A Tombouctou, comme ailleurs dans le monde musulman  le Maouloud est une des plus importantes fêtes de l’Islam.

Mais, dans la ville des 333 Saints, la célébration du Maouloud revêt un caractère particulier.

Selon la légende, à Tombouctou, il y avait un grand savant, un grand marabout qui s’habillait toujours en haillons. Mais, pendant plusieurs années, il n’eut dans la ville aucun compagnon.

Le marabout et savant solitaire saluait tous les jours, tous ceux qu’il rencontrait sur la place du marché, dans la rue mais personne ne daignait lui rendre son salut.

Il décida alors un jour, de s’acheter un habit neuf qu’il porta avant de se rendre au marché.

Lui aussi, ce jour, avait décidé de ne saluer personne.

Mais curieusement, tous ceux qu’ils le rencontraient, le saluaient.

Notre marabout s’adressait alors à son propre boubou et lui disait : « Tiens, c’est toi qu’on salue, répond donc ! ».

C’est dire qu’à Tombouctou, si l’habit ne fait pas le moine, il fait bel et bien partie du moine.

Ainsi donc, au cours des fêtes de Maouloud, la ville des 333 saints est  marquée par les plus riches parfums, couleurs et sons.

les rues seront prises d’assaut par les populations, tous âges confondus, richement vêtus à l’occasion du jour anniversaire de la naissance du prophète Mohammad (PSL). Idem pour le baptême.

A cette population demeurée sur place, viennent s’ajouter des milliers d’autres ressortissants de Tombouctou résidant hors de la localité et bien d’autres du Mali et d’ailleurs. Cela, parce que, à Tombouctou, le Maouloud, depuis la nuit des temps, est fêté avec éclat car considéré comme l’un des plus grands événements musulmans.

Ainsi, la grande mosquée de Djingareyber constitue la première destination des « pèlerins » qui en feront 7 fois le tour, avant de se rouler par terre et de s’agripper aux murs pour formuler des vœux.

Cette première étape terminée, les « pèlerins », grands et petits, autorisés à être dans les rues jusqu’au petit matin se dirigent  ensuite vers les autres mosquées de Sidi Yehia et Sankoré pour assister ou participer à la lecture du Coran jusqu’au matin.

C’est, l’occasion pour les populations de se côtoyer, échanger des bénédictions et implorer le pardon de Dieu.

Parmi les fidèles, il y en a d’ailleurs (généralement des femmes) qui ne sortent de leur ermitage que ce seul jour de l’année.

« Al moudou », est selon des érudits de Tombouctou une déformation de « Al Mouloud », fête anniversaire du prophète Mohammad (PSL).

Cette fête marque la naissance et le baptême du prophète.

C’est l’occasion pour tous les fidèles de prononcer les éloges à celui que Dieu a choisi parmi tous les autres, le dernier et le plus grand des prophètes, le plus grand des musulmans.

La foi et le pardon

La tradition à Tombouctou veut que cette fête présente un caractère particulier, au point que tout le monde puisse y participer.

La fête du Maouloud est aussi l’occasion à Tombouctou pour certains de ses ressortissants résidant hors de la localité de revenir au bercail.

Selon ce chercheur du Centre Ahmed Baba, ‘’le Saint homme Sidi Aboul Qâsem-El-Touâti, Imam de la mosquée de Djingareyber, institua vers la fin du 15e siècle, la lecture des panégyriques du Prophète (PSL).

C’est depuis lors, qu’à Tombouctou, les Saintes lectures sont faites en commun devant chacune des principales mosquées de la ville et dans certains coins de la cité des 333 Saints.

Elles consistent en des lectures pieuses et des poèmes d’Ibn Mouhib.’’

A ces pratiques de piété, (toujours selon ce chercheur du Centre Ahmed Baba), se sont jointes des traditions de liesse civile.

Ainsi, les populations s’élancent dans un tourbillon d’incantations rituelles ponctuées par les « you-you » des femmes, dont certains ne sont autorisées à descendre dans la rue que pour la seule occasion.

Les femmes apportant l’encens aux lecteurs, courent les ruelles, font des visites à leurs parents et exhibent leurs plus beaux habits.

Tambours et trompettes résonnent et les mosquées restent illuminées toute la nuit.

Les imams reçoivent à domicile les lecteurs afin de manger car les séances de lecture sont longues.

Les jeunes garçons, crânes rasés autour des vieux, s’exercent ensuite à la lecture du livre principal d’Ibn Mouhib, commun à tous. Seule, varie la façon de chanter.

Le soir du baptême, tous les habitants se dirigent vers la mosquée de Sankoré pour la Fatiha, marquant la fin du Maouloud. Pendant ce temps, sur la place publique, non loin de la mosquée de Sankoré, se déroule au rythme des tambours, la cérémonie du « Tanaré », fête anniversaire qui marque le retour du Pacha El Mansour de Djingareyber qui coïncida avec la fête du Maouloud. Ainsi, prend fin un « pèlerinage » à Tombouctou, ville sainte, qui se serait agenouillée  une seule fois dans l’année.

Comme le disait cet érudit de la ville de 333 Saints : « Jamais Tombouctou n’a été souillée par le culte des idoles. Sur son sol, personne ne s’est jamais agenouillé que devant le Clément. Elle est la retraite des savants et des dévots, le séjour habituel des Saints et des hommes pieux ».

Boubacar Sankaré  

 

Source: Le 26 Mars