L’épidémie de grèves et son lot de manifestations, qui s’étendent au jour le jour à toutes les couches de la société malienne, doivent inquiéter. La grogne sociale meurtrit le peuple et affaiblit largement les pouvoirs publics. Le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita doit y songer et apporter urgemment de solutions adéquates aux doléances faites. C’est le bas peuple qui crève sous le poids des grèves et manifestations en série.

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Education de base ! Bien que des négociations soient en cours entre la partie gouvernementale et le syndicat de ce secteur, un préavis de grève est déjà sur la table. Les négociations en cours datent de novembre 2016. D’une grève de 120 heures, à un préavis  de 146 heures dont le mot d’ordre a été suspendu, un ensemble de syndicats de l’éducation iront en grève dans moins d’une semaine si rien n’est fait. Le préavis déposé entre en exécution le 10 avril prochain pour une durée de 240 h, soit 10 jours.

Les syndicats grévistes sont : le Syndicat libre et démocratique de l’enseignement fondamental (Syldef), le Syndicat national de l’éducation de base (Syneb), le Syndicat national des enseignants de secondaire de l’Etat et des collectivités (Synesec), le Syndicat national des enseignants fonctionnaires des collectivités (Synefct), la Fédération nationale de l’éducation de la recherche et de la culture (Fénarec), le Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire des collectivités (Sypesco).

A l’éducation, nous indique-t-on, les revendications syndicales portent sur plusieurs points, mais le désaccord se trouverait au niveau des questions financières. Les syndicats réclament, entre autres : l’allocation d’une prime de documentation dont le taux mensuel varie de 75 000 F CFA à 100 000 F CFA, l’octroi d’une prime d’enseignement dont le taux mensuel varie de 50 000 FCFA à 75 000 F CFA et majoration de la prime de zone à 150 000 FCFA. La partie gouvernementale aurait juste accordé une augmentation de 10 000 F CFA ; à savoir : la prime de documentation. Aucun consentement sur les autres points.

Une autre revendication principale des enseignants, nous indique-t-on, est le statut autonome qu’ils demandent depuis belle lurette. La tenue de la grève du 10 avril prévue par les enseignants du secondaire et du fondamental se précise. En prélude à cette grève, une marche de protestation pour dénoncer la mauvaise foi du gouvernement a lieu hier mercredi 5 avril.

Même scénario à l’enseignent supérieur où le syndicat est en grève illimitée depuis ce  mardi 4 avril. Le Snesup, c’est le nom  du syndicat de ce secteur, dit avoir déjà procédé à une grève “d’avertissement”. Du 14 au 16 mars dernier le Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup) était en grève. Cette grève de 48 h, dit-on, était juste une mise en garde et d’autres actions fortes vont suivre dans les jours à venir s’il n’y a pas satisfaction dans un bref délai.

Les revendications annoncées par le Snesup portent sur 4 points dont l’application immédiate de la grille plafond 3000 et plancher 1368 au personnel enseignant de l’enseignement supérieur et aux chercheurs ; l’intégration immédiate dans la fonction publique des travailleurs contractuels payés sur les budgets autonomes des structures de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et l’adoption immédiate du nouveau statut “enseignant-chercheur”, constituent les points 2 et 3 des revendications du Snesup. Le 4e point porte sur la nomination immédiate des agents fonctionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique omis de la hiérarchisation du 16 juin 2015 et la capitalisation des publications des chercheurs de l’IER recrutés en 2008 pour leur transposition.

A l’image de l’enseignement  supérieur, beaucoup d’autres syndicats ont fait des grèves d’avertissement. Ils sont en pause mais leur réveil pourrait être brutal. Il s’agit du Syndicat des affaires étrangères qui a déjà observé une première grève de 72 h,  du 22 au 24 février 2017.  Aussi, les magistrats se disent prêts à reprendre sans préavis leur grève illimitée si le gouvernement n’arrive pas à respecter ses engagements dans le délai convenu. Après un mois de grève illimitée, les magistrats ont suspendu leur mot d’ordre en février dernier pour une durée de trois mois. Le temps, disons-nous, de tester la bonne volonté de la partie gouvernementale.

Suspendre la grève illimité pour tester la bonne volonté et la sincérité, cette astuce n’est pas non plus écartée par les professionnels de la santé qui sont en arrêt de travail depuis le 9 mars dernier. Cette grève illimitée dont les revendications portent sur 9 points, est la résultante  du non-respect des engagements que le gouvernement a pris à la suite d’une conciliation entre les deux parties en novembre 2016. Il y a désormais une crise de confiance entre les deux parties et la suspension de cette grève n’est pas pour demain. Pendant ce temps, c’est le peuple qui crève. Salles de classes fermées, pas de soins de santé, le peuple est à bout de souffle !

Grevez, ne nous  faites pas crever !

C’est visiblement le message que l’on souhaite faire passer à travers les récentes manifestations. A la suite de la grève illimitée des médecins un mouvement est né à Bamako. “Trop, c’est trop”, c’est son nom. Le mouvement “Trop, c’est trop” dont les activités ont été interdites par les autorités courant semaine dernière, s’exprimait à travers des rassemblements dans les différents coins de Bamako exigeant une reprise immédiate du travail par les médecins. Et chaque rassemblement avait son petit nouveau beau monde. Voyant en ce mouvement les prémices d’un soulèvement, ses activités ont été purement interdites pour cause, dit-on, d’état d’urgence.

Loin de Bamako et loin du mouvement “trop c’est trop”, les grèves incessantes semblent avoir largement affaibli l’autorité de l’Etat. A la moindre incidence et parfois pour des futilités la population est prête à se manifester.

A Kayes, on a battu pavé pour réclamer le retour du train alors que dans cette même ville les travaux de construction d’un nouveau pont sont en attente. La pose de la première pierre de ce pont était annoncée en fin 2016. Les manifestations du week-end dernier à Kayes allaient être plus légitimes si  c’était pour encore réclamer cette pierre.

Tout de même, à Kangaba des manifestations ont fait un mort et cinq blessés par balles du côté des contestataires. Dans cette ville, située à 85 km de Bamako, vers la frontière guinéenne, quelques centaines de personnes ont manifesté contre l’arrestation de quatre habitants par le juge pour “opposition à l’autorité légitime”. Une banale histoire qui a abouti à ce drame.

En clair, l’on a l’impression que le peuple manifeste désormais pour faire part de son mécontentement face à la série de grèves. La grogne sociale gagne du terrain au jour le jour.  Les mêmes signes qui ont été fatales au pouvoir du régime précédent…