Au pays de tous les scandales, les dieux de la justice, de l’ordre et de la loi sont tombés sur la tête. Avec l’appel à témoin lancé par le Procureur du Pôle économique et financier, Mamoudou KASSOGUE, c’est Thémis elle-même qui perd son latin.

 

Après avoir assuré l’opinion nationale et internationale qu’une enquête a été ouverte sur le scandale dit des « avions cloués au sol », le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, en charge du Pôle Economique et Financier de Bamako, laisse entendre que pour lui permettre de boucler son dossier (apparemment vide ou tellement opaque) qu’il a besoin de l’aide. Aussi, invite-t-il tous les délateurs, les nafigui et les Namimas de la République « dépositaires d’informations et/ou de documents relatifs à ladite affaire, à bien vouloir les porter à sa connaissance et/ou à les mettre à sa disposition, y compris sous anonymat ».

Le brillant poursuivant qu’est Mamoudou KASSOGUE ne met pas la charrue avant les bœufs, comme le dit l’autre ; il veut simplement manger son piment dans la bouche d’anonymes délateurs, comme ce fut le cas pour Bakary TOGOLA. Sinon, comment comprendre qu’un Parquet chargé du Pôle Economique et Financier soit aussi aux abois pour faire appel public à témoignage dans un dossier où tout ou presque est déjà sur l’agora numérique, sur les réseaux sociaux ?

Si tant est que le Ministère public est l’émanation et au service de l’État, le Procureur KASSOGUE ne devrait en principe pas avoir de soucis pour ficeler son dossier. Une simple réquisition au Ministère de la Défense lui permettrait de savoir qui a fait quoi : qui a passé la commande de la camelote ? A qui le marché ou les marchés des Pumas ont été attribués ? Qui et qui sont intervenus là dans ? Comment le paiement a-t-il été effectué ? Qui a réceptionné les vieux Pumas ? Qui a donné l’attestation de conformité ? Qui a floué le Mali ? Combien ont été volés et bouffés ? Et par qui ?

Il est de l’intérêt du Procureur KASSOGUE, s’il veut continuer à jouir du préjugé favorable et des faveurs de l’opinion, de s’assumer en juge anticorruption courageux, de ne pas faire dans le spectacle et surtout de ne pas prendre les enfants du bon Dieu comme des canards sauvages en leur faisant croire au Père noël.

En effet, les Maliens ont beau être des innocents, voire des benêts en matière de justice, ils ne peuvent comprendre que KASSOGUE leur dise samedi, s’agissant de l’affaire Bakary TOGOLA qu’il est « parfaitement en phase avec la Chancellerie où le ministre de la Justice nous a assurés aussi de l’engagement des plus hautes autorités du pays à nous accompagner sur ce chantier » et que deux jours après, s’agissant de l’affaire Puma, qu’il soit en déphasage avec son ministre et ne bénéficie plus de l’accompagnement des plus hautes autorités. Toute chose qui donne l’impression légitime d’une croisade à deux vitesses, une chasse aux sorcières, selon que l’on soit du bon ou du mauvais côté.

Car, jusqu’ici les Maliens lui font confiance. Pourvu qu’ils ne soient déçus ! Si le Procureur est dans l’impasse, faute d’accompagnement, qu’il passe le relais à la Commission parlementaire. Quod illuminant (que lumière soit faite) !

Bertin DAKOUO

Info-Matin