Le dossier sur la prétendue tentative de déstabilisation de l’Etat impliquant plusieurs personnalités, notamment Mahamadou Koné, Vital Robert Diop, Souleymane Kansaye, Aguibou M. Tall, Dr Boubou Cissé, Sékou Traoré et le célèbre chroniqueur Youssouf Mohamed Bathily alias Ras Bath est devenu est un véritable caillou dans la chaussure des autorités militaires de la Transition.

En effet, comme annoncé à l’issue de l’audience du 16 février dernier sur la demande de mise en liberté des détenus au cours de laquelle l’Avocat général avait plaidé pour la nullité de la procédure, la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako devait en principe prononcer son délibéré le mardi 23 février dernier. Contre toute attente, le délibéré a été finalement rabattu au 2 mars prochain pour une nouvelle composition de la Cour, selon des sources proches du dossier, comme par coïncidence les juges ayant assisté aux débats lors de l’audience du 16 février dernier ont tous reçu leur notification de mutation.

Cette décision de rabattre le délibéré pour une nouvelle composition tout en procédant à la réouverture des débats prévue pour le 2 mars 2021 est diversement interprétée par des spécialistes du droit qui ont bien voulu satisfaire notre curiosité. Tandis que les uns estiment qu’à travers une telle décision, les compteurs sont désormais remis à zéro, les autres pensent que la nouvelle Cour qui sera composée pour la circonstance ne reviendra pas sur les débats de fond. L’avenir nous dira lequel des deux positions aura fait la bonne lecture de cette étape inattendue dans le dossier de la prétendue tentative de déstabilisation de l’Etat, un dossier aux relents plus politiques que judiciaire. Et le réquisitoire du Procureur, avec des arguments tirés par les cheveux, prouve encore à suffisance qu’il y a une odeur politique dans cette affaire.

Pour les premiers, la Chambre d’accusation devrait en état de cause vider sa saisine parce que les avocats des inculpés sont demandeurs à l’appel interjeté aux différentes procédures, notamment celle contre le refus du juge d’instruction de remettre en liberté les personnalités détenues dans cette affaire dite de déstabilisation de l’Etat.

En plus, il y a un recours en annulation de la procédure suite à la constatation de plusieurs irrégularités depuis l’interpellation des mis en cause par la Sécurité d’Etat, leur audition à la gendarmerie et la saisine du juge d’instruction de la commune III. Et de déplorer cette décision de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako car, avec une nouvelle composition de la Cour, les parties doivent reprendre les débats afin de permettre aux magistrats devant siéger dans la nouvelle Cour de comprendre le dossier pour prendre la décision qui s’impose par rapport à la remise en liberté des détenus ou à la nullité pure et simple de la procédure, comme l’a préconisée l’Avocat général lors de l’audience du 16 février dernier.

Selon eux, cette nouvelle situation enlise davantage le dossier et prolonge la détention illégale et injustifiée des inculpés, surtout que les débats avaient dévoilé les failles de l’accusation. Donc, une nouvelle composition de la Cour permettra à l’accusation de reprendre certainement la main et revenir dans le “jeu”. La nouvelle Cour ne suivra pas certainement cette dynamique parce que les acteurs de la justice semblent déterminés à rendre la justice au peuple.

Pour les autres, cette décision de rabattre le libéré n’entache en rien la procédure. En effet, selon eux, les magistrats de la nouvelle Cour ne vont reprendre les débats comme à l’audience du 16 février dernier, ils vont plutôt continuer avec la procédure car les discussions lors de l’audience du 16 février sont déjà actées au niveau du greffe.

Par ailleurs, plusieurs observateurs s’accordent à dire qu’il existe une véritable influence du politique dans ce dossier car, selon eux, ce dossier est purement politique à tous points de vue : la procédure est politique, l’accusation est politique, les accusés sont “politiques” et le réquisitoire du Procureur de la commune III avec des arguments tirés par les cheveux est plus que politique. A cette étape de la procédure, la question qui taraude l’esprit de plusieurs observateurs : pourquoi insister sur un dossier où l’Avocat général a requis l’annulation de la procédure et la mise en liberté des inculpés ?           

  Boubacar PAÏTAO

Coin du juriste :

C’est quoi un rabat de délibéré, un délibéré et délibéré prorogé ?

Moussa Guindo

Cela signifie que le tribunal revient sur sa décision de trancher le litige à la date qu’il avait donnée, soit parce qu’il a besoin d’un complément d’informations, soit parce qu’une des parties au procès le lui a demandé en présentant des motifs valables.

Exemple : le verdict de l’affaire du présumé complot contre l’Etat, attendu ce mardi 23 février 2021, a été rabattu à la date du 2 mars 2021, retenue pour statuer à nouveau sur l’affaire.Cela veut dire que le 2 mars, le juge ne rendra pas un verdict parce qu’il n’a pas “prorogé son délibéré”, les parties au procès vont à nouveau plaider et requérir avant que le juge ne fixe une autre date pour le délibéré.

Délibéré

Lorsqu’une juridiction (tribunal ou cour) dit avoir mis l’affaire en délibéré pour telle date, cela signifie qu’il a arrêté ou clos les débats d’audience et qu’à la date fixée, il va rendre sa décision (verdict).

Délibéré prorogé (prorogation de délibéré)

Il arrive que le juge fixe une date pour son délibéré, mais qu’un événement intervienne entre-temps et que le tribunal ne soit pas dans les dispositions de rendre son verdict à la date préalablement fixée. Dans ce cas, il proroge son délibéré, c’est-à-dire qu’il reporte le jour où il va trancher le litige à une autre date qu’il communique.

Juste vous aidez dans la compréhension des termes juridiques et analyse judiciaire.

Source: Aujourd’hui-Mali