Mamadou Gassama, le héros de sauvetage  d’un enfant qui aurait pu chuter de quatre étages  continue de retenir l’attention de l’opinion internationale. A Bamako, la capitale de son pays, il a été accueilli en triomphe par la population. Visiblement la foule était heureuse de savoir que Mamadou Gassama a rompu un contrat à durée indéterminée avec la fatalité de la misère en s’élevant à une « dignité française »considérée à tort comme supérieure à celle malienne. Les jeunes maliens qui découvrent en Gassama Mamadou, un héros et un modèle n’ont pas tort. Il n’y a aucune alternative pour penser autrement. Et pour cause, l’Etat du Mali a démissionné (1) par sa gouvernance et manque de bâtisse d’avenir pour la jeunesse (2)

1.    La démission de l’Etat du Mali.

Le spectacle  du samedi 16 juin 2018 à Bamako est saisissant dans sa  psychologie sociale. Un jeune malien  de 22 ans du nom de Mamadou Gassama  a quitté son pays pour une immigration clandestine. Le parcours a été périlleux. Secouru en haute mer par la marine italienne quatre ans plus tôt, en 2014, il a été placé au Centre d’accueil des demandeurs d’asile  de Castelnuovo di Porto près de Rome jusqu’en 2016. Ce n’est pas de gaîté de cœur que ce jeune malien a quitté son pays,  a risqué sa vie  pour exercer son droit au bonheur. Il a quitté le Mali parce que l’Etat n’offre rien si ce n’est la désolation.

Il y a un acte qui semble ne pas émouvoir l’Etat du Malien. On lui a promis la nationalité française. Et c’est sur ce point, que les jeunes maliens amassés à l’aéroport de Bamako sont tous unanimes : « Il sort définitivement de la galère ». Cette façon de voir de la jeunesse du Mali, née après les conférences nationales pose trois problèmes.

Le premier, il s’agit de la compréhension de c’est qu’est la nationalité et ses corolaires.  Les jeunes maliens le savent sans doute mais l’environnement, les pratiques récentes de gouvernance  ne leur donnent aucune raison d’en donner un contenu. Ainsi, la nationalité malienne peut-être échangée,   contre une autre nationalité au prix de vivre décemment. Le deuxième  problème soulevé est la perte de confiance en l’Etat. Autrement dit, l’Etat du Mali n’est pas en mesure d’offrir les conditions de réussite à sa jeunesse à l’intérieur du territoire viable. Ce qui est dans la tête des jeunes, c’est le schéma de l’aléatoire : Naître malien, grandir, prendre la mer, devenir citoyen d’ailleurs ». Cela s’appelle avoir un destin bloqué.  Le troisième problème, c’est la fuite des cerveaux. Autrement dit, les meilleurs maliens n’ont plus leur place au Mali. En passant avec succès le test de sapeur pompier, la France est restée gaulliste dans l’âme. Elle n’a que d’intérêts. Les meilleurs c’est bon pour eux. C’est de l’immigration choisie. L’émotion que suscite le phénomène Gassama ne doit pas occulter la nécessité de réinventer l’avenir pour la jeunesse africaine notamment celle qui quitte les contrées du vaste territoire du Mali pour exercer leur droit constitutionnel de vivre heureux.

2.    Bâtisseurs d’avenir

Le Mali comme beaucoup d’autres Etats d’Afrique au Sud du Sahara a besoin d’une politique réaliste de promotion de la jeunesse.  C’est une vérité de Lapalisse que d’affirmer que les Etats d’Afrique francophone  ont trahi la cause de la jeunesse. Trop de théories, rien de concret.  Les politiques de promotion de la jeunesse  sont pour la plupart des discours sans volonté.

La gouvernance dans les Etats est marquée par la corruption et la soustraction frauduleuse des ressources publiques  pour les paradis fiscaux. Les infrastructures sont quasi inexistantes ou vétustes. L’encadrement n’existe pas. Les instructions scolaire et universitaire, c’est la mer à boire avec des enseignants sans pédagogie et rebelles à l’évaluation de leur savoir.  Pendant ce temps, l’oligarchie qui s’est emparée du pouvoir s’organise pour que l’université soit un luxe et que les hauts emplois publics soient pour  les « lignéees » pures.  C’est dans cette optique que la nouvelle trouvaille des « parvenus » de dirigeants est d’affirmer : « que tout le monde ne doit pas aller à l’université et fait la thèse ». De telles idées obscures comme on en rencontre un peu partout en Afrique de l’Ouest, ne sont pas de nature à donner de l’espoir à la jeunesse. La solution de quitter s’impose. Oui on quitte là où il n’y a pas d’espoir, d’alternance ou d’alternative.

Pour bâtir l’avenir pour la jeunesse, il y a trois voies. La première est de cesser de piller les ressources publiques pour aller créer des  « choses » privées  en dehors de son pays.  La deuxième voie, c’est de  donner de l’espoir à l’entreprenariat en adaptant les programmes de formation, en investissant dans la formation des formateurs. Enfin, donner un sens au patriotisme et au panafricanisme.

En conclusion, la nationalité n’est pas une chose banale. L’Etat  a le devoir de lui donner un sens. Lui donner un sens, c’est créer les conditions de la fierté. Cela passe par une gouvernance axée sur les résultats et sur les coûts raisonnables.

Herbert de Saint Tauyé HOUNGNIBO

 

Source: matinlibre