Les extrémistes violents ou djihadistes, qui écument le nord et le centre du Mali, ont en commun de semer la terreur chez des populations, non adeptes des pratiques rigoristes de l’Islam, qu’ils se donnent comme mission d’imposer. C’est ainsi qu’on qualifie de terroristes, leurs actes consistant à user des moyens meurtriers : attentats, kamikazes, mines anti personnelles, engins explosifs improvisés, assassinats ciblés. A ceux-ci s’ajoutent les applications de la charia : les amputations, la flagellation et autre lapidation.

Au regard du plus grand nombre de la population malienne, musulmane dans sa majorité écrasante, ces coups corporels ne sont pas différents des attaques et attentats terroristes dont la motivation se trouve ailleurs que dans l’Islam, qui est une religion de paix et de tolérance, et non de violence.

N’est-ce pas le message largement partagé par les leaders religieux du Mali ? Qu’il s’agisse de l’Imam Mahmoud Dicko, de Chérif Ousmane Madani Haïdara (ancien et actuel président du Haut conseil islamique) ou de notre père Mohamed Ould Cheikh Hamahoullah, dit Bouyé Haïdara de Nioro.

Cependant, avec le terrorisme qui a eu la faculté d’instrumentaliser la religion et des groupes communautaires, notre pays est en proie à la division et à l’embrasement. Il suffit de peu pour attiser le feu du conflit religieux, alors que le Mali est jadis un exemple de dialogue inter-religieux où coexistent pacifiquement musulmans, chrétiens, et toute autre croyance prônant la paix, conformément à la disposition constitutionnelle de la République laïque, qui implique que chacun respecte l’autre avec sa conscience, son culte. Mais s’attaquer à la religion de l’autre, à sa divinité, son prophète ou à son livre saint, est un blasphème à bannir sous nos cieux. Si cela arrive dans notre pays, agissons avec lucidité, en lisant bien l’acte, le message, le timing de l’acte, les évènements qui meublent l’histoire récente de notre pays, confronté à des défis internes, internationaux et géopolitiques.

Le Mali de la transition, essayant de rompre la chaine de la servitude politique et économique, a résisté aux sanctions politiques, économiques et financières, qui n’avaient d’autres objectifs que de l’effondrer. Mais d’autres cordes existent dans l’arc du vis-à-vis, qui n’hésiterait pas à les utiliser. La situation ne sera pas du tout repos et tous les Maliens devraient être préparés en conséquence après les affronts infligés à l’ex puissance coloniale, ou l’ancien maître : l’affront diplomatique par l’expulsion de l’Ambassadeur de France au Mali ; l’ultimatum lancé à l’armée française, pour le départ de Barkhane et contre le survol du territoire malien, avec menace d’agir ; la détention des 46 soldats ivoiriens, comme des présumés mercenaires à la solde de l’Occident ; enfin la plainte du Mali contre la France accusée de fournir des renseignements et des armes aux djihadistes…

C’est assez de défis lancés à l’ancienne puissance coloniale, pour espérer savourer quelque temps de répits sur le front de l’indépendance et la souveraineté nationales. Mais en le faisant, les autorités maliennes pensent ainsi soigner le mal à la dignité et à l’honneur dont ont souffert le Mali et les Maliens dans le concert des Nations. Mais, elles n’ignorent pas que concomitamment plusieurs fronts ont été à la fois ouverts contre le plus grand partenaire, l’ex puissance coloniale, qui de son côté, ne manquera pas d’user de tous les moyens pour faire revenir à la raison, le partenaire qu’il a toujours considéré comme un faible, à tenir par la main et à diriger les pas pour qu’il ne se jette pas dans la gueule du loup. Un rapport paternaliste et infantilisant, pense-t-on de plus en plus en Afrique où les populations sont remontées contre la « junte française » (expression du Premier ministre par intérim Abdoulaye Maïga à la tribune des Nations-Unies) au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire. En effet, face à la complexité, au danger et à l’ampleur des défis assumés par le Mali, les Maliens doivent être assez avertis et s’attendre à toutes les éventualités, car l’adversité pouvant surgir là où on l’attend le moins, sous toutes les formes possibles, avec comme objectif prioritaire : semer le trouble, le désordre, la confusion, déstabiliser la transition et régler des comptes. Pour atteindre cet objectif, l’échelle courte serait de mettre dos à dos les groupes religieux, les communautés entre elles, les acteurs dans les secteurs vitaux, les travailleurs et l’Etat. Heureusement que l’armée reste soudée et ne montre aucun signe de lassitude ou de fissure par laquelle, l’ennemi n’hésiterait nullement à s’engouffrer.

Attention, les Maliens doivent faire gaffe et s’unir fermement, mettre en avant le Mali, devant chaque signe avant-coureur d’une menace à l’unité nationale et la cohésion sociale. Car, qui ne sait pas aujourd’hui que notre pays court un risque de disparition dans sa forme actuelle ? Ou alors, sommes-nous prêts à faciliter la tâche aux djihadistes armés de fusils et ceux autrement engagés dans nos grandes villes, en offrant sur un plateau d’argent ce qu’ils veulent imposer par la force : un Etat islamique, qui est gouverné suivant les préceptes du livre Saint ? Le choix de tous les oulémas du Mali est-il cela, et sommes-nous en phase avec les djihadistes contre lesquels nos FAMa sont engagées en payant un lourd tribut ? La réponse est non, car quel leader religieux au Mali ne reconnaît pas la République du Mali laïque. J’ai écouté un message fédérateur et cohérent du président du Haut conseil islamique, qui demande à patienter pour laisser le gouvernement gérer la question. Ne dit-on pas que les autorités du pays détiennent une part de représentativité de l’autorité divine sur terre, et pour la gestion de laquelle elles seront jugées ? Réfléchissons-y ! Une question spirituelle doit recourir à l’esprit et non aux armes pour être définitivement réglée. Agissons donc la tête froide, même si nous avons le cœur chaud, comme dirait le professeur Ali N. Diallo.

B. Daou

Source: Le Républicain