Sikasso, 25 juin (AMAP) Les grottes de Missirikoro, un bloc roché imposant, constituent l’un des importants sites historiques et culturels de la région de Sikasso. Ce site est fréquenté de nos jours par de nombreux maliens et des ressortissants des pays voisins comme le Burkina Faso, la Côte d’ivoire et les touristes européens.

Les grottes de Missirikoro sont un trésor culturel inestimable où cohabitent plusieurs croyances, les animistes et les musulmans. Elles sont constituées de plusieurs blocs entreposés les uns à côté des autres et situées à une quinzaine de kilomètres de la ville de Sikasso.
Le premier bloc, qui se compose de deux pièces, est réservé aux animistes qui utilisent une pièce comme autel de culte où l’on immole les animaux et dans l’autre pièce, l’oracle trace les signes cabalistiques lors de ses consultations. Il y a ensuite un vestibule qui sert de réfectoire et de refuge des populations en cas de guerre. Il existe ensuite une sorte de labyrinthe orienté vers la Kaaba, c’est la mosquée qui ne désemplit pas de croyants, de marabouts venus faire des retraites spirituelles, surtout pendant le mois de carême. Il y a, enfin, le sommet des grottes qu’on ne peut atteindre que par échelles superposées.

Au-dessus de la grotte, le visiteur a une vue panoramique de la ville de Sikasso et des villages qui l’entourent. Notre correspondant de presse a été conduit sur les lieux par le directeur du musée régional de Sikasso, Mando Goïta, qui a donné de larges informations sur la légende de la grotte, sa valeur mystique et sa gestion actuelle par les communes rurales qui l’abritent.

Comme son nom l’indique en bambara, Missirikoro résulte de deux versions. D’abord la vieille mosquée, qui était le seul lieu où l’on pratiquait la religion musulmane dans le temps, car, selon notre interlocuteur, la majeure partie des populations étaient des animistes et s’opposaient à la pratique d’autres religions. Les premiers adeptes de la religion musulmane étaient donc obligés de se retirer dans cette grotte pour accomplir leur devoir religieux. Comme cette grotte a servi de première mosquée dans la contrée, on l’a nommée « vieille mosquée » ou Missirikoro. La seconde version, c’est le village situé à proximité de la mosquée « Missirikoro ».

AU DEBUT, UNE LEGENDE –La légende raconte qu’en lieu et place des grottes, se trouvait un lac très riche en poissons autour duquel une convoitise est née entre les villages environnants : Missirikoro, Sokourani et Niangansoni. Les anciens avaient trouvé une stratégie pour éviter la discorde. Ils instituèrent une pêche collective cyclique de la mare et les poissons pêchés étaient repartis entre les trois villages, selon la taille de leur population. Mais des incompréhensions sur la répartition ont provoqué des affrontements sanglants entre les trois villages.

Selon toujours la légende, les anciens se sont encore rencontrés pour trouver une nouvelle stratégie qui consistait à identifier le village propriétaire de la mare en faisant des serments, comme c’était le cas dans l’histoire. Chaque village devait donc prêter serment dans un langage dicté par le patriarche.

Pour le village de Sokourani, qui détenait un caillou comme témoin,  le délégué du village jeta le caillou dans la mare en disant que si c’est son village qui a découvert, le premier, la mare, qu’elle se transforme en colline. Ensuite, le délégué de Niangasoni, qui détenait un arbuste, le jeta dans la mare, en disant qu’elle se transforme en bosquet, si son village est le propriétaire de ce cours d’eau. Enfin, le village de Missirikoro détenait un œuf que son délégué jeta dans la mare, en demandant aux génies que si le cours d’eau appartenait à son village, qu’il demeure mare.

Le Conseil des sages avait donc donné une semaine aux belligérants pour la suite de leurs prestations de serment. Selon la légende, le 6ejour après la prestation de serment, un brouillard épais a envahi la surface de la mare et le 7ejour, le cours d’eau s’est transformé en grotte, donnant ainsi raison au village de Sokourani qui est de nos jours le propriétaire des lieux. Actuellement, bien que le village de Missirikoro soit le plus proche des lieux, l’obédience sacrificielle relève de Sokourani. Malgré l’appartenance des lieux à Sokourani, le Conseil des sages des trois villages a décidé d’en faire un bien commun, comme la mare.

ORACLES, VŒUX ET SOUHAITS– Chaque année, les villages voisins se retrouvent autour de la grotte et procèdent aux cérémonies de sacrifices pour les génies des lieux. Les grottes sont ouvertes à toute personne désireuse de s’y rendre, sans distinction d’ethnie, de race ou de religion.

Les grottes de Missirikoro sont d’utilité publique et rendent d’énormes services aux populations dans le domaine de la santé et des préoccupations quotidiennes.

Selon le directeur du musée régional, les rois de Sikasso, n’entreprenaient jamais d’expéditions guerrières sans consulter les génies de Missirikoro, sur le plan de la religion musulmane et de l’animisme ou les oracles, suivant les signes cabalistiques qui prédisaient l’issue de la guerre. Si l’issue des combats n’était pas favorable, les grottes servaient de refuge pour la population.

Selon notre interlocuteur, beaucoup de personnes fréquentent, de nos jours, les grottes pour avoir des enfants, guérir de maladies psychiques ou physiques, savoir si un mariage sera heureux ou pas, avoir une épouse ou un époux, une promotion, ou encore à la veille d’élections.

Le système est simple. Le visiteur promet que, si ses vœux sont exaucés, il offrira tel ou tel cadeau aux génies. Selon Mando Goïta, 95% des vœux sont réalisés. Il soutient avoir les preuves de ces succès, car il conduit régulièrement de nombreuses délégations maliennes et étrangères sur les lieux. Si le visiteur est satisfait, il doit obligatoirement tenir sa promesse. Récemment, une délégation d’enseignants burkinabé est passée par là et certains ont envoyé des cadeaux, car ils ont eu des promotions à leur retour.

Notre interlocuteur précise que les grottes de Missirikoro sont toujours envahies. Lors de notre passage, nous avons trouvé de nombreux élèves candidats aux prochains examens et des femmes en quête d’époux. « Au moment des élections, l’endroit ne désemplit pas », nous a-t-on dit. Certains vont du côté de la mosquée et d’autres vers les animistes ou plusieurs peaux d’animaux immolés sont en putréfaction. Là, les animaux sont immolés et consommés sur place. Par discrétion, notre interlocuteur n’a pas dévoilé les noms de plusieurs responsables qu’il aurait conduits sur les lieux.

La grotte de Missirikoro, demeure un trésor culturel et touristique à sauvegarder, tant sa renommée dépasse nos frontières. Le gouvernement, à travers le ministère de la Culture, a apporté quelques aménagements sur le site pour faciliter son accès.
Avec la décentralisation, les grottes relèvent traditionnellement de Sokourani, chef-lieu de commune, mais sont situées dans la commune rurale de Missirikoro. Les deux communes en font donc une gestion concertée.

FD/MD (AMAP)