La concertation nationale sur la transition, qui s’est déroulée les 10, 11 et 12 septembre 2020, a défini les organes et adopter la feuille de route de la transition. La réunion s’est clôturée par l’ouverture des consultations pour la désignation des personnalités chargées d’animer la transition politique du Mali.

 

Pour réussir ces choix, et éviter de tomber dans des travers regrettables, il faut souhaiter que la concertation ait réussi à instaurer la tolérance et nouer le dialogue entre les Maliens.

Le réel succès de cette concertation sera d’abréger cette forme de revendication corporatiste, clanique ou générationnelle, et surtout lever l’anathème sur les collaborateurs de l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita pour s’accorder sur le profil type de l’animateur de la transition, qui implique d’être en capacité physique et mentale, intègre et de bonne moralité.

L’honnêteté intellectuelle doit incliner les acteurs de la transition à scruter, au-delà de leurs personnes, des femmes et des hommes qui ont marqué leur passage aux affaires publiques par la compétence, l’ardeur au travail et le seul credo de servir. Parce qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain et se poser les bonnes questions sur les sorties brutales du gouvernement des PM Soumana Sako, Oumar Tatam Ly, Abdoulaye Idrissa Maïga, des ministres Ba N’Daw, Malick Coulibaly, Bocari Tréta, Malick Alhousseini, Mamadou Ismaël Konaté et bien d’autres, auréolés de ce fait d’une résistante empathie populaire, toujours attentive à ce qu’ils sont devenus.

Intéressons-nous au cas de Malick Alhousseini et interrogeons un des plus irréductibles opposants au régime défunt, l’honorable Mamadou Hawa Gassama. Nous sommes le 16 octobre 2017, le président de la République reçoit à Koulouba une délégation de notabilités de Yélimané, venus remercier pour la nouvelle adduction d’eau et l’électrification de Yélimané.

L’honorable Gassama, qui n’est pas en odeur de sainteté à la présidence, intègre la délégation et force sa prise de parole pour s’adresser à IBK en ces termes : “Monsieur le président, si vous aviez deux ministres comme Malick Alhousseini, vous allez réussir votre mandat”.

A l’appréhension perceptible d’un honorable Gassama au parloir, objecteur attitré du pouvoir, succède la satisfaction dans la salle des banquets. L’enregistrement de la cérémonie, avec en prime l’intervention de Gassama est rediffusé les jours suivants sur l’ORTM, sur instruction de la présidence de la République.

Qui est Malick Alhousseini ? Titulaire du diplôme d’ingénieur des sciences appliquées, en hydrogéologie, de l’ENI-ABT de Bamako et d’un diplôme supérieur de géophysique de l’Institut géophysique de Lausanne (Suisse), Malick Alhousseini intègre l’administration publique en 1984.

Volontaire des Nations unies, puis expert international en développement des ressources en eaux du Pnud/DDSMS à Ouagadougou (Burkina Faso) jusqu’en 1998, il retourne au pays et est promu conseiller technique au ministère du Développement rural et de l’Eau puis à celui des Mines, de l’Energie et de l’Eau, de 1999 à 2001. Directeur national de l’hydraulique en août 2001, il sera secrétaire général du ministère de l’Equipement et des Transports de mars 2008 à Juillet 2012.

Malick Alhousseini fait son entrée dans le gouvernement, en 2013, comme ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale chargé de la Décentralisation et sera le maître d’œuvre des Etats généraux de la décentralisation, les 21, 22 et 23 octobre 2013.

En 2014, il est nommé expert auprès du Haut représentant du président de la République pour le Dialogue inclusif inter-malien, chef Cellule chargée des relations avec les groupes armés et prendra part aux négociations devant aboutir à l’Accord de paix et de réconciliation, issu du processus d’Alger.

Malick Alhousseini est nommé ministre de l’Energie et de l’Eau le 7 juillet 2016 dans le gouvernement de Modibo Kéita.

Le Chef de village de Bagoundié, époux de Mme Woybery Maïga, professeur en médecine et de Mme Fatouma Touré, directrice de l’ONG Grefa, est père de quatre enfants, utilise entièrement son temps de vie entre la prière, le travail et la lecture, en français, en arabe et en anglais. Point.

Le gouvernement Modibo Kéita, formé le 7 juillet 2016, inaugure le Programme présidentiel d’urgences sociales 2017-2020 destiné à relever le taux d’accès géographique et financier des populations à l’électricité et à l’eau potable.

La stratégie du nouveau ministre est de faire reprendre par EDM sa la gestion de l’électricité de tous les centres contenus dans son périmètre et d’intégrer dans le périmètre de la Somagep tous les chefs-lieux de cercle et localités frontalières du Mali. Ce vaste programme devra commencer par le renforcement du parc de production électrique, en réhabilitant le patrimoine propre d’EDM-SA et accélérant l’exécution des projets d’énergie solaire en cours.

L’importance stratégique de Bamako commande de résorber la crise d’électricité en période de chaleur grâce à la réhabilitation immédiate du parc de production électrique, laissé en désuétude au profit d’un très onéreuse deal de location de groupes. Ainsi, le Ministre vivifie l’axe énergétique Bamako-Abidjan-Dakar-Nouakchott pour acquérir une puissance supplémentaire de 65 MW.

Dans le cadre d’un programme de constitution d’une puissance domestique suffisante à soutenir l’expansion d’EDM sa, le Département entreprend la réalisation de centrales thermiques à Sirakoro, Sanankoroba, Dialakorobougou, Kambila, Bamako et Sévaré (Mopti) et des centrales hydroélectriques de Sotuba, Kénié et Gouina dans le cadre de l’OMVS ainsi que des centrales solaires à Ségou, Kita, Kati, Sikasso et Koutiala.et entreprend dans le cadre de la coopération avec l’Algérie l’installation d’une centrale à Bamako.

Un programme ad hoc de diligence des projets structurants fait l’objet d’un suivi permanent au cabinet du Ministre, comprenant la réalisation des lignes haute tension Manantali-Kita-Kati (projet Manantali II dans le cadre de l’OMVS), de l’interconnexion Guinée-Mali et Ghana-Burkina-Mali (via Sikasso).

Egalement, le Ministre va prendre personnellement en mains les projets de centrale Albatros de Kayes, pour soutenir l’activité minière dans la région, la centrale solaire de Kita pour rendre la localité compétitive dans le cadre de la production d’arachides et d’anacardes ; les centrales solaires de Ségou, de Koutiala, de Kati pour asseoir l’industrialisation de ce périmètre, pôle par excellence de la culture céréalière et de la transformation du karité.

La philosophie du nouveau ministre, dans le contexte de la mission nationale de relever le taux d’accès à l’électricité et à l’eau potable, de manière à en faire bénéficier immédiatement les usagers partout au Mali et au même prix, il faut sortir du confort des bureaux et aller à rencontre des populations et des acteurs de l’eau et de l’énergie. Dès lors, l’homme ne passa pas une semaine à Bamako, où il ne revient que pour assister au conseil des ministres et retourner aussitôt sur le terrain.

Ainsi, à Kidal où il se rend en visite du 26 au 28 novembre 2017, l’eau et l’électricité sont rétablis dans la ville et les agents de la Somagep et d’EDM sont le premiers cadres maliens à y retourner (ca ne se dit pas souvent) depuis la crise née de la visite précédente du PM Moussa Mara.

Dans la région de Gao, les localités de Bourem et Ansongo sont électrifiées. La localité frontière de Labbezanga, dont le triste sort de manque de courante et d’eau pique le Ministre au vif, est électrifiée et dotée d’un réseau d’adduction d’eau potable pour faire bonne figure face à Ayerou, de l’autre côté de la frontière au Niger..

Une tournée auprès des bailleurs de fonds du projet hydro-électrique de Taoussa, à la Bid, à l’Opep, à la Badéa, au Fonds saoudien, au Fonds koweitien, au Fonds d’Abu Dhabi, à la Boad à Lomé permet de sauver in extremis le capital du projet et le Ministre fait reprendre les travaux à Taoussa, en août 2017, après avoir passé trois nuits dans la localité, à 35 km de Gao, abandonnée en même temps que le projet, depuis le lancement des travaux le 6 février 2010 par le président ATT.

Dans la région de Tombouctou, une centrale électrique neuve est inaugurée à Tombouctou, ainsi qu’à Gourma-Rharous, avec une extension prévue pour la localité de Gossi (Gao), en raison du trafic routier intense qui y existe.

Dans la région de Mopti, l’électricité est desservie en continue pour la première fois depuis l’indépendance à Mopti et Sévaré. Les localités de Koro, Bankass, Bandiagara, Konna, Soufouroulaye sont dotées de système d’adduction d’eau et munies de mini-centrales.

A Ségou, les localités de Niono et Tominian ont de nouveaux systèmes d’adduction d’eau potable pendant que la zone Office du Niger, à partir du Point A, y compris Sukala sa, sont raccordées au réseau électrique d’EDM-SA.

A Sikasso, l’adduction d’eau potable de Missirikoro est inaugurée et au même moment sont lancés les travaux de construction de la liaison 225 KV Sikasso-Bougouni-Sanankoroba-Bamako. Les localités de Kolondiéba  et Kadiolo sont intégrées au réseau d’EDM-SA et de la Somagep pour une desserte régulière en eau potable et électricité. L’électrique est étendue à Zégoua.

Dans la région de Koulikoro, les cercles de Banamba, Kolokani et Nara et Kangaba sont dotés, pour la première fois depuis l’indépendance, de courant et de système de distribution d’eau potable.

Dans la région de Kayes, la ville de Kayes et Nioro bénéficient de nouveaux systèmes d’adduction d’eau. Yélimané est dotée d’une centrale électrique et d’une adduction d’eau, attendues depuis 1960. Koniakary est électrifiée. Le Ministre devant la situation dramatique de la localité frontalière de Gogui, qui voit le trafic se concentrer à Kobenni, sa ville jumelle frontalière de Mauritanie, engage un plan d’actions d’urgence d’électrification et d’eau, abandonné dès sa sortie du gouvernement. La diaspora de Gogui, très dynamique, témoignera.

De ce qui précède, le rapport 2017 du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREED) constate que “la qualité du service public de l’électricité a été améliorée… y compris en milieu rural. Des actions majeures ont été engagées pour l’électrification des chefs-lieux de cercle et des villes frontalières identifiées dans le cadre des visites effectuées à l’intérieur du pays par le ministre de l’Energie et de l’Eau (ndlr Malick Alhousseini”.

Pourquoi un tel serviteur de l’Etat a-t-il été éjecté du gouvernement ? Est-ce que l’honorable Gassama a commis l’erreur dont prévient le Pape Pie X : “On n’applaudit pas le serviteur dans la maison de son maître”. Est-ce l’affaire du marché des travaux de construction de la liaison 225 KV Sikasso-Bougouni- Sanankoroba-Bamako à la conclusion duquel, contre vents et marées, Malick Alhousseini a fait économiser à l’Etat malien près de 50 millions de dollars, sur les 150 millions de dollars du prêt indien pour la réalisation du projet ? L’une et l’autre affaire semblent avoir perdu l’homme dans le marécage d’une gouvernance licencieuse, parce que dans ce marché, une certaine famille et leurs thuriféraires avaient déjà projeté de partager le “butin”.

Hélas, les acquis du programme d’urgences sociales dans le domaine de l’énergie et de l’eau sont tombés en obsolescence ; des services d’eau et d’énergie sont à l’arrêt : Gao, Bourem et Ansongo. Le projet Taoussa est en hibernation, les successeurs de Malick Alhousseini ne sachant surement même pas situer Taoussa sur une carte géographique. Les périodes de pointe 2019 et 2020, marqués par le confinement des bamakois dans une promiscuité à l’atmosphère d’un camp de concentration, ne se seraient pas passés ainsi si le plan de gestion de la pointe initié par le ministre Malick n’avait été abandonné.

A la croisée des chemins, le Mali se doit de faire appel aux meilleurs de ses fils, pour réussir le sursaut politique, économique et social.

Salam Maiga

La Lettre du Mali