Ses thèmes les plus fréquemment traités portent sur la Ginna (architecture ancienne de terre et de pierre), la connaissance, l’éducation, la dégradation des valeurs culturelles, la pauvreté

Quels rapports y a-t-il entre l’éducation et l’architecture ? Une interrogation, certes, banale en apparence, mais qui peut générer beaucoup de réponses. Pour Souleymane Ouologuem, de la même manière que l’éduction permet d’élever un enfant au stade de la maturité sur les plans mental, moral, intellectuel et physique, l’architecture est le moyen de concevoire, et construire un édifice de la base jusqu’à plusieurs niveaux. Autant un homme bien éduqué et bien formé est capable de transformer sa société autant une maison à étage, construite de main de maître et joliment décorée a un impact sur son environnement.
C’est ainsi que notre artiste peintre résume sa pensée et la philosophie de ses créations. Une réflexion construite au fil des années de pratique. Il en est même à exécuter désormais ses tableaux au moyen de couteau au lieu de pinceau comme les autres artistes. Le couteau est le terme technique qui désigne la petite truelle que les maçons utilisent dans leur œuvre de superposition des briques dans le but d’élever un mur. Ouolo, comme l’appellent ses intimes, indique que son travail est inspiré, par la construction car l’être humain, c’est la construction permanente.
Cette originalité lui attire les faveurs de ses maîtres comme Abdoulaye Konaté, Ismaël Diabaté, Baba Abba Djitèye, des galeristes et autres structures conceptrices et organisatrices d’exposition du Mali, du Sénégal, du Burkina, de la Côte d’Ivoire, du Maroc, du Ghana, de l’Angola, de la Tanzanie, de la France, de la Belgique, de l’Allemagne, d’Espagne, de la Hollande, des Etats-Unis et même de la Chine. Car en effet, malgré sa jeune carrière, cet artiste qui commença à exposer en 1999, tourne en moyenne avec une dizaine d’expositions par an.

Souleymane Ouologuem est un artiste qui se définit comme un peintre, même s’il fait beaucoup de sérigraphie, de décoration, d’appui conseil, d’entreprenariat culturel et de formation. Contrairement à la tendance actuelle des jeunes artistes qui font en même temps de la photo et de la vidéo. Malgré un Master obtenu en multimédia, il s’exprime, plus généralement, avec les dessins, les couleurs, les formes, une harmonie qu’il crée avec ses propres inspirations sans l’intermédiaire d’appareil ou de la technologie. Du coup, il reste le véritable maître de ses créations.
Il s’est aperçu très tôt de son amour pour le dessin quand il fréquentait le second cycle de l’école fondamentale.
Après avoir passé son diplôme d’études fondamentales (DEF) en 1995 à Kadiolo dans la 3ème Région, il fut orienté dans une école de comptabilité à Bamako. Pendant deux années, il aidait son logeur à exécuter ses commandes de sérigraphie. Ce dernier découvre son talent de dessinateur et lui révèle l’existence de l’INA. Il décide toute affaire cessante d’arrêter l’école de comptabilité et d’aller s’inscrire au concours d’entrée de cette école d’art. « Dès la première année, j’ai senti que c’est dans ce travail que je m’épanouirai ». Après les cours académiques, il continuait dans des ateliers et autres formations en peinture qui étaient organisées à Bamako. En plus de cette formation académique, il va participer à plusieurs stages de formation et ateliers : stages au Musée national du Mali, semaine de la calligraphie au CCF, devenue Institut français du Mali, 2è Atelier International d’arts plastiques et artiste de l’atelier d’arts contemporains
« Itinéraire et Imaginaire ». En 2006, il décide d’entrer au Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasséké Kouyaté (CAM-BFK). Il fréquente plus tôt la section multimédia, convaincus qu’il a plus à apprendre dans cette nouvelle discipline que dans la peinture. Dès sa sortie de cet établissement en 2010, il fait quelques vidéos de création. Mais l’essentiel de son travail dans ce domaine est issue de la commande.
Grâce à toutes ces formations, il va adjoindre d’autres thématiques à son arc mono thème. Il était d’ailleurs convaincu que l’école permettait d’ouvrir le chemin, mais que c’est en se frottant aux grands artistes que l’on pouvait acquérir des connaissances. Ces derniers lui ont ouvert les yeux sur le fait qu’il fallait tout faire pour avoir sa touche personnelle et que c’est ce dernier qui donne une identité à un artiste. Un débutant peut toujours regarder et copier chez les maîtres, mais,’il ne peut devenir artiste avec les façons de faire et les images des autres.

C’est ainsi que le jeune Dogon décide de s’inspirer de la forme et des décorations des maisons de son ethnie. Chez les « Tomoso » une variante du dialecte dogon, les habitats, appelés « Ginè » possèdent des petits trous carrés ou rectangulaires sur la façade principale. Les niches que porte cette façade représentent les ancêtres. Ces « Ginès » constituent le symbole d’une grande famille, car elle est construite par beaucoup de personnes et plusieurs jours durant. Pour eux, la vie c’est la famille. Ce qui explique pourquoi cette ethnie attache une importance particulière aux trois savoirs : le savoir-faire, le savoir vivre et le savoir être. C’est ce qui détermine à la fois l’éducation et la formation de l’individu. Ainsi, pour le Dogon, la famille assure l’éducation des enfants au sein de la maison, d’où la relation dialectique entre l’éducation et l’architecture. Une maison bien construite possède une fondation solide, tout comme un individu bien formé prend sa racine dans une famille.
Il choisit comme thème de mémoire de fin d’études : « L’attrait de la culture Dogon», quand il arrive en 4ème année de l’INA. Ouologuem axe ainsi son travail sur ses origines Dogon, les rites, les traditions, la cosmogonie. Il peint le monde Dogon qui, pour lui, est une façon de témoigner de sa présence et de la vénération que les hommes portent à ce dernier. Il utilise des techniques mixtes, peintures et collages avec des couleurs qu’il compose lui-même à partir de pigments, colorants et colles.
Dans une démarche classique, « je développe une technique purement plastique, esthétique, mais inspiré par le côté éducation et sensibilisation que les gens apprécient », argue-t-il.
Deux éléments marquent clairement les œuvres de Souleymane Ouologuem, qui sont en général du semi figuratif et du collage. La superposition des petits rectangles ou petits cercles au bas, qui représentent des pierres ou des briques. Ce qui, selon lui, est le symbole de la construction. Puis, une sorte de vide supplante les dessins. Cela constitue l’espace ou la part du rêve. Le rêve d’un monde toujours en construction. Pour dire aussi que la construction est une œuvre infinie.
Adepte de la technique mixte, Souleymane Ouologuem utilise différentes matières : pigment, colorants, vynil, acrylique, pastel, aquarelle, collage, grattage, tissus, etc. Il est l’heureux récipiendaire de plusieurs récompenses : Prix d’encouragement du Salon 2001 des jeunes artistes, Prix d’encouragement du Marché national des arts plastiques 2004, Prix d’encouragement du Marché national des arts plastiques 2008 et 2è Prix du concours d’arts plastiques du SMARTS à Ségou.
Le talent de Ouologuem a dépassé les frontières du Mali. Il expose un peu partout dans le monde. Depuis peu, il anime avec l’association Soleil des ateliers de bogolan (tissu peint), notamment au Musée du Quai Branly à Paris.

 

COMMISSAIRE D’EXPOSITION, DÉCORATEUR ET APPUI CONSEIL

C’est en 2006 que l’artiste peintre Souleymane Ouologuem s’est occupé pour la première fois de sélection, de logistique et d’organisation d’une exposition. En effet, une jeune galerie française nommée Serpentine, basée à Paris décide d’exposer six artistes maliens que sont : Ismaël Diabaté, Abdoulaye Konaté, Yaya Coulibaly, Sira Sissoko, Amaguiré Dolo et Souleymane Ouologuem lui-même. Serpentine n’ayant pas de représentation au Mali, Souleymane Ouologuem accepte de servir d’interface. Il est ainsi amené à sélectionner les œuvres, à accomplir les démarches administratives et à expédier les œuvres sur Paris.
Fraîchement sorti de l’Institut national des arts (INA), il n’entendait rater sous aucun prétexte cette première opportunité d’exposer dans une grande ville comme la capitale française. Une expérience initiale qui lui a valu une reconnaissance. Il est sollicité par de nombreuses structure à la fois pour la sélection d’œuvres, d’organisation d’expositions et même de créations de galeries à Bamako ou ailleurs. Il apprend en même temps que les investisseurs dans le domaine aiment la discrétion.

Quelques années plus tard, quand deux Américains veulent exposer les œuvres du sculpteur Amaguiré Dolo à Houston, dans le Texas au USA, ils sont orientés vers Souleymane Ouologuem. Il procède à la sélection des pièces selon les goûts du public américain, les conditionnent, s’occupe de l’assurance, de la douane et du fret. Les commanditaires sont très satisfaits du résultat du travail et décident de l’inviter afin qu’il assiste à l’exposition, même si au départ il était dit que sa présence n’était pas nécessaire.
L’un de ses plus hauts faits est sans doute la décoration du palais présidentiel de Koulouba. En volet arts plastiques, il est contacté par une entreprise française qui s’occupait de la finition du siège de la célèbre institution. Il commence d’abord par la conception d’un type de décoration en fonction des couleurs de l’environnement, de l’utilisation des différents bureaux et salons. Il conçoit une sorte d’exposition permanente qui s’adapte à la fois au cadre et aux attentes de son client. Puis, il procède au choix des tableaux d’une dizaine d’artistes maliens. Résultats, le locataire de Koulouba donne son avis favorable, bien sûr après quelques remarques et amendements.
En réalité, il explique avoir réfléchi depuis de longues années à ce travail d’organisateur d’exposition, de décoration et de commissaire d’exposition. Il a ainsi entrepris de se documenter et parfois de prendre des notions élémentaires auprès de célèbres commissaires qui exercent dans le métier.
Le commissaire d’exposition est en réalité un métier qui se développe depuis une dizaine d’année à travers le monde. Parfois appelé curateur d’exposition, il est une personne qui conçoit une exposition, artistique, historique, scientifique, etc. Et en organise la réalisation.
Y. D.

Source: L’Essor-Mali