L’école malienne traverse cette année, une crise très profonde. Une crise issue des multiples revendications des syndicats d’enseignement et du refus du gouvernement de satisfaire à  leurs doléances.  Le principal  point de discorde  est  l’article 39 de la loi portant statut particulier du personnel enseignant, encore appelé «article de la mort de l’école malienne»

Depuis plus décennies, l’école malienne est affectée par des crises incessantes, les unes plus profondes que les autres. Cette année, la crise scolaire semble  prendre  des tournures inquiétantes à  cause de la surdité des antagonistes (gouvernement et syndicats d’enseignement) qui restent figés sur leur position.

Depuis la rentrée scolaire 2019-2020, les enseignants refusent d’enseigner tant que  leurs revendications  ne sont pas entièrement satisfaites. Plusieurs points revendications ont été  déjà pris en compte par le gouvernement. Le principal point de désaccord aujourd’hui, demeure le fameux article 39 de la Loi portant statut du personnel enseignant qui stipule que: «toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’enseignement fondamental, secondaire, de l’éducation préscolaire et spéciale».

A travers grèves intempestives, marches et meetings, les syndicats d’enseignement  tentent de dissuader  le gouvernement à appliquer cet article 39.Tous les marches et meetings se passaient sans anicroches jusqu’à qu’à cette marche de mercredi 11 mars qui s’est terminée  à queue de carpe. Cette marche qui était, au départ, pacifique pour réclamer  l’application de l’article 39, s’est achevée par la violence. Les forces de l’ordre qui encadraient la marche ont fini par faire usage de leurs armes pour disperser les marcheurs qui étaient  devenus exigeants et  encombrants à leurs yeux. Selon le gouvernement, les manifestants voudraient accéder à  la Cité administrative, ce que la police n’a pas voulu  laisser  faire.  D’autres sources indiquent que la police a dispersé la foule en tirant gaz lacrymogène et  balles  réelles  sur les manifestants déchaînés. Une information  qui a été niée en bloc par les autorités sécuritaires. Selon un communiqué du Gouvernorat du District, il y a eu plusieurs  marcheurs  blessés  et des véhicules de la sécurité  endommagés. Des marcheurs ont été arrêtés puis relâchés.

Rappelons que le gouvernement reconnaît le bien-fondé de la revendication des enseignants, mais refuse, paradoxalement, de la satisfaire  à  cause de son coût  jugé insupportable pour  le budget national. Pour le Premier ministre, Boubou Cissé, la prise en compte de l’article 39 coûtera à l’Etat plus de 50 milliards F CFA par an. Aussi, il pense que la prise en compte de cette doléance, incitera d’autres corps professionnels à emboîter le pas aux enseignants.  Le refus  du gouvernement et des syndicats de faire concession, qui explique  l’échec de toutes les tentatives de  négociations entre les deux parties. Chaque partie est  restée figée sur sa position. C’est dans ce dialogue de sourds que le gouvernement a décidé de recruter 15000 enseignants  volontaires, afin de sauver l’école d’une année blanche qui pointe à  l’horizon.

Cette décision du gouvernement est aussi diversement appréciée. Nombreux sont les Maliens, qui ne voient pas d’un bon œil cette mesure. Car le recrutement d’enseignants volontaires, disent-ils, n’est pas la solution à cette crise. Non seulement, l’effectif des volontaires à  recruter (15000) se révèle insuffisant pour combler le vide laissé par les enseignants  titulaires, mais aussi, ces volontaires ne sont pas suffisamment  préparés pour donner un enseignement de qualité. Pour certains, c’est la mauvaise foi du gouvernement qui a plongé l’école malienne dans cette crise depuis 20 ans, car aucun sacrifice n’est de trop, lorsqu’il s’agit de l’éducation. Surtout quand on sait que le recrutement des 15000 enseignants volontaires ne sera moins coûteux pour le budget national. Des sources concordantes, indiquent que la facture pour la prise en charge des 15000 volontaires pendant 6 mois,  avoisine les 7 milliards FCFA. La  mauvaise foi des autorités dans la résolution de la crise scolaire, s’explique aussi  par le fait que leurs enfants  ne fréquentent plus l’école publique, cela depuis 20 ans.

“Une chose est sûre et certaine, si les enfants du Premier ministre, Boubou Cissé fréquentait l’école publique, il n’allait jamais dire que le gouvernement manque de moyens pour  satisfaire aux doléances des enseignants. Un état qui n’a pas les moyens pour l’éducation de sa population n’a pas sa raison d’être”,   s’indignait  un enseignant, lors de la marche réprimée de mercredi dernier.

«Si vous voulez détruire un pays, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines. Il suffit de détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre vingt ans et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs. Il vous sera très facile de les vaincre », disait un sage chinois. Pour les enseignants, en paralysant l’école malienne par son refus catégorique de satisfaire aux doléances des enseignants, le Premier ministre, Boubou Cissé est animée de la volonté de détruire le Malien. En tout cas, il restera gravé dans les  annales de l’histoire que c’est le Premier ministre Boubou Cissé, sous le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita,  que l’école malienne a connu son déclin.

Aujourd’hui,  les séquelles de la crise scolaire sont déjà visibles. Le niveau des élèves et étudiants maliens est parmi  les plus bas du monde. Les jeunes qui ne vont plus à l’école sont, de plus en plus, tentés par l’immigration, le banditisme et la drogue.

Sidiki Berthé

Source : Le Serment du Mali