Le 9 décembre 1988, Tombouctou rejoint les 745 biens culturels répertoriés au patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Mais le patrimoine est menacé, selon Chaïbou Alassane, dont le billet est arrivé 3e au Prix Boukary Konaté (✱).

Si dans le passé Tombouctou arrivait à avoir un petit standing de ville touristique, cela n’est plus possible depuis la crise sécuritaire que le Mali connaît depuis 2012.

La « ville au mystère » ou encore la « perle du désert » est reconnue mondialement grâce à ses histoires, ses mystères et ses 333 saints. Les touristes venaient de tous les coins pour contempler et explorer. Ils s’intéressaient à tout, notamment le sel gemme de Taoudéni, les manuscrits, les trois grandes mosquées (Djingarey Ber, Sidi Yehia, Sankoré), mais surtout ces différents mausolées de saints de la ville.

Menace sur le classement Unesco

A partir 2012, au plus fort de l’occupation djihadiste, Tombouctou est classée au patrimoine mondial en péril. La destruction de quatorze  mausolées, parmi les seize inscrits sur la liste du patrimoine mondial, a été une tragédie pour les communautés locales. Cette destruction a été opérée par Ansardine, le mouvement d’Iyad Ag Ghaly, qui occupait la ville jusqu’en janvier 2013. Mais, les vrais ennemis du patrimoine culturel de Tombouctou sont ses propres fils. Si l’on ne fait rien, Tombouctou risque d’être retirée de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

Pour Sane Chirfi Alpha, farouche défenseur du patrimoine culturel de Tombouctou, « dans la cité dite des 333 saints, l’anarchie a atteint son summum avec l’envahissement des cimetières par des containers avec, peut-être, cette volonté de faire de Tombouctou la ville des 333 containers. » Il ajoute : « Cette occupation des clôtures des cimetières avec la complicité des services municipaux est inesthétique, immorale et profanatoire ».

Occupation anarchique

Aujourd’hui, les cimetières sont encore menacés à cause de l’occupation anarchique des abords par des commerces, des rôtisseries et bien d’autres qui menacent le repos de nos saints. Nos cimetières sont devenus de lieux par excellence pour gagner le pain quotidien, en implantant des hangars pour boucher, pour vendeur d’accessoires de téléphone, pour collage des pneus. A ce rythme, il est clair que Tombouctou risque d’être retirée définitivement du patrimoine culturel de l’Unesco. Et c’est tout le Mali qui va perdre.

Certains commerçants trouvent normal d’occuper les devantures des cimetières pour simplement chercher le pain quotidien. « Ceux qui occupent les alentours des cimetières ne cherchent que de quoi pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles respectives, se défend un commerçant. L’endroit n’est pas idéal. Mais nous n’avons pas le choix. »

Issa Mahamane, habitant de Tombouctou, ne partage pas le point de vue : « C’est complètement irrespectueux envers nos savants, saints, parents, proches et connaissances qui reposent en paix dans les cimetières. En plus de cela, s’ajoute la mauvaise image que nous envoyons de la sainte ville au reste du monde. Il faut que les autorités compétentes se mobilisent pour mettre fin à cette tragédie ».

Plusieurs activistes, blogueurs et écrivains ont déjà lancé des campagnes pour sauver ce qui peut l’être à travers des messages sur les réseaux sociaux. Mais, la situation va de mal en pis parce que les autorités ne réagissent pas. Aucune autorité n’a levé le petit doigt pour mettre fin à cette pratique. Pourtant, depuis 1969, il existe une loi au Mali qui protège le patrimoine culturel. Mais la mairie de Tombouctou semble ignorer ce texte et n’agit point.

Un adjoint au maire de Tombouctou s’est même dressé contre ceux qui défendent le patrimoine culturel : « On ne peut pas nous obliger à vivre comme si nous étions au 15e siècle. Les choses ont changé, il faut changer avec », a-t-il declaré.

Il faut sauver Tombouctou pendant qu’il est temps. Son classement sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco ne tient qu’à un fil.

Source: benbere