Le programme «un Malien, un masque» est une exhortation à se couvrir le nez et la bouche pour se protéger contre le Covid-19. Les fabricants locaux sont appelés à se retrousser les manches, afin de concrétiser ce projet présidentiel

 

Le président de la République exhorte au port du masque contre un virus invisible aux conséquences bien trop visibles. Des arguments scientifiques attestent au fur et à mesure que la connaissance du virus SARS-CoV-2 se précise que les gestes barrières peuvent être, en effet, efficacement complétés par le port d’un masque, même en tissu. Ce morceau d’étoffe placé à la bouche et au nez par une sangle permettrait d’absorber les gouttelettes potentiellement contaminées.
Problème : à mesure que le Covid-19 se propage à travers le monde, les masques deviennent l’objet de toutes les convoitises. Aux tarifs de plus en plus élevés sur le marché international, s’ajoute le risque de ne pas recevoir ses commandes. La course au sésame est sans pitié. Notre pays opte alors pour la production locale. Le président Ibrahim Boubacar Keïta a, en effet, jeté son dévolu sur les entreprises locales de textiles pour rendre les masques disponibles pour tous. Le Programme «un Malien, un masque» est lancé, avec à la clé une commande de 20 millions de masques qui sera très bientôt livrée.
Le gros de la production locale sera fait par la Comatex. «On a été saisi pour fabriquer 3 millions de masques. Mais, il reste des détails à définir», confie Bonifa Diarra, directeur régional de la Compagnie à Bamako. En plus de cette usine, les petites entreprises pourraient mettre à contribution leur expérience.
En effet, nombre d’ateliers de couture s’étaient déjà mis à fabriquer des masques, portés par le sens des affaires ou tout simplement par la volonté de venir en aide aux concitoyens. Offrant ainsi une large gamme de masques «artisanaux» à ceux qui ne peuvent s’en offrir à prix d’or dans les pharmacies : 5.000 Fcfa pour un masque périmé au bout de trois heures !

Hawa Meïté fait partie des premiers à avoir flairé le filon, bien avant l’apparition du coronavirus dans notre pays. Mais bien plus que pour le profit, cette figure de la mode malienne s’est lancée pour rendre service à la communauté. Les masques lavables et réutilisables confectionnés dans son atelier, à Missira, sont gratuitement offerts aux démunis, un peu partout à travers la capitale. Depuis le 23 mars dernier, dans cet atelier, les aiguilles des machines à coudre ne crépitent plus que pour produire des masques. Les tailleurs ourlent ainsi chaque jour des centaines de morceaux de coton découpés dans des tissus faits sur place. La styliste dispose, en effet, d’un atelier de tissage.
Dans une complicité parfaite, l’équipe a fabriqué plusieurs centaines de masques. Tous distribués gratuitement dans les marchés, les familles, dans les rues… «On ne peut pas vendre, car l’objectif  est de sauver des vies», explique Meïté, qui se soucie surtout des «familles démunies, où les gens ont déjà du mal à s’assurer quotidiennement les trois repas». Mais puisque même ceux qui ont les « moyens » s’intéressent à ces produits, elle a alors décidé de les mettre à contribution pour faire face aux charges liées à la production.
«Grâce à Meïté, beaucoup de gens arrivent aujourd’hui à se protéger contre le Covid-19», apprécie Yacouba Coulibaly. Comme lui, plusieurs habitants du quartier, dont une dizaine d’enfants, ont été dotés hier en masques et kits de lavage des mains.

D’autres figures de la mode se sont mises à en fabriquer, à l’instar d’Esther Kamatari, ex-mannequin installée à Bamako. La Burundaise fait désormais coudre des masques de protection pour son pays d’adoption, le Mali. Mimi Pédro, à Badalabougou, apporte également sa pierre à l’édification des remparts contre le Covid-19. Le masque, même «artisanal» constitue en effet une barrière contre la propagation du virus. « Une barrière efficace pour tous », selon le chef de l’État qui a d’ailleurs salué l’exemple de ces « femmes qui mettent le masque pour aller au marché». Mais aussi ces passagers qui mettent le masque pour prendre les transports en commun.
Cependant, les masques «artisanaux» ne rassurent pas tous. Certains hésitent encore, préférant des masques à usage unique fabriqués en Europe ou en Chine. Quitte à les utiliser bien plus longtemps que les trois heures recommandées. «Les masques promis par le chef de l’État seront certainement de bonne qualité. Car, tous les masques ne se valent pas!», espère Mohamed Sangaré. En attendant, son compagnon, Adama Sidibé, décide d’en acheter sur la voie publique. «Mais, c’est sans garantie parce que les gamins touchent ces masques et les traînent à longueur de journée», dénonce-t-il, le regard figé sur Seydou Diarra. «500 Fcfa l’unité», crie, toute la journée, le garçon en transpirant derrière son masque, bravant les gaz des pots d’échappement, la chaleur accablante, les chauffards impatients et… le coronavirus. Il vend des masques en tissu qu’il achète par lot de 12 au Grand marché.
Au rond-point du Grand hôtel, d’autres vendeurs proposent divers masques à des prix qui vont de 500 à 2.000 Fcfa. Tout se joue parfois sur un détail : le design ou la couleur. Les clients ne manquent pas. Chacun estime qu’aucune barrière, même imparfaite, n’est à négliger. Surtout dans une ville comme Bamako, où les lieux de rassemblement sont nombreux et la promiscuité permanente : dans les mosquées, mais aussi et surtout dans les minibus Sotrama, où les passagers sont collés les uns aux autres.

Issa DEMBÉLÉ

 

MODE D’EMPLOI

Sur la question des masques en tissu, Dr Bourama Traoré, responsable des matériels Covid-19 à l’hôpital dermatologique de Bamako, rassure : « Ils peuvent être utilisés pour se protéger et protéger les autres.» Cependant, leur fabrication doit répondre à des normes portant notamment sur la dimension qui doit être de 20 cm. Un masque doit en effet couvrir suffisamment le nez, le menton et les deux joues. Les deux cordes élastiques doivent également faire chacune 20 cm de longueur. S’agissant de la matière, le coton est le tissu recommandé par les spécialistes pour la confection. Il peut être renforcé, de l’intérieur, par un tissu en viscose.
Si l’efficacité du masque est une chose, une autre est de savoir le porter, l’enlever ou le nettoyer. Selon Dr Bourama Traoré, «il faut toujours se laver les mains au savon avant de toucher le masque. Et lorsqu’on le porte, il faut le tenir par l’élastique et l’ajuster par ses bornes supérieures et inférieures». L’utilisateur doit s’assurer qu’il n’y ait pas d’ouverture au niveau du menton et le nez. Mêmes gestes pour enlever le masque. « Il ne faut jamais toucher le tissu, qui est censé retenir les gouttelettes contaminées », conseille le spécialiste qui ajoute que le masque, après avoir l’enlevé, doit être conditionné dans un sachet plastique, en attendant de le laver. Normalement, il doit être désinfecté avec l’eau de Javel diluée à 0,5%. On y trempe le masque pendant 10 à 15 minutes. À défaut, on peut utiliser les savons en poudre, communément appelé « omo mougou». La désinfection doit être faite tous les jours.

I. D.

Source : L’ESSOR