L’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et le ministre du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social ne semblent pas parler le même langage. En effet, dans une réplique à la lettre N° 2021-000112 / MTFPDS – SG du 11 Août 2022 de Mme le ministre, le Bureau Exécutif de l’UNTM déplore chez elle “un semblant de dialogues de sourds doublé d’une totale incompréhension et de méconnaissance des principes et idéaux du syndicalisme malgré tous les efforts déployés par elle pour remplir les attentes liées à sa mission dans le Gouvernement “.

D’après le Bureau Exécutif de l’UNTM, la volonté et les efforts de Mme le ministre pour réussir ne sont pas toujours suivis de réussite. “C’est pourquoi, en ce qui vous concerne, nous devons toujours suggérer de mettre à la tête du département comme celle de l’Education du reste, des femmes et des hommes bien imprégnés des problèmes, du droit syndical. Aujourd’hui, le droit syndical dont certains aspects se trouvent dans celui du Travail est quasiment plus abondant, plus transversal que celui-ci. On le retrouve, vous le verrez dans la politique nationale et internationale, dans l’économie sous les cieux, dans le progrès social et culturel, et dans la recherche scientifique et technique. Il n’est plus depuis le XXe siècle un petit outil de défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs mais un grand instrument de renforcement des droits humains fondamentaux, de paix, de bien-être des populations au plan national et des peuples au plan mondial. Ainsi, le reproche fondamental à vos Arrêtés n’est ni la faute de leurs bénéficiaires, ni celle du SNESUP. Ne pensez pas que vous induirez des confrontations entre nous. Les premiers sont aussi nos militants. Une organisation syndicale comme l’UNTM est au service du progrès social, de la paix, de l’égalité, de l’équité entre les peuples et les citoyens. Donc, le reproche fondamental est la série d’inexactitudes, de fausseté qui entourent les Arrêtés N ° 2022-0278 / MTFPDS – SG – CNCFP du 22 février 2022 et N ° 2022-3266 / MTFPDS – SG DNFPP – D1-3 du 26 juillet 2022, qui ne sont que le fait de vous-même et du département”, a indiqué le Bureau Exécutif de l’UNTM.

En outre, le Bureau Exécutif de l’UNTM a réaffirmé qu’il n’y a pas eu une organisation de tests dont Mme le ministre a parlé dans sa lettre. “Nous disons et réaffirmons qu’il n’y a pas eu une organisation de tests dont vous parlez. Aucune procédure administrative et réglementaire n’a été observée. Si cela avait été, comment expliquez-vous la présence de Modibo Touré (diplômé en licence professionnelle, spécialité Gestion des entreprises et des administrations) sur la même liste des candidats à un concours de recrutement des contrôleurs des finances avec option uniquement finance-comptabilité pour se retrouver actuellement avec les inspecteurs des finances dans votre Arrêté de régularisation ? Ces tests, malgré tout ce que vous conférez au CNCFP, relève de la DNFP, d’autant plus qu’il s’agit d’une intégration dont elle est la seule à organiser l’entrée, à gérer le déroulement des carrières des fonctionnaires. Elle, non plus, ne sait rien de l’origine de ces Arrêtés, nous le pensons. Vous avez tout simplement obéi à l’ordre de la Primature de procéder à cette intégration par lettre confidentielle N° 0611 / PM – CAB du 10 août 2021 signée du Directeur du cabinet du Premier ministre” Intégration à titre exceptionnel dans la Fonction Publique. N’y a-t-il pas abus de pouvoir ?”, se demande l’UNTM.

Le Bureau Exécutif de l’UNTM a fait savoir au ministre qu’il y a eu des précédents non satisfaits malgré l’existence en faveur de leurs intéressés des Arrêts de la Cour suprême à savoir Arrêt N ° 742 du 1er octobre 2020, Arrêt N ° 366 du 13 juin 2019, Arrêt N ° 180 du 06 avril 2017 … etc. ” Vous vous êtes empressés de produire vos Arrêtés. Des hommes-liges susceptibles de toutes les incorrections tant qu’il s’agit de sauvegarder leurs postes ont fait la besogne tout en sachant l’illégalité, le non-respect des procédures, de la règlementation en vigueur dans les opérations d’intégration et de régularisation. Votre empressement à obéir au Premier ministre est le même que celui du Secrétariat Général du Gouvernement qui, dans sa lettre N° 014 / PRIM – SGG du 28 janvier 2022, vous recommandait “Intégration à titre exceptionnel dans la Fonction publique des 11 agents contractuels”. Cette injonction vous est parvenue suite à une autre lettre confidentielle N° 033 / PM – CAB du 06 janvier 2022 avec des instructions fermes de la Primature sur la voie à suivre, à savoir faire parvenir dans les meilleurs délais, le projet d’Arrêté ainsi que les dossiers physiques concernant les 11 agents dont les cas sont jugés litigieux. C’est vous seule, Madame le Ministre, qui avez orchestré la production de ces Arrêtés au terme d’une obéissance aveugle et irréfléchie à des lettres tendancieuses. C’est dans ce cadre qu’en application des injonctions, vous avez écarté d’autres acteurs impliqués dans les intégrations et régularisations dans la Fonction publique. En effet, le Comité de Pilotage des Intégrations dans la Fonction Publique et la Commission des Régularisations créés par l’Arrêté N° 010-0097 / MTFPRE – SG du 25 janvier 2010 n’ont pas été convoqués pour statuer sur tous les cas objet des Arrêtés”, a fait  remarquer au ministre le Bureau Exécutif de l’UNTM.

Dans sa réplique, le Bureau Exécutif de l’UNTM a fait savoir au ministre que, respectueux de la justice du pays, il sait bien que c’est à la guise des Administrations que l’on applique les Arrêts de justice. “Le Bureau exécutif de l’UNTM sait que la Cour suprême ne formule ses décisions qu’à partir des dossiers qui lui sont soumis. Tout le reste revient à l’État et aux citoyens. Il ne faut donc pas faire comme si la Cour suprême a rendu un Arrêt non approprié et peut seule l’annuler. Tout autre ministre du Travail et de la Fonction Publique suffisamment pénétré du droit syndical aurait compris que la demande d’annulation de l’UNTM vise la résolution égale de tous les cas pour enrailler les actes de discrimination, de favoritisme qui sont sus-jacents aux lettres confidentielles du Premier ministre, du SGG et à vos Arrêtés. Il y a actuellement un besoin de justice sociale, d’égalité et d’équité de citoyens devant l’État et les lois pour que l’on ne pose pas les anomalies et que l’on ne propose pas de solution. Il s’agit d’une annulation et la réflexion pour un traitement de tous les cas préjudiciables aux jeunes diplômés du pays. Sinon, il y a une gestion de deux poids, deux mesures”, a informé l’UNTM.

Selon le Bureau Exécutif de l’UNTM, la lettre du ministre du Travail pose un autre problème syndicalement plus grave. “Elle montre clairement que vous ignorez tout du syndicalisme comme nous l’avons traité plus haut. On vous a fait dire que” le syndicalisme tel qu’on le définit universellement a pour but en termes généraux, l’étude, la défense et la promotion des intérêts professionnels, économiques et sociaux de ses membres. «Quelle disette intellectuelle ! Quelle méconnaissance des missions du syndicalisme dans la société toute entière. A l’époque coloniale, avant les partis politiques, les syndicalistes avaient réclamé la fin des discriminations, l’égalité entre blancs et noirs pour un travail de valeur égale, l’indépendance. Plus d’une centaine d’entre eux étaient emprisonnés à l’accession à la souveraineté nationale et internationale contre moins de 10 politiciens. Cela montre l’insuffisance de votre définition universelle.

A partir de l’usurpation du pouvoir de 1968, seuls les syndicalistes se sont battus pour le retour du pays à une vie constitutionnelle normale. On se souvient des brutalités suivies des morts d’hommes, de mutilations à vie de certains. Après 23 ans de dictature, I’UNTM a engagé la bataille pour la démocratisation du pays ; d’où la 3e République dont vous avez tous profité. La conception du syndicalisme dénudé d’activité politique vient des petits bourgeois et des bourgeois trônant sur des fortunes. Le Bureau Exécutif de l’UNTM constate votre positionnement sur la place et le rôle consentis depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, soit aux lendemains immédiats de l’émergence des syndicats. Les luttes syndicales ayant contribué à donner un contenu de développement, à la démocratie, au progrès social ont élargi les droits humains fondamentaux connus aujourd’hui comme des phénomènes hautement politiques. La liberté syndicale, Madame le Ministre, est d’essence politique. La compréhension de votre département tend à restreindre les prérogatives de notre Centrale. Sous cet angle, le syndicalisme mourra car il n’y a pas de barrière infranchissable entre syndicat et politique, surtout quand on est une Centrale révolutionnaire et revendicative», a enseigné le Bureau exécutif de l’UNTM au ministre.

Pour le Bureau exécutif de l’UNTM, la Centrale est une actrice principale et initiatrice des évènements de mars 1991 dont Madame le ministre et ses semblables dans leurs bureaux profitent des bienfaits dans le contexte politique actuel. “Madame le ministre, sachez enfin que depuis 8 ans, le signataire de notre lettre, le Secrétaire Général de l’UNTM siège à la Conférence Internationale du Travail dans la Commission de l’Application des Normes. Le Secrétaire Général de l’UNTM est le 1er Vice-président de l’Organisation de l’Unité Syndicale Africaine. Il ne peut se tromper des droits sur ce qu’il convient de faire en syndicalisme. Pour nous, le syndicalisme est un moyen et non un but comme la politique menée par des femmes et des hommes. L’UNTM n’intervient, ne hausse le ton que lorsque la situation du pays, du régime régnant entrave les droits des travailleuses et travailleurs, des populations, donc le peuple dans leurs efforts de promotion du développement, de satisfaction de leurs besoins essentiels, des priorités de leurs vies familiales. Dans le syndicalisme en général, dans l’UNTM et ses démembrements au plan sous préfectoral, régional et national n’ont pas opté par calcul pour un syndicalisme de développement. Ce choix vise le bien, la stabilité, la paix dans le pays. Certes, il peut s’y trouver quelques comportements gangrenés en certains membres, mais jamais en écrasante majorité des membres toutes catégories professionnelles confondues.

Voilà pourquoi de façon souveraine, le Bureau Exécutif de l’UNTM a décidé de ne pas envoyer au compte de la Centrale, des représentants dans le Gouvernement et dans le CNT, tout en restant disponible à soutenir cette Transition jusqu’au bout. Dès lors que nous sommes éjectés par vous de partenariat, de dialogue social qui sont les aspects du vrai syndicalisme pourtant, vous et nous, nous n’avons aucune chance de nous retrouver. Puisque vous n’êtes qu’un individu et que nous sommes une institution reconnue dans toutes les constitutions du monde, ayant des droits et libertés partie intégrante des droits humains et fondamentaux, c’est à vous, Madame le Ministre, de quitter. Quoi qu’il en soit, nous nous réaffirmerons dans la défense du peuple et des masses laborieuses”, a conseillé le Secrétaire Général de l’UNTM.

Siaka DOUMBIA

Source: Aujourd’hui-Mali