Cette rencontre est organisée chaque année, le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’Homme pour permettre aux citoyens d’interpeller publiquement les gouvernants. Les ministres concernés par les interpellations ont donné des éclaircissements sur les dossiers.

La 24è édition de l’Espace d’interpellation démocratique (EID) s’est déroulée, mardi dernier au Centre international de conférences de Bamako (CICB). Pour cette édition, les interpellations ont tourné autour des problèmes fonciers, des difficultés d’exécution des décisions de justice, de licenciements abusifs. Il faut ajouter aussi la destruction de l’environnement, les tracasseries routières au niveau des frontières, les cas de détention arbitraire, etc.
Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Malick Coulibaly, a été interpellé pour la suite réservée à la plainte des héritiers de feu Alaba Adebayo contre Me Alou Badra N’Diaye, avocat à la Cour et Me Minkôrô Traoré, huissier de justice. Au nom des héritiers, ces deux hommes de droit auraient perçu auprès de Me Mamadou Diop, notaire à Bamako, la somme de 100 millions de Fcfa. Ils expliquent que cette somme était destinée au règlement partiel de l’achat par leur défunt père d’un site à usage commercial à Magnambougou. «Suite aux vérifications entreprises par les services techniques de mon département, il nous revient que la plainte contre Me Alou Badra N’Diaye et Minkôrô Traoré a été finalement transmise par bordereau du parquet général près la Cour d’appel de Bamako au tribunal de grande instance de la Commune VI de Bamako pour enquête contre les deux auxiliaires, en date du 29 novembre 2019. L’interpellateur peut donc suivre ce dossier », a expliqué le ministre Malick Coulibaly.
Le Garde des Sceaux a ensuite indiqué que le retard observé dans la transmission de la plainte du parquet général du tribunal compétent s’explique par la volonté du Bâtonnier de l’Ordre des avocats de tenter de trouver une solution à l’amiable au différend. «Ce n’est que le 27 novembre 2019 que le Bâtonnier a finalement informé le procureur général que ses démarches sont infructueuses », a-t-il dit, avant d’admettre qu’au regard des personnes en cause, une veuve et des orphelins, la plainte méritait un traitement beaucoup plus diligent. Toutefois, le ministre Coulibaly a rassuré que son département suivra désormais avec une attention toute particulière l’évolution de ce dossier.
Sur une interpellation relative à ce que certains qualifient des cas «d’esclavage» qui sont légion dans plusieurs contrées de notre pays, le ministre en charge de la Justice et des Droits de l’Homme a répondu qu’il s’agit de pratiques discriminatoires néfastes et inadmissibles dans un État de droit dès lors que notre Constitution prescrit que tous les Maliens naissent libres et égaux en droit et en devoir. Il a fait savoir que l’État ne conçoit nullement les agissements des personnes qui s’adonnent à cette pratique digne d’une autre époque. «À chaque dénonciation de violation des droits de l’Homme, les enquêtes ont été ouvertes et les condamnations ont sûrement été prononcées», a assuré le ministre de la Justice.

DYSFONCTIONNEMENT- À titre d’illustration, en 2018, a-t-il rappelé, le parquet de Kayes a reçu neuf dossiers relatifs à des pratiques discriminatoires dont huit ont été orientés à citation directe et un en médiation pénale. En 2019, selon le ministre, ce parquet a reçu 30 affaires dont 20 orientées à citation directe, cinq en information et cinq ont fait l’objet de médiation pénale. Il a ensuite assuré que son département reste engagé à ne laisser aucune atteinte à la dignité humaine impunie.
Quant au ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général Salif Traoré, il est intervenu pour apporter des précisions sur les cas de tracasseries routières au niveau des frontières, reconnaissant, au passage, l’existence de ce dysfonctionnement. Cependant, le ministre Traoré a affiché sa volonté de mettre fin à ce phénomène qui est courant dans toute la région. « Les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie ont des missions permanentes de vérification, de visites inopinées dans ces différents postes de contrôle pour s’assurer que le travail se fait normalement », a-t-il confié, ajoutant que ceux-ci ont aussi pour tâche de s’assurer que les instructions données (vérifications du document des passagers et leur sécurisation) se font sans que les passagers ne soient bafoués dans leurs droits. Il n’a pas manqué d’inviter les usagers de la route à utiliser le numéro vert disponible pour informer les autorités compétentes sur des éventuels cas de tracasserie.
Sur le problème foncier auquel notre pays est confronté depuis des années, le ministre des Domaines et des Affaires foncières, Alioune Badara Berthé, a tenu à préciser que les droits coutumiers ne sont pas le droit de propriété. «Or aujourd’hui, on constate que les droits coutumiers tendent à avoir une certaine prédominance sur le droit de propriété. Les droits coutumiers sont un simple droit d’usage qu’on ne saurait opposer, sinon faire prévaloir sur le droit de propriété», a clarifié le ministre Berthé. Coupant court à des rumeurs, il a fait savoir que les services des domaines ne vendent pas des terres. Selon Alioune Badara Berthé, les services des domaines sont une administration d’exécution, indiquant que les parcelles sont attribuées soit par le maire, le préfet, le gouverneur, les ministres ou le Conseil des ministres.
Dans son discours de clôture, le Premier ministre a indiqué que de son institution à nos jours, l’EID a fortement contribué à l’amélioration de la qualité de la gouvernance publique, à une plus grande responsabilisation des responsables politico-publics et à une plus grande espérance de nos concitoyens. Ceci est d’autant plus vrai, a fait remarquer Dr Boubou Cissé, que les recommandations formulées touchent toutes les activités de la vie publique sur lesquelles s’exerce l’action gouvernementale.
Pour le chef du gouvernement, il faudra dorénavant reconsidérer le niveau d’intérêt accordé à ses recommandations pour faire de leur parfaite mise en œuvre, un indicateur de performance des programmes sur lesquels ces recommandations porteraient. Par ailleurs, le Premier ministre dira que malgré les immenses efforts fournis par les magistrats, les questions relatives au foncier continuent de diviser les familles, des villages et même des régions. Il a aussi invité les associations partenaires de l’EID à contribuer à approfondir la réflexion sur le concept, le format, le mécanisme de fonctionnement de cet espace en vue d’en garantir davantage la crédibilité et la pertinence.

Bembablin DOUMBIA

Source: Journal l ‘Essor-Mali