«La tenue de l’élection présidentielle en juillet au Mali  sera très difficile», a déclaré Romano Prodi, envoyé spécial des Nations-Unies pour le Sahel, lundi dernier, lors d’un débat avec des députés européens sur la situation du Mali. Cependant, il avance que ce scrutin incarne les bases d’une stabilisation du pays ou de la poursuite du chaos. Dans la mesure où l’intervention militaire soutenue par la France n’a pas résolu les autres défis «non-militaires» futurs

Romano Prodi

Romano Prodi

En argumentant, il déclare tenir compte du nombre important de personnes déplacées et des conditions climatiques défavorables. Et il se demande comment on peut élire un  président sans réconciliation entre le Nord et le Sud. Pour Romano Prodi, il s’agit pas pour la communauté internationale de seulement fournir des fonds suffisants pour le développement du Mali, il leur faudra prendre des engagements politiques forts. Cependant Romano Prodi avance que : «Nous devons ranger ce qui est devenu une société fragmentée». L’enlisement au Mali est la grosse crainte de l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahel. Il reconnait que la date de la tenue de cette élection présidentielle est loin de faire l’unanimité au Mali. De nombreuses  interrogations restent, à ce jour,  sans réplique.
Il s’est ainsi référé aux doutes exprimés au sein même des institutions maliennes qui sont chargées d’organiser et de superviser les élections. En effet, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Mamadou Diamoutani, a affirmé que le 7 juillet, date avancée, mais non officialisée par le gouvernement, «est une date difficile à tenir». Ce dernier a renforcé, aussi, en disant qu’il existe des préalables  à satisfaire, citant notamment l’établissement des listes électorales. Quant au délégué général aux élections (DGE), le général Siaka Sangaré, il a indiqué qu’il n’avait pas encore les données nécessaires qui lui permettraient d’établir lesdites listes.
Pourtant, à l’Assemblée nationale, devant les députés qui avaient interpellé le Gouvernement sur cette question de la tenue de la présidentielle au mois de juillet 2013, le colonel Moussa Sinko Coilibaly, ministre de l’Administration territoriale, en charge de l’organisation des élections, se voulait rassurant et avait annoncé que la confection des cartes d’électeurs devait démarrer pour la première semaine de ce mois de mai. Avec quel fichier ? Celui extrait du Recensement à vocation d’état-civil (Ravec) avait-il péremptoirement répondu. Un fichier pas disponible, mais à extraire au moment où il parlait. Cette précision est importante pour mieux faire comprendre les préoccupations de ceux qui doutent, comme Romano Prodi, que la présidentielle puisse se tenir correctement en juillet prochain.
Pour une élection aussi importante que celle qui pointe à l’horizon, procéder à la révision des listes électorales en même temps que le retrait des cartes, comme l’a annoncé le colonel-ministre, n’est ni plus ni moins que le coup d’envoi d’un travail bâclé, source de dérives et contestations.
Alors que, comme Romano Prodi, tout le monde estime qu’une présidentielle bâclée est susceptible d’engendrer une crise politique postélectorale. D’ailleurs, dans ce sillage et celui du président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) qui laissait apparaître son scepticisme quant à la possibilité de tenir cette élection à date indiquée, le président du Haut conseil des collectivités fait part, lui aussi, de ses inquiétudes quant à l’opportunité et la possibilité de tenir la présidentielle au mois de juillet prochain. Il a fait une déclaration en ce sens, le lundi dernier, lors de la cérémonie d’ouverture de la première session de ladite institution.
Du côté de la classe politique, les sons s’avèrent discordants car s’il se trouve des partis politiques pressés de voir Dioncounda et son équipe de Transition déguerpir, espérant les remplacer. Mais il y a aussi des sceptiques parmi les formations politiques dont certaines ont même fait des sorties pour signifier leurs craintes, quant à la date du 7 juillet. C’est le cas du MPR qui s’inquiète de la mobilisation des ressources pour l’organisation des élections, puisqu’à ce jour, la Céni et la DGE attendent la notification de leur budget.
Selon toujours ce parti, le mois de juillet n’est pas propice, coïncidant cette année avec le Ramadan, en plus de la saison des pluies. Ce qui peut influer négativement sur le taux de participation. Ne donne-t-on pas ainsi raison à Romano Prodi ?
Cette série d’interrogations du MPR va dans le même sens que les préoccupations soulevées par la plus grande centrale syndicale du pays, l’Untm de Siaka Diakité, qui a émis des doutes sur la possibilité d’organisation d’un scrutin crédible et transparent à date indiquée. C’était lors d’un débat organisé à la Bourse du travail, à l’occasion du 1er mai, fête internationale du travail.
Le Président français, François Hollande qui se déclare «intraitable» sur cette question, a reçu 5/5 le message de Romano Prodi et que certainement, il se décidera de lâcher du lest car déjà au niveau de certaines chancelleries, on commence à douter sérieusement de la possibilité pour le Mali de tenir des élections sérieuses en juillet prochain. Et une source diplomatique de nous confier que «les autorités maliennes n’ont pas voulu aller à l’encontre de la communauté internationale dont la France en tête, mais la politique du fait accompli est de mise de la part du président de la Transition du Mali, pour obtenir ce qu’il veut car lui et son Gouvernement sont mieux informés de la situation du Mali que quiconque, mais ont peur d’être taxés de vouloir prolonger la Transition en leur faveur».
Cette révélation non moins importante est à mettre en liaison avec des informations circulant dans les salons feutrés de Bamako et les couloirs de l’Administration, comme quoi le mois de juillet ne serait pas indiqué pour la présidentielle.
Rokia DIABATE