Un collectif de menuisiers et autres exploitants forestier de la Commune I ont animé, vendredi dernier, dans la salle de cinéma de Sikoroni, une conférence de presse, pour dénoncer l’exportation massive du bois du Vène (guéni en bambara) du Caïlcédrat (djala en bambara) et d’acajou, du Mali vers la Chine au détriment des exploitants nationaux. Toute chose qui n’est pas sans conséquence sur leur activité quotidienne.

bois arbre conteneurs

La conférence était animée par Abdoulaye KONATE, secrétaire administratif de la Fédération nationale des exploitants forestiers qui avait à ses côtés, l’ancien président de la Chambre des métiers de la commune I, Seybou TRAORE, promoteur d’une unité de fabrique de briquettes combustibles; Mamadou TRAORE; Boubacar Sidiki TRAORE, dit ‘’Bouaéni’’ et Demba TRAORE, tous des menuisiers.

La circulaire n°254 en cause
Selon les conférenciers, l’exportation du bois vers la Chine n’est pas la seule raison de la rareté du bois sur le marché malien.
A l’origine de cette difficulté d’approvisionnement du marché en bois et planchers, ils pointent du doigt les services des Eaux et forêts qu’ils accusent de les priver du droit d’exploiter ces ressources naturelles.
En effet, soutiennent-ils, par la lettre circulaire N°254, le Directeur national des eaux et forêts a interdit l’exploitation du bois sur toute l’étendue du territoire national, depuis 2015.
Malgré cette interdiction faite aux exploitants nationaux, le volume des exportations vers la Chine continue de croitre et cela, grâce à la complicité des services des Eaux de forêts et certains opérateurs nationaux qui «mangent dans la main des Chinois», selon les conférenciers.

La corruption
Cette agression contre le Vène, dénoncent les conférenciers, s’est intensifiée dans notre pays, il y a de cela dix ans et toutes les autorités concernées sont au courant. Mais, la corruption aidant, aucune autorité ne semble se préoccuper du sort de cet espace menacé de disparition, malgré les nombreuses dénonciations faites par les exploitants forestiers.
Victimes du phénomène, les menuisiers, les tradithérapeutes, et autres exploitants forestiers en ont aujourd’hui marre.
Selon le secrétaire général de la Fédération national des exploitants forestiers qui revient d’une expédition dans la zone de Kéniéba, ces arbres sont coupés de manière sauvage sans aucun respect du plan d’aménagement.
«Ce qui se passe aujourd’hui, doit indigner tout vrai patriote», a-t-il dit.

Manque de cadre légal
Pour M. KONATE, la faute incombe aux autorités qui n’ont rien fait pour adopter les plans d’aménagement du massif forestier de l’Etat dont le projet existe depuis 1962.
La dernière tentative de rectifier le tir, en 2010, a abouti à l’adoption de la loi 026 du juillet 2010 qui été rejetée par les exploitants forestiers dont les préoccupations n’avaient pas été prise en compte.
Aujourd’hui, soutiennent les conférenciers, le manque de planchers sur le marché est la conséquence de l’application de la lettre circulaire N°254 qui interdit toutes les activités des exploitants forestiers sur toute l’étendue du territoire.

Une mobilisation vaine
Face à la situation, les autorités ont invités les acteurs eux-mêmes a financé des plans d’aménagement partiel. C’est le cas d’un promoteur d’usine de bois qui a investi plus de 100 millions de FCFA pour se doter d’un plan d’aménagement. Une enveloppe qui n’est pas à la portée des petits exploitants.
Dans le temps, le plancher de Vène était cédé à 4 000 FCFA, aujourd’hui, il faut plus de 6000 FCFA pour le même plancher. Car les petits exploitants sont obligés, faute de plan d’aménagement national d’exploiter la forêt dans la clandestinité et le tout à leurs risques et péril.
Dans le cas contraire, ils sont obligés de sous-traiter avec les grands opérateurs qui fixent leurs conditions au détriment des exploitants.

La croix et la bannière
Pour qu’un particulier puisse élaborer un plan d’aménagement dans une localité quelconque, il lui faut plus de 6 millions FCFA. Il doit commettre un bureau d’étude pour faire l’inventaire. Pis, ceux qui sont parvenus à s’offrir un plan d’aménagement sont obligés d’attendre éternellement pour que les techniciens approuvent leur plan.
C’est le cas d’un exploitant, ayant investi plus de 16 millions FCFA dans un plan d’aménagement, qui se trouve bloqué depuis longtemps au niveau des services techniques compétents. Cela est dû à la corruption, estiment les conférenciers.
En tout cas, reconnaît Abdoulaye KONATE, l’un des conférenciers, l’élaboration du plan d’aménagement permet de rationaliser les exploitations et il est plus rentable pour l’Etat qui perçoit régulièrement des taxes d’exploitation.
Selon les textes, un exploitant forestier, doit prendre un carnet d’exploitation annuel qui lui coûte 100 000 FCFA puis un permis de coupe délivré sur la base d’une quittance.

L’axe du mal
«Ces bois proviennent des localités de Bougouni, Sikasso, Kolondiéba, Kita. Ils sont transportés au port de Dakar avant de prendre la direction de la Chine, où ils sont destinés à la fabrication de meubles, de maisons et autres objets de luxe», décrit un conférencier.
Rappelons qu’en 2008, les services forestiers du Mali avaient octroyés, un contrat faramineux à une société chinoise portant sur l’exploitation du bois du Vène.
Ainsi, les forêts maliennes avaient fait l’objet de “razzia chinoise du Vène” ou en deux mois seulement (de janvier à février 2008), l’exploitation des forêts du cercle de Kita par les Chinois a fourni 243 tonnes de bois.
Cette exploitation, qui était au cœur d’une controverse, avait été suspendue par le ministre de l’Environnement après une visite dans la zone forestière.
Notons que le “Vène” figure sur la liste des espèces officiellement protégées au Mali, ce qui ne fait qu’élever le prix payé par les paysans qui les abattent. Son bois est très recherché par les menuisiers et artisans villageois dans les régions de Kayes, Koulikoro, et Sikasso.

Par Abdoulaye OUATTARA

 

Source: info-matin