Le 31 août 2017 est la date butoir fixée par l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLCEI) pour la déclaration des biens des assujettis. Le Syndicat national des travailleurs de l’administration d’Etat (Syntade), se rebiffe contre l’esprit de la loi portant création de la nouvelle structure.

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Le Syntade, partenaire privilégié de l’OCLCEI dans ce qu’on peut considérer comme un projet phare d’IBK, est aussi celui qui lui est le plus opposé à ce jour.

out est parti de la fronde organisée par les comités syndicaux des services des impôts, des douanes, du trésor, des domaines, entre autres. Ceux-ci ont vu d’un très mauvais œil le fait qu’ils soient particulièrement visés par la loi portant création de l’OCLCEI.

Selon le Syntade regroupant les syndicats cités ci-dessus, l’OCLCEI en plus d’avoir ciblé ses militants, a tenté de les diviser en faisant croire par ci et par là que certains comités syndicaux rencontrés sont déjà d’accord avec sa démarche. Cette situation a fortement irrité le syntade qui a décidé de taper du point sur la table en invitant ses membres à adopter une démarche collégiale.

Le secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et du Syntade, Yacouba Katilé, pour matérialiser la démarche collégiale de refus d’assujettis a écrit une lettre circulaire, le 19 juillet 2017, aux travailleurs et militants du Syntade dont la teneur est la suivante : « ne donner aucune suite écrite ou verbale à la demande de déclaration de biens, qui n’existe dans la fonction publique d’aucun pays au monde. Signaler aux structures syndicales, toute velléité de répression pour le refus de se plier aux exigences de l’OCLCEI. Continuer les activités professionnelles dans la sérénité, la loyauté, et non dans la peur perpétuelle d’être jetés en pâture, et d’avoir l’honneur traîné dans la boue. Tout en adhérant sans réserve à la moralisation de la vie politique, économique et financière, à la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, le bureau national du Syntade, par votre rejet unanime d’une loi injuste, inéquitable, anachronique, vous assure de sa détermination à entreprendre toute action d’envergure pour imposer le respect de vos professions et de vos personnes ».

Au cours d’une rencontre avec le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga sur le sujet, Yacouba Katilé s’est montré intransigeant pour la saisine de la Cour constitutionnelle, afin de retirer purement et simplement la loi. Il est prévu à cet effet une rencontre entre le patron de la Bourse du travail et le ministre de la Justice, Garde des Sceaux. La même constance a prévalu lors d’une visite de courtoisie effectuée par une délégation du FMI à la Bourse du travail. Là aussi, à une demande d’un membre du FMI d’accepter l’assujettissement tel que prévu par l’OCLCEI, Yacouba Katilé a répondu par un non catégorique. Il voit en la création de l’Office, une exigence du FMI.

La révolte

Les raisons de la révolte du double responsable de l’UNTM et du Syntade sont que l’esprit de la loi portant création de l’OCLCEI est sélectif et emprunt de « discrimination », de « stigmatisation »,  à l’encontre de ceux-là qui sont les principaux pourvoyeurs de fonds de l’Etat et qui semblent traités comme des corrompus.

Selon M. Katilé, d’autres comme les ministres, les députés et autres élus sont superbement ignorés. Dans son entendement, les fonctionnaires qu’ils sont n’ont rien contre un tel organe de contrôle qui ne manque d’ailleurs pas dans notre pays. Il a fait allusion aux différentes inspections de contrôle, de la Cellule d’appui aux structures de contrôle des services de l’administration, du Bureau du vérificateur général, etc. Mais son attente est que les choses se passent dans les règles de l’art.

Le bras de fer est plus que jamais engagé entre Moumouni Guindo, le président de l’OCLCEI et Yacouba Katilé. Ce dernier n’écarte pas la possibilité d’une grève du Syntade et par ricochet de l’UNTM au cas où la loi n° 2014-015 du 27 mai 2014 ne sera pas abrogée. Un autre front du refus qui s’ouvre cette fois-ci au niveau social.

L’OCLCEI présidé par le magistrat et ex-vérificateur au bureau du Vérificateur général (BVG), Moumouni Guindo, a été officiellement installé dans ses fonctions le 1er juin 2017. C’est à cette date que ses membres ont prêté serment à la Cour suprême. Il trouve sa légitimité dans la loi n°2014-015 du 27 mai 2014 et répond à un souci du président de la République Ibrahim Boubacar Kéita qui avait fait de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite son slogan de campagne. Il avait en plus placé l’année 2014 sous le signe de la lutte contre le phénomène, à l’occasion d’une cérémonie de remise du rapport du Vérificateur général Amadou Ousmane Touré.

Comme méthodologie de travail, l’OCLCEI a fait de la déclaration des biens de ses membres, une exigence pour tout fonctionnaire de ce service. Le membre doit déclarer ses biens, meubles et immeubles, financiers ou fiduciaires dont il est propriétaire ou détenteur.

La lutte contre l’enrichissement illicite concerne tous les fonctionnaires de l’administration et des collectivités territoriales (plus de 60 000 personnes), mais la déclaration de biens vise essentiellement des hauts cadres et élus occupant certaines fonctions. C’est à ce niveau que les services d’assiette et de recouvrement (douanes, trésor, impôts, domaines, etc.) sortent de leur réserve pour dénoncer le caractère discriminatoire de la loi. Une campagne médiatique initiée par l’OCLCEI est en cours expliquant aux agents concernés le lieu de retrait des formulaires de déclaration des biens et le procédé de remplissage. Le délai imparti est le 31 août 2017.

Des sanctions comme la révocation est prévue contre un fonctionnaire qui n’aura pas déclaré ses biens avant fin août 2017. Un fonctionnaire soupçonné d’enrichissement illicite fera l’objet d’enquêtes. Ceux jugés coupables de corruption risquent d’un à 3 ans de prison si le montant détourné est inférieur à 50 millions de F CFA et 5 ans au-delà. Obligation est faite au fonctionnaire de prouver le caractère licite de ses biens.

Abdrahamane Dicko

 

Source: lesechos