir et du soulagement chez beaucoup de Maliens qui attendaient incessamment la libération du chef de file de l’opposition.

Mais l’espoir se transformera de nouveau en inquiétude. Deux semaines après cette annonce, Soumaila Cissé est toujours en captivité. « Bientôt, c’est quand ? ». C’est la question que se posent sans cesse dorénavant les militants et sympathisants de l’URD et des mouvements engagés pour sa libération.

« Quand un chef de famille de la trempe de Soumaila est dans une telle situation difficile, le Président de la République, se disant son frère aîné, doit, s’il ,a des informations rassurantes sur sa situation, les communiquer d’abord à sa famille avant d’en faire une adresse publique », déplore Abdrahamane Diarra, Président de la jeunesse de l’URD, qui précise que, depuis le 16 juin, le Président IBK n’a pris contact ni avec la famille de Soumaila Cissé ni avec l’URD pour leur fournir des informations plus détaillées.

« Je pense que la libération de Soumaila Cissé demande des préalables. Aujourd’hui, qu’on nous montre un signe de vie de sa part, une preuve qu’il est en bonne santé. Sinon, à mon avis, la déclaration du Président de la République ne sera qu’une promesse de plus », renchérit Issa Diallo, Président du mouvement des jeunes URD de France.

Un enlèvement intriguant

À la tête d’une délégation de 16 personnes, comprenant des membres de son parti et se rendant à Koumaira, dans la région de Tombouctou, Soumaila Cissé et ses accompagnants seront attaqués le 25 mars 2020 entre 16h et 17h par des hommes armés, qui les ont kidnappés.

Un groupe de cinq personnes, comprenant deux blessés par balles ainsi que la dépouille du garde du corps de Soumaila Cissé, sera  libéré quelques jours plus tard. Par la suite, dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 avril 2020, huit autres compagnons de Soumaila Cissé recouvreront la liberté.

Quant au maire URD de Koumaira, lui aussi kidnappé dans sa tentative d’établissement de liens avec les ravisseurs, il sera libéré le dimanche 10 mai 2020 sans avoir vu, ni parlé avec, Soumaila Cissé.

Quid des ravisseurs ?

Aucun groupe terroriste sévissant dans la zone de l’enlèvement n’a revendiqué le rapt. Des informations non vérifiables avaient circulé, faisant de la Katiba Macina, notamment des hommes d’Amadou Kouffa, les ravisseurs. Mais elles n’ont jamais été confirmées.

Face à cette situation, certains proches de Soumaila Cissé n’écartent pas la piste d’un enlèvement politique. « Je veux éviter d’accuser qui que ce soit, mais mon père est un homme politique. Il est le chef de file de l’opposition, le principal challenger du président actuel du Mali. Un enlèvement le concernant a forcément un volet politique », confiait son fils Bocar Cissé le 30 avril dernier à la BBC.

Si l’identité des ravisseurs n’est pas connue officiellement, il nous revient d’une source qui a enquêté dans la zone du rapt, à Niafunké, que de nombreuses pistes sont avancées. Mais elles sont difficilement vérifiables, les hypothèses étant souvent très différentes.

100 longs jours d’angoisse

Pour la famille et les proches de l’Honorable Soumaila Cissé, ces 100 jours sans nouvelles du mari, du père, du frère, de l’oncle, du grand-père, sont une très douloureuse épreuve. Contacté, son frère Samba Cissé n’a pas souhaité, visiblement angoissé, s’exprimer sur les dures épreuves que traverse la famille depuis le 25 mars 2020.

Selon Moctar Sy, porte-parole du Collectif pour la libération de Soumaila Cissé et très proche de la famille, c’est une situation difficile pour les enfants de Soumaila Cissé et pour sa femme, Mme Cissé Astan Traoré,  parce que, depuis, certains des enfants sont empêchés de venir auprès de leur mère à Bamako, à cause de la fermeture des frontières.

« N’avoir aucune nouvelle de son père pendant plus de trois mois, c’est insoutenable. Mais la famille garde espoir et elle prie. Les amis et les soutiens que nous sommes restons mobilisés autour d’eux pour traverser cette période difficile et en sortir par le haut », soupire M. Sy.

« Son épouse Astan Traoré Cissé, ses enfants Bocar, Moussa, Mamoudou, Amadoun et ses petits-enfants ont le sommeil hanté et la vie dure depuis plus de 3 mois. Ses frères et sœurs et toute sa famille vivent dans une angoisse indescriptible depuis lors », renchérit Abdrahamane Diarra, pour lequel l’ensemble du peuple malien, « très préoccupé et inquiet »,  réclame le retour du chef de file de l’opposition depuis 100 jours difficiles.

L’exigence d’une libération immédiate

La cellule de crise mise en place par le Président de la République pour coordonner les actions visant à la libération de l’Honorable Soumaila Cissé n’a pas voulu communiquer sur les dernières informations à son niveau sur l’évolution de la situation. Joint par nos soins le 29 juin, son Président, l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga, a indiqué que la cellule travaillait sérieusement et déclaré « nous évitons toute surenchère pour ne pas brouiller nos pistes ».

En parallèle, plusieurs actions, initiées par différents mouvements engagés pour la libération de l’Honorable Soumaila Cissé depuis le lendemain de son enlèvement, dont le Collectif de jeunes et des femmes de l’URD, ont eu lieu à Bamako, à l’intérieur du pays et même dans la diaspora.

La cellule du Collectif, en collaboration avec la société civile et le Club des amis de Soumaila Cissé, a organisé le 26 juin 2020 à Niafunké une marche pacifique pour soutenir toute action allant vers la libération du député de la ville.

Le lendemain, 27 juin, à Paris, la cellule France a quant à elle manifesté symboliquement, à travers une opération dénommée « Coup de poing » devant l’Assemblée nationale française, pour appeler à une libération immédiate du Président de l’URD et à ce que la France, qui intervient au Mali, « ne se taise pas devant une telle situation ».

La barre des 100 jours de captivité atteinte, l’URD intensifie les actions déjà entamées. Le parti de la poignée de mains a élargi désormais le sit-in organisé au Monument de la Colombe à 14 autres carrefours stratégiques du District de Bamako et à Kati. Des caravanes pacifiques motorisées, dans le District de Bamako et à Kati, ont commencé le 30 juin 2020 et dureront jusqu’à dans la matinée de ce jeudi 2 juillet 2020.

Un grand rassemblement pacifique est prévu ce même jour à partir de 14h sur l’esplanade de la Bourse du travail, pour un objectif unique : « la libération immédiate et sans conditions de l’Honorable Soumaila Cissé ». Une libération sans délai très vivement souhaitée.

Germain KENOUVI

Journal du Mali