La Fondation Cartier nous invite à savourer la jeunesse joyeuse et trépidante du Mali à travers les clichés du célèbre photographe, disparu l’an dernier à 80 ans.

Quand on arrivait à Bamako, on filait lui rendre visite. Tous les chauffeurs de taxi connaissaient l’adresse de son magasin–studio situé dans le quartier de Bagadadji, à deux pas de la grande -mosquée. Entre deux prises de vue, Malick Sidibé aimait s’asseoir sous l’auvent de sa terrasse, où il avait -installé quelques chaises et une vieille table en fer sur laquelle trônaient ses nombreux prix et trophées. Les -passants, qu’il connaissait tous par leur prénom, le saluaient d’un joyeux « Bonjour Malick ! ». Le photographe, dont la renommée avait, alors, franchi les frontières, accueillait avec la même simplicité ses amis, ses clients ou les visiteurs de passage, venus du village voisin ou du monde entier. Il aimait la palabre et racontait volontiers son étonnant destin.

Fils d’un paysan et éleveur peul, il avait été choisi par son père, parmi ses frères, pour aller étudier à « l’école des Blancs ». Doué pour le dessin, il avait suivi une formation d’artisan avant de devenir orfèvre, sans grande conviction. Le photographe local, appelé « Gégé la pellicule », connaissant ses talents de dessinateur, l’avait alors sollicité pour décorer son magasin studio Photo-Service. De fil en aiguille, il était devenu son apprenti, puis son assistant. En 1958, son mentor rentre en France et Malick, qui avait réussi à s’acheter son premier appareil, un Kodak Brownie Flash, ouvre alors son premier studio.

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Epoque héroïque et merveilleux souvenirs : le 20 septembre 1960, le Mali proclame son indépendance. Filles et garçons organisent des surprises-parties et s’habillent comme à Saint-Germain-des-Prés. Malick Sidibé, leur aîné, devient le reporter exclusif de leurs joyeuses embardées. Il connaissait des centaines d’anecdotes sur ces années bénies. Et ses portraits, pris sur le vif ou en studio, témoignent de l’exceptionnel talent qu’avait ce photographe aventureux pour capter l’énergie d’une jeunesse pleine d’espoir et de joie de vivre. A mille lieues de l’image misérabiliste trop souvent associée à l’Afrique. Communicatif !

« Malick Sidibé. Mali Twist », Fondation Cartier, Paris XIVe. Jusqu’au 25 février.

« Nuit de Noël », 1963 (Photo d’ouverture)

Pris le 25 février 1963, à la veille du ramadan, c’est le cliché iconique de Malick Sidibé. Il a fait le tour du monde et le magazine américain « Time » l’a classé parmi les « 100 photographies les plus influentes de l’Histoire ». Il appartient à une série de plusieurs tirages pris lors d’une fête au Happy Boys Club, dans le quartier de Missira, près de l’hippodrome de Bamako. Un frère et sa sœur dansent avec grâce. Leurs deux corps rapprochés forment un cercle qui souligne leur douce complicité. Et le photographe a su saisir l’harmonie de ce moment de bonheur tranquille.

« Regardez-moi ! » 1962

En 1995, Malick Sidibé racontait à André Magnin, commissaire de l’exposition, comment il avait gagné la confiance des jeunes : « A l’époque plusieurs photographes maliens étaient réputés, comme Seydou Keïta ou Sakaly, plus âgés que moi. J’étais le seul à Bamako à faire des photos de “surpat” [surprises-parties]… J’étais toujours informé directement par des “prieries” : “Prière de nous honorer de votre présence”… J’assistais à leurs fêtes comme à une séance de cinéma. Je me déplaçais pour capter la meilleure position, je cherchais toujours les occasions, un moment frivole, une attitude originale ou un gars vraiment rigolo. Je pouvais utiliser jusqu’à 6 pellicules de 36 poses pour une surprise-partie. »

« Pique-nique à la Chaussée », 1972

Le photographe aimait la jeunesse et les jeunes le lui rendaient bien. Le dimanche, pendant les grandes chaleurs, les bandes de jeunes Bamakois se retrouvaient au bord du fleuve Niger, à La Chaussée, au lieu-dit du Rocher aux Aigrettes, près d’une chute d’eau. Chacun y apportait son pique-nique. Les garçons venaient avec des électrophones à piles et des disques, faisaient du thé, se baignaient et dansaient toute la journée. Malick Sidibé captait le plus naturellement ces instants de liberté.

« Les très bons amis dans la même tenue », 1972

Les jolies filles étaient sensibles aux garçons à la mode, à ceux qui dansaient bien, avec les musiques rock, twist ou afro-cubaines », racontait le photographe. Les jeunes, qui se regroupaient en clubs en fonction de leurs préférences pour une musique ou un look, aimaient parfois adopter une même tenue.

Source: parismatch