Les violences à caractère sexuel sont fréquentes dans notre société mais elles ne sont pas, généralement, portées sur la place publique. Du fait de la pudeur qui les entoure le plus souvent. Surtout quand il s’agit d’un acte qui concerne un parent et son enfant. à l’occasion de la Journée de la jeune fille, nous racontons un cas poignant

Le viol est assez traumatisant, aucune victime ne vous dira le contraire. Mais être violée par son géniteur est encore plus répugnant. C’était le vécu, il y a moins d’un mois, de celle que nous dénommons Assita pour ne pas dévoiler son vrai nom. Dans un quartier périphérique de la capitale, Assita, âgée de 15 ans, vivait avec son père, et son petit frère de 6 ans. Tous dans une chambre unique « entre-coucher ». Les nuits tombées, au moment où les autres enfants étaient dans les bras de Morphée, sous l’œil bienveillant de leurs parents, Assita était dans le supplice du fait de son père. Oui celui-là même qui lui a donné la vie. Sous la menace, il abusait d’elle. La jeune fille a bien tenté de résister, elle n’avait ni l’énergie, ni la force de se défendre.

Ce supplice la rongeait à vu d’œil. Elle était devenue une jeune fille dégingandée, mal fagotée et peu sûre d’elle. Elle allait toujours le regard figé, la tête baissée. Et ne faisait guère son âge. La peau sur les os. Pas de sein ni de fesses, ni même la taille pour attirer le regard des garçons. Mais son violeur de père n’avait guère de scrupule à assouvir ses pulsions.

D’une voix sobre, la jeune fille confie : « Je ne sais pas depuis quand cela a commencé mais ça fait longtemps. Au début, c’était des attouchements ». Assita a dû avaler la couleuvre par crainte ou par obeissance, jusqu’à ce qu’elle attrape une infection urinaire assez grave. C’est cette maladie qui l’a poussée à se confier à une dame qui partage la même cour que le père incestueux et ses enfants.

Cette dame avait toujours eu le soupçon d’inceste de la part de l’homme. Mais n’ayant pas la preuve, elle n’a pas jugé bon d’entreprendre quelque action que ce soit. « Ce qui m’a le plus tiqué dans cette histoire, c’est que les autres enfants sont relaxes en présence de leur papa, mais pas Assita. Je la voyais tout le temps triste et mélancolique. Je me suis mise à l’interroger mais vain », témoigne la dame qui ajoute qu’elle comprenait le mutisme de la jeune car celle-ci était menacée de mort, si jamais elle venait à s’en ouvrir à quelqu’un.

La confession de la jeune fille est venue confirmer les doutes de la voisine qui l’a fait savoir à son mari. Ce dernier n’a pas perdu de temps. Il a conduit la fille à la police. La pauvre est actuellement en lieu sûr. Après les interrogations, elle a eu droit à une attestation dûment signée par un médecin qui prouve qu’elle souffre bien des infections urinaires virulentes. Elle ne pouvait pas garder l’urine longtemps. Le père, après s’être présenté à la police où il a tout nié à bloc, a fini par prendre la tangente.

MAMAN INDIGNE- Mais Assita n’était pas toujours au bout de ses peines. Quand sa mère a appris les nouvelles, elle s’est montrée très menaçante. Elle qui n’a su ni voir ni entendre le calvaire de sa fille, vocifère : « Je te renierai, si jamais tu ne reviens pas sur les accusations contre ton père. » Selon les explications de la maman, sa fille avait fugué. Par crainte de se faire réprimander par son père, elle a raconté des sornettes sur lui. Mais celle qui héberge présentement Assita ne croit pas un seul mot des explications de la mère. « C’est le comble, s’indigne-t-elle. Elle se soucie plus de l’image de la famille que de la stabilité de sa fille. à quoi ça sert d’essayer de préserver un honneur déjà bafouillé ? »

La tutrice met en doute le sens de dignité de la maman. Elle l’accuse en partie d’être responsable de cette situation. « Après son divorce avec le père de ses enfants, la dame s’est remariée et a fait deux autres enfants. Mais elle a gardé un lien avec son ex-mari, révèle-t-elle. De temps en temps, elle passait trois à quatre jours chez lui. C’est sûrement pour cette raison que ce dernier n’a pas jugé nécessaire de se remarier. à son absence, l’homme prenait la fille ».

Sans doute, Assita trainera les séquelles de ce traumatisme tout au long de sa vie. La jeune fille n’a jamais mis pied à l’école, pas d’amies, ni de distraction. Sa vie se résumait à préparer le repas, faire le ménage et s’occuper de son petit frère. Heureusement que sa tutrice œuvre déjà pour l’inscrire dans un cours de coupe et couture.

« Avant tout, on va devoir l’amener voir un psychologue, pour qu’elle reprenne ses esprits, afin qu’elle se reconstruise », explique la bonne dame au grand cœur. Qu’est-ce qui peut amener un homme à vouloir aller avec sa fille ? Selon l’avis d’un psychologue, cette pratique, est une effroyable réalité qui se vit chez nous comme dans tous les pays. Très souvent ce sont les adeptes des pratiques mystiques, les adhérents des sectes pour le bien matériel ou la renommée, aussi les déficients mentaux. Il y a aussi ceux qui souffrent de problèmes d’érection et qui ne sont pas incapables de tenir une femme. Ils se contentent des enfants, sans exclure les leurs.

Pour notre spécialiste, l’inceste n’est pas une action mais le résultat d’un ensemble de système de négligence, de déficience mentale, et de silence. Pour Dr Abdramane Coulibaly, le fait de subir un inceste a de multiples conséquences, sur la santé de la victime mais aussi sur le comportement et sur la vie affective, sexuelle, et même professionnelle.

Sur le plan mental, la victime souffre de l’amnésie, de troubles du sommeil, du stress, de l’anxiété, de la dépression. Cela se solde par d’une grande perte d’estime de soi, des phobies, des idées suicidaires. « Une victime sur deux, tente de se suicider. Certains par le surdosage de médicaments, d’autres se jettent dans l’eau ou à travers le balcon », précise Dr Abdramane Coulibaly.

PAS DE SURSIS- Le psychologue souligne aussi que les victimes se font remarquer également par leurs comportements, car elles éprouvent une forte peur pour dire non. Elles sont instables dans leurs faits et gestes et fragiles mais peuvent se montrer soudainement agressives. Pour le Dr Coulibaly, il faut aider les victimes à se reconstruire au lieu de les stigmatiser. « De janvier à aujourd’hui, j’ai eu 37 cas au niveau de mon cabinet. Les albinos sont les plus touchées », révèle le psychologue qui ajoute que les incestueux, quant à eux, changent très souvent de lieu d’habitation parce qu’ils deviennent la risée de tout le monde.

L’imam, Alhousseni Diakité, rappelle que le viol et la fornication font partie des plus grands pêchés. Il souligne que l’inceste est vivement condamnée par les saintes écritures qui interdisent le mariage avec certaines personnes : le père, la mère, leurs conjoints, les frères et sœurs de sang ou germain.

Par ailleurs, les victimes d’abus sexuels peuvent compter sur le soutien de l’Association pour le progrès et la défense de la femme (APDF). La présidente, Mme Diawara Bintou Coulibaly, assure que son association œuvre à remettre les victimes des violences basées sur le genre dans leurs droits. « La victime d’abus sexuel qui se présente immédiatement après le fait, est examinée par un médecin afin d’attester qu’elle a été agressée.

Le cas de viol, on le règle par deux méthodes soit par la médiation, soit par la juridiction. Tout dépend de la volonté de la victime. Mais si la victime est mineure ou si la mineure est enceinte, là il n’y a pas de médiation possible. L’auteur est poursuivi pour attentat à la pudeur, car on estime que le mineur n’a pas de consentement », explique la présidente.

Rien qu’en 2020, l’APDF a enregistré plus de 370 cas de VBG de tout genre. Cette année de janvier à aujourd’hui, plus de 400 cas.

Mme Dembélé Aichata M’Baye est juge d’instruction en Commune IV. Elle explique que l’inceste n’est pas réprimé dans le Code pénal en tant que tel. Mais le viol, la pédophilie, la débauche et l’attentat à la pudeur sont des infractions à caractère sexuel, prévues par l’article 244 qui tient compte de l’inceste. Il est défini comme un acte à caractère sexuel contraire aux mœurs tenté ou exercé intentionnellement sur une personne par les ascendants.

L’article concerne aussi ceux qui ont l’autorité directe sur l’enfant. « L’inceste demeura longtemps méconnu dans la société, puisqu’il est très rare qu’une fille porte plainte contre son père ou son frère vu la nature de l’acte. De ma prise de fonction à nos jours, je n’ai pas eu à étudier un cas », témoigne la juge.

Si la victime est âgée de plus de 15 ans, la loi prévoit 5 à 10 ans de réclusion criminelle. Si elle est au dessous de 15 ans, la peine est de 5 à 20 ans. Selon la juge d’instruction, dans les affaires d’inceste, la loi n’autorise pas les juges d’accorder le sursis, compte tenu de la gravité de l’acte.

Maïmouna SOW

Source: Essor