Dix huit jours après sa déclaration fracassante, ses accusations contre Nouhoum Tapily, le président de la Cour suprême du Mali, Mamadou Sinsy Coulibaly, le président du Conseil national du Patronat du Mali (CNPM) reste dans la posture du chasseur qui garde ses munitions de chasse d’éléphant, attendant le moment décisif pour en faire usage.

Celui qui a choisi de se plaindre devant l’opinion publique, s’il a dit les fautes qui sont l’objet de sa déclaration (corruption, meurtre, arnaque, racket des entreprises…), depuis le 15 mars 2019, Mamadou Sinsy Coulibaly n’a toujours pas décliné les faits proprement dits incriminés, que le juge Tapily aurait commis. Ces faits que Nouhoum Tapily aurait commis restent toujours secrets pour l’opinion publique. Et aussi longtemps qu’ils le seront, les déclarations de Mamadou Sinsy Coulibaly faites à la conférence débat sur la corruption, le 15 mars au CNPM peuvent contenir les germes d’une dénonciation calomnieuse ou celle d’une diffamation. Et le nommé Nouhoum Tapily, président du dernier degré de juridiction nationale (cassation) n’a même pas bénéficié de la moindre présomption d’innocence ; le président du patronat, Mamadou Sinsy Coulibaly jouissant d’une assez grande crédibilité, inversement proportionnelle au stéréotype de corrompu qui est malheureusement entretenu et accrédité par le comportement de certains magistrats.

Le bureau de la Cour suprême dans un communiqué du 18 mars, reproche au président de la CNPM d’« attenter à la vie privée, à la dignité et à l’honorabilité » du Président de la Cour suprême. On apprend ensuite auprès de la cour suprême, que Nouhoum Tapily a porté plainte le lundi 25 mars 2019 auprès du procureur du tribunal de la commune IV, pour laver son honneur trainé dans la boue. Pour le président de la cour suprême, Nouhoum Tapily, il y a eu « outrage à magistrat et menaces », et la justice doit trancher. Mais pourrait-elle aller dans ce sens, quand on sait qu’un célèbre avocat, qui plus est ancien ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Me Mohamed Ali Bathily, vient de témoigner publiquement sur un présumé meurtre commis par Nouhoum Tapily, en y précisant le nom de la victime et le lieu. Que fera le juge ?

Mamadou Sinsy Coulibaly a accusé le président de la cour suprême du Mali, Nouhoum Tapily d’être un « fonctionnaire des plus corrompus, des plus dangereux, un meurtrier reconnu de tous, un arnaqueur notoire, un racketteur qui a racketté nos entreprises, un individu infâme qui foule au pied la vertu, l’honneur et la dignité ». Me Mohamed Ali Bathily, ancien ministre de la justice confirme. « Je voulais le relever de ses fonctions, mais le Président de la République s’y est opposé », a confié l’ancien ministre de la Justice Garde des Sceaux.

Au Mali, personne ne doute du fléau dévastateur que constitue la corruption pour toute entreprise de développement, notamment les petites et moyennes entreprises. C’est également un facteur de démobilisation dans l’administration, le travail étant moins payant que les astuces de corruption généralisée.

La justice malienne a perdu la confiance des populations, et la cour suprême du Mali ou cour de cassation, qui est le dernier degré de juridiction, la somme de tous les espoirs pour être le « redresseur des torts », est loin d’être au dessus de tout soupçon, c’est l’ultime étape de la trahison contre la justice, et donc contre le peuple malien, indiquent plusieurs interlocuteurs interrogés.

Toutes les tentatives, dans l’histoire du Mali, de lutte contre la corruption ont été vouées à l’échec, et le phénomène de la corruption s’en sort toujours plus ragaillardie. Le Président IBK avait déclaré l’année 2014, année de lutte contre l’impunité, la corruption et la délinquance financière. « Je ferai de la lutte contre l’impunité, la corruption et la délinquance financière mon cheval de bataille. Je l’ai dit et je le ferai…», avait dit IBK. Les fameuses promesses du Président IBK n’ont pas eu un meilleur sort que les précédentes aventures, toutes dans les placards de l’histoire, comme l’opération taxi sous la première République, la Commission nationale de lutte contre les crimes de détournement des deniers publics et d’enrichissement illicite, sous la deuxième République. La troisième République a connu ses fortunes diverses ; l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI) a-t- elle fait mieux que le Bureau du Vérificateur Général (BVG) ou la Cellule d’Appui au Service de Contrôle de l’Administration (CASCA) ?

Si les initiatives de l’Etat échouent toujours, place aux initiatives privées de lutte contre la corruption. La dénonciation publique, comme celle que vient de faire Mamadou Sinsy Coulibaly peut-elle fructifier ? On ignore pour le moment quelle est la stratégie de la CNPM, mais il bénéficie du crédit de la longue expérience de son président dans le milieu des affaires. Mamadou Sinsy Coulibaly parviendra-t-il à pousser Nouhoum Tapily à la démission ? Pour l’histoire, Tapily doit parvenir à convaincre qu’il n’est rien de toutes ces qualifications qui le décrivent. Et la plainte aura pour suite d’amener le patron des patrons à être plus explicite dans ses accusations. Toutefois, quand il s’agit du dossier de lutte contre la corruption, ce dossier éveille l’espoir de tout un peuple pour voir ce grand mal vaincu à travers une quelconque incarnation. Il n’y a de dignité que de lutte sans merci contre la corruption, et Mamadou Sinsy Coulibaly s’est dédié à cette lutte, quel engagement !

  1. Daou

 

Source: Le Républicain