Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, Président de la République, Chef de l’Etat du Mali , a accordé une interview , le mercredi 19 septembre 2018 , à l’agence d’informations économiques Bloomberg. L ‘interview a été réalisée par la journaliste Katarina Hoije, et avait lieu au Palais Présidentiel de Koulouba.

Dans l’article-interview de Bloomberg que nous avons pu traduire en français pour vous , le Président de la République , Chef de l’Etat Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Keita a évoqué les sujets d’actualité au Mali notamment la guerre Islamique au Mali , l’intervention des forces françaises dans notre pays , et le mandat de la MINUSMA .

La Guerre Islamiste au Mali; une Préoccupation Mondiale, selon IBK

Évoquant ce sujet , le Président affirme que les offensives en Irak et en Syrie se déversent sur l’Afrique.

Le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta a déclaré que la lutte de six ans que mène son pays contre les militants islamistes devrait être une préoccupation mondiale au moment même où les communautés ouest-africaines se trouvent confrontées aux conséquences des offensives contre les insurgés en Irak et en Libye.« Ce qui se passe au Mali ne concerne pas uniquement que nous ici, mais l’ensemble de la Communauté internationale », a déclaré le Président Keïta, 73 ans, dans une interview dans la capitale Bamako. « Compte tenu des avancées dans la lutte contre l’Etat Islamique en Syrie et en Irak, il y’a bien un reflux de combattants vers l’Afrique du Nord qui, traversant la Libye, atteint le Mali et le Sahel. Nous ne défendons pas seulement notre territoire, nous nous battons pour vous aussi. La Méditerranée n’est pas loin ! »

En première ligne d’une guerre régionale contre les militants affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat Islamique, le Mali, pays enclavé, n’a pas réussi à anéantir une insurrection qui a commencé dans son grand désert du nord, et qui s’est depuis propagé au centre du pays, avant de se répandre au-delà de ses frontières. Ancien Président de l’Assemblée Nationale, le Président Keïta a été réélu le mois dernier pour un second mandat de cinq ans, lors d’une élection assombrie par la détérioration de la situation sécuritaire.

La stabilité du Mali a été ébranlée lorsqu’une alliance peu ordonnée de séparatistes ethniques touareg et d’insurgés islamistes, aidée en cela par un afflux soudain d’armes en provenance de Libye, s’est emparée du nord du pays à la suite du Coup d’Etat de 2012 qui a ravagé une armée déjà démoralisée.

L’intervention française au Mali

Une intervention militaire française en 2013 a repoussé les insurgés, permettant ainsi le déploiement d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies forte de 15 500 hommes. Quelques mois plus tard, porté par une vague d’optimisme, le Président Keïta a remporté son premier mandat à la faveur d’un raz-de-marée sur ses engagements pour rétablir l’autorité de l’Etat.

Cinq ans après, les attaques djihadistes se sont propagées au centre fortement peuplé du pays et des centaines de troupes de l’ONU et du Mali sont tombées lors des attaques de militants. L’insécurité a débordé sur le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, qui ont été secoués par des attaques de grande envergure très médiatisées contre des hôtels et des restaurants. Ailleurs, le Nigeria lutte contre les combattants du mouvement Boko Haram dans une guerre qui s’est étendue au Niger, au Tchad et au Cameroun.

Un accord de paix conclu en 2015 avec certains groupes armés n’a pas donné les résultats escomptés, ce qui a amené les Nations Unies à déclarer le mois dernier que plusieurs parmi les signataires de l’Accord tentaient délibérément de freiner sa mise en œuvre. Le crime organisé, y compris le trafic de drogue est à la hausse.
Bien que me Président Keïta ait veillé et atteint une croissance économique de 5,3% l’année dernière, due en partie à l’augmentation des dépenses consacrées à l’agriculture dans le pays le plus grand producteur de coton d’Afrique, il a déclaré que la sécurité restait sa priorité absolue.

« Lorsque le Gouvernement ne peut pas remplir ses obligations de défendre le territoire national, de protéger les citoyens et leurs biens, l’Etat est donc faible », a déclaré le Président Keïta. « Je suis le premier à admettre qu’aujourd’hui nous sommes loin de remplir de remplir toutes nos obligations en tant qu’Etat ».a insisté IBK

Bien que le Mali soit le troisième plus grand producteur d’or d’Afrique subsaharienne, le pays reste encore tributaire d’envois de fonds. Il reçoit également un appui financier important de la part des pays européens qui cherchent à stopper le flux des migrants africains en direction de la Méditerranée, dont près d’un milliard de dollars provenant des fonds de l’Union Européenne repartis sur cinq jusqu’en 2020.

Depuis l’éclatement du conflit, l’administration malienne a également bénéficié d’un appui militaire international massif. Le Mali sert de base aux troupes françaises qui pourchassent les leaders militants djihadistes dans la région, et le pays a accueilli cette année une force de 4 000 hommes, connue sous le nom de G5 Sahel, destinée à renforcer les patrouilles frontalières dans la zone semi-aride au sud du désert du Sahara.

Le Mandat des Nations Unies

Le Président Keïta a déclaré que le G5 Sahel était nécessaire parce que les forces de maintien de la paix des Nations Unies n’ont pas un mandat suffisamment fort et elles sont à la merci des attaques quasi quotidiennes qui pourraient menacer la présence à long terme de la mission.

Le mandat actuel des Nations Unies en vertu duquel les soldats du maintien de paix opèrent « n’est pas adapté à la situation sécuritaire » a-t-il déclaré. « Leurs véhicules et convois sont fréquemment attaqués. Si nous continuons de la sorte, il est possible que les différents pays retirent leurs troupes. Je les comprends : si c’étaient des maliens qui mourraient, j’en ferais de même ».

Une partie de cet appui militaire a permis au Mali de reconstruire son armée qui a été détruite par des fonctionnaires corrompus qui ont détourné les fonds destinés aux militaires sous le prédécesseur déchu du Président Keïta, à savoir le Président d’alors Amadou Toumani Touré.

Les dépenses militaires représentent désormais 23% du budget, ce qui dénote des « efforts considérables » déployés par le Gouvernement au cours de son premier mandat, a déclaré le Président Keïta.

« Il y a cinq ans, l’armée ne disposait pas d’un seul avion, ou d’un seul hélicoptère, ou d’un seul cargo de transport de troupes, ou d’un seul avion de chasse sur un territoire de plus de 1 million de Km² », a-t-il déclaré. « Aujourd’hui, nous avons des hélicoptères et des avions cargo de transport de troupes, exploités par des pilotes maliens, et nous sommes en mesure de voler entre Kidal, Gao et Bamako. Cela devrait vous donner une idée des investissements que nous y avions consacrés ».

Une combinaison de conflit et de sécheresse a déclenché une crise humanitaire qui a provoqué l’insécurité alimentaire chez un malien sur cinq, selon les Nations Unies. La malnutrition sévère est répandue chez les jeunes enfants et près de 500 écoles ont dû fermer cette année. Néanmoins, le Président Keïta a indiqué que le Mali avait suffisamment de stocks de céréales pour éviter une crise alimentaire généralisée.

« Il y a des villages où les gens ont du mal à accéder à leurs champs ; ce sont là des vrais problèmes », a déclaré le Président Keïta.

« Je ne nie pas qu’il existe un problème, cependant nous essayons de régler ces questions par le dialogue et par la force là où cela s’avère nécessaire ».